Récapitulons
la journée d'hier :
le
Pape François a reçu en audience privée
-
Daniel Scioli et son épouse, Karina Rabolini (comme le savent mes lecteurs
fidèles, Daniel Scioli est actuellement le Gouverneur de la
Province de Buenos Aires, il est aussi l'ancien Vice-Président
de Néstor Kirchner, il est actuellement un allié
politique mesuré de sa veuve, Cristina de Kirchner, le tout
alors que l'Argentine est en pleine campagne pour les élections
de mi-mandat). L'audience a duré 50 minutes. Ce qui, jusqu'à
présent, relevait au Vatican d'un traitement exceptionnel
(mais il semble bien que le Saint-Siège soit en train changer
d'époque dans ce domaine aussi). L'entrevue a porté sur
de très nombreux sujets mais aurait laissé de côté
tous les enjeux politiciens du moment. Comme tous les autres
officiels de la majorité actuelle, Daniel Scioli est ressorti
enthousiaste de l'audience et a relevé auprès des
journalistes les qualités que tous s'accordent à
reconnaître au Pape : ouverture d'esprit, sens du dialogue,
souci de la justice sociale, humilité et simplicité du
comportement, etc.
Photo Service de Presse de Daniel Scioli |
- Une petite délégation des victimes de l'attentat de
l'AMIA, la mutuelle juive de Buenos Aires dont le siège social
a été dynamité le 18 juillet 1994 laissant 85
morts et des centaines de blessés dont la plupart n'ont jamais
retrouvé la pleine santé (1). La délégation
était essentiellement composée de membres de la
communauté juive. Et cette fois-ci, l'audience a duré
plus d'une heure. Les personnes reçues étaient pour la
plupart déjà bien connues de l'ancien archevêque
de Buenos Aires, il s'agissait donc de retrouvailles, ce que les
participants ont souligné en relevant que le Saint Père
leur avait paru très désireux de profiter de l'occasion
pour s'imprégner de sa ville natale qui lui manquerait (on
peut imaginer qu'en effet...).
Photo Télam |
Très
tôt dans la matinée, il a également inauguré
côte à côte avec Benoît XVI une statue sur
l'une des places de la Cité du Vatican. Puis la journée
a continue avec la présentation publique de sa première
encyclique (composée en grande partie par Benoît XVI et
retravaillée par ses soins ensuite, comme le Pape émérite
avait lui-même repris un projet entamé par son
prédécesseur) et l'annonce de la prochaine et double
canonisation de Jean XXIII et Jean-Paul II. Il n'est pas très
difficile de constater le caractère symbolique de ces
événements conjoints, formalisés à
quelques jours de la pause estivale, qui sera elle-même
interrompue par les JMJ au Brésil.
Pour
les journalistes argentins, tout cela fait encore plus d'informations
à traiter que pour leurs homologues lambda européens,
qui ont pourtant laissé de côté une bonne partie
de cette matière surabondante, au profit de l'actualité
égyptienne et des ennuis moscovito-aéroportuaires d'un
informaticien poursuivi par son pays de naissance qui le verrait bien
sous les verrous.
Clarín
a choisi la solution radicale : sur son site Internet, le journal
fait l'impasse pure et simple sur toutes les questions vaticanes.
Página/12
et La Nación, qui ont toujours beaucoup de mal à
comprendre un tant soit peu les questions spirituelles, ont néanmoins
tenté le Grand Schelem. Ce qui nous donne :
Un
article de Página/12 sur l'audience accordée aux
victimes de l'AMIA.
La
Nación n'a pas jugé bon de consacrer ne serait-ce qu'un
entrefilet autonome à ce sujet. Elle se contente de quelques phrases non illustrée à la fin de l'article sur la double
canonisation. On passe ainsi du coq à l'âne.
En
revanche, Télam s'est penché sur le sujet (et c'est
même l'agence de presse qui sort la meilleure photo).
Le
fait que l'affaire de l'AMIA concerne essentiellement la communauté juive a
peut-être un peu surpris le milieu médiatique argentin.
Deux
articles de La Nación sur l'audience accordée à
Daniel Scioli et son épouse, dont un qui est en fait publié dans Hola, le magazine people et creux dont on connaît les
versions francophone ou espagnole, et un autre bien caché dans la page Internet du quotidien politique.
Un article sur Daniel Scioli que, de manière étonnante,
Página/12 a passé ce matin par pertes et profits. Le
journal s'est contenté de le publier hier soir (donc hors
version imprimée) et ne le fait pas apparaître sur son
édition d'aujourd'hui. Sans être un inconditionnel de
Cristina, Daniel Scioli n'est pourtant ce qu'il a de pire dans
l'opposition à l'actuel Gouvernement (Página/12 avait
apporté son soutien à un Pino Solanas à l'époque
où il n'était déjà pas tendre avec la
Présidente !). Le Gouvernement bonaerense méritait
mieux de la part d'un tel pilier du pouvoir en place.
Sur
le sujet, L'Osservatore Romano a, quant à lui, fait le minimum
syndical (mais il est vrai qu'hier, le quotidien du Saint-Siège avait bien
d'autres sujets à traiter en priorité).
Extrait de L'Osservatore Romano, daté du 6 juillet 2013. Il n'y a rien de plus. |
Un article de Página/12 sur l'encyclique Lumen Fidei (Lumière
de la Foi), par Elena Llorente, la freelance sud-américaine
installée à Rome et qui a toujours autant de mal à
comprendre de quoi il retourne mais elle s'applique avec une bonne
volonté touchante, sans rien lâcher de sa sempiternelle
grille de lecture idéologique qui lui fait comprendre beaucoup
de choses de travers.
Un article de La Nación sur Lumen Fidei, bien caché dans
les profondeurs du site du journal (il faut chercher un peu pour le
trouver). L'article reprend docilement les communiqués du
Vatican et livre du coup un résumé assez fidèle
(avec lien vers la version hispanophone du document). C'est d'ailleurs
la seule chose qu'en bonne déontologie, un journaliste puisse
faire puisque par définition, il ne sait pas de quoi il parle
(à moins d'arriver à s'avaler les 80 pages du texte
avant le bouclage, ce qui doit être assez difficile).
Le
site Internet du Vatican propose bien entendu le texte intégral du document, en plusieurs langues, dont le français, en ligne
et en version téléchargeable pdf, ainsi qu'un
communiqué résumant la conférence de presse de
présentation et un message de Radio Vatican.
Un article de Página/12 sur la double canonisation, article
anonyme où le quotidien use d'un ton passablement neutre et
parle presque exclusivement des miracles attribués aux deux
nouveaux saints (rien de bien folichon et surtout rien d'éclairant).
Un article de La Nación sur le même sujet : le journaliste
y tente une analyse pastorale de cette double décision qui prend un peu le monde par surprise. Et pour une fois, il s'agit d'une
analyse plutôt pertinente, sans grille politique pour venir embrouiller les esprits.
Ajout du 7 juillet 2013 :
Página/12 publie aujourd'hui, sous la plume habituellement hostile de Washington Uranga, une analyse très fine et bien intentionnée des quatre premiers mois du Pape François au Vatican. Pour la première fois dans ce quotidien qui, en général, ne comprend rien aux affaires spirituelles, l'adjectif conservador, employé pour stigmatiser le Cardinal Bergoglio puis le Pape, est employé entre guillemets ! (lire l'article). Le plus étonnant est que ces guillemets coexistent avec la mention objective du refus du mariage homosexuel (dans Lumen Fidei), ce qui était jusqu'à présent le grand marqueur du soi-disant conservatisme du magistère catholique. Le journaliste semble avoir pris la peine de lire le texte espagnol de l'encyclique. Quel renversement...
Ajout du 7 juillet 2013 :
Página/12 publie aujourd'hui, sous la plume habituellement hostile de Washington Uranga, une analyse très fine et bien intentionnée des quatre premiers mois du Pape François au Vatican. Pour la première fois dans ce quotidien qui, en général, ne comprend rien aux affaires spirituelles, l'adjectif conservador, employé pour stigmatiser le Cardinal Bergoglio puis le Pape, est employé entre guillemets ! (lire l'article). Le plus étonnant est que ces guillemets coexistent avec la mention objective du refus du mariage homosexuel (dans Lumen Fidei), ce qui était jusqu'à présent le grand marqueur du soi-disant conservatisme du magistère catholique. Le journaliste semble avoir pris la peine de lire le texte espagnol de l'encyclique. Quel renversement...
(1)
Le Pape a été ordonné évêque en
1992. Au moment des faits, il était donc évêque
auxiliaire de Buenos Aires. Depuis sa nomination comme archevêque
de la capitale argentine, il a participé à de
nombreuses cérémonies sur les lieux de l'attentat.
L'enquête criminelle a débouché il y a quelques
mois sur une initiative politique très contestée dans
la communauté juive argentine qui se traduit par un accord
bilatéral entre la République argentine et la
République islamique d'Iran, dont le gouvernement de l'époque
est fortement soupçonné d'être l'initiateur du
crime, tandis que les poseurs de bombe, des Argentins d'origine
syrienne, auraient été couverts et protégés
par l'ex-Président Carlos Menem (voir mon article du 3 octobre 2009 au sujet des soupçons qui se sont accumulés sur ce
dernier). Aujourd'hui, Carlos Menem a retrouvé un statut de
sénateur et recouvré l'immunité relative à
cette fonction élective. Les poursuites contre lui sont
suspendues.