Tout au long de cette année, l'administration fiscale argentine, l'AFIP, s'est rendu compte qu'un bon nombre de petits malins, qui déclaraient des revenus modestes ou relativement modérés, effectuaient chaque année plusieurs voyages à l'étranger, ce qui est un premier signe extérieur de richesse en Argentine. Or, au cours de ces voyages, ces messieurs-dames font chauffer la carte de crédit pour un peu tout et n'importe quoi. Les relevés de banque, voyez jusqu'où va le croisement des fichiers informatiques, y compris en Argentine !, ont permis au fisc argentin, décidément bien agressif ces derniers temps, de comprendre que les achats concernaient des biens de consommation à haute valeur ajoutée : matériel Hi-Fi ou informatique, services divers et variés que ces contribuables pourraient tout aussi bien acheter ou consommer dans leur pays, faisant ainsi mieux tourner le marché local de l'offre et la demande.
L'AFIP en a conclut qu'il s'agissait le plus souvent d'opérations visant à échapper à l'impôt (ce en quoi elle a sans doute raison sur la majeure partie des cas répertoriés) et constituait aussi un vaste système de sortie de devises au noir, ce qui, bien entendu, perturbe le modèle monétaire national et ralentit le rétablissement à terme de la convertibilité du peso sur les marchés étrangers, convertibilité abandonnée depuis décembre 2001, à cause de la retentissante faillite du pays.
Le nouvel instrument fiscal mis en place par l'AFIP est radical (peut-être un peu trop, d'ailleurs, et il ne va pas manquer de soulever beaucoup de rogne dans les jours, les semaines ou les mois à venir) : tout Argentin qui fera à l'étranger un paiement par carte de crédit (à ne pas confondre avec une simple carte de paiement, à débit immédiat ou différé à la fin du mois) se verra prélever un surplus de 15% de la somme payée, que la banque ou l'organisme de crédit (American Express par exemple) versera au fisc, au titre d'une avance sur impôt. A la fin de l'exercice fiscal, le système devrait être en mesure de rembourser au contribuable l'éventuel trop-perçu si le montant de son impôt est légalement inférieur à ce qu'il aura déjà payé par ce prélèvement à la source.
Les Argentins n'ayant une confiance démesurée ni envers les banques ni envers les organismes d'Etat, la mesure risque d'être assez rapidement très impopulaire (même si elle ne touche qu'une minorité de toute manière assez privilégiée pour pouvoir voyager et bénéficier d'une carte de crédit internationale), à moins que le discours officiel se fasse très agressif vis-à-vis des riches, au prix, le cas échéant, d'une assimilation démagogique et excessive entre ces derniers et les fraudeurs...
Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 (dont le ton est ici très mesuré et très analytique, au lieu d'être comme d'ordinaire passablement militant)
Les autres titres de la presse doivent présenter des analyses ou des non-analyses des plus instructives sur la manière dont l'intelligentsia va prendre la mesure mais mon agenda un peu trop chargé pour aujourd'hui ne me permet guère d'en faire état.