mercredi 31 juillet 2013

La conférence de presse du Pape fait des vagues dans son pays natal [Actu]

Une du 30 juillet
(à comparer avec celle du lendemain)
L'image centrale se rapporte à des
désaccords dans une alliance électorale
Comme partout ailleurs dans le monde occidental, la conférence de presse improvisée par le Pape dans l'avion Rio-Roma, dans la nuit de dimanche à lundi, a fait et continue de faire pas mal de vagues dans la presse argentine. Comme presque partout ailleurs aussi, c'est surtout les déclarations sur l'homosexualité qui retiennent l'attention des journalistes (ça tourne à l'obsession dans la corporation).

Página/12 semble avoir été pris de court par les propos de François dont ce journal avait fait un homophobe aguerri, voire vindicatif, et qui se rend compte d'un seul coup que c'est faux. Il ne l'a jamais été et ses propos authentiques pendant la campagne d'opinion qui a précédé le vote de la loi du "mariage égalitaire" en Argentine ne l'ont jamais été non plus, mais ça, Página/12 ne peut pas le savoir : ses journalistes n'ont jamais écouté (ni lu) ce qu'il disait quand il était archevêque de Buenos Aires.
Du coup, la rédaction ouvre ses colonnes aux organisations militantes d'homosexuels et de transsexuels, qui se révèlent partagés, les uns se réjouissant de ce ton officiel nouveau à leur égard, les autres tombant à bras raccourcis sur ce Pape qui commet le crime (à leurs yeux) de ne pas adopter sans réserve leurs arguments pour faire de leurs sexualités atypiques des normes sociales avec assimilation totale à la monogamie hétérosexuelle, dans une complétude biologiquement féconde.

Dès hier, Clarín pour sa part a exploité la lettre qu'un ancien prêtre de Mendoza a envoyée à Rome pour réclamer cette assimilation des pratiques homosexuelles à la norme (pastorale et canonique) hétérosexuelle. Le bonhomme a lui-même quitté son ministère lorsqu'il s'est rendu compte, dit-il, que son goût pour les hommes ne lui permettait pas de vivre dans la chasteté.
A part l'album en ligne des cent meilleures photos de François aux JMJ, toute la stratégie éditoriale du journal autour du Pape relevait hier de cette thématique.

Presque rien, sauf cette manchette sur le côté gauche
où le Pape fait le pendant avec un transfert dan s le foot !

La Prensa a fait un peu plus original en revenant sur la nostalgie de sa bonne ville de Buenos Aires que le Pape a exprimée, brièvement et sobrement, aux journalistes qui voyageaient avec lui.

Le gros titre est pour le nouveau chef d'Etat-major
qui serait compromis dans un méchant scandale financier

Et c'est La Nación qui emporte le pompon grâce à sa correspondante à Rome, Elisabetta Piqué, qui, comme je le devinais lundi (voir mon article), volait effectivement avec le Pape et s'est dépêchée, dès qu'elle a atterri à Fiumicino, d'envoyer son papier, qui a paru en ligne lundi matin à Buenos Aires, après le bouclage de l'édition papier. Elle et sa rédaction traitent cette info comme on le ferait d'une exclusivité (alors que ce n'en est pas une mais elle a tout de même pu prendre la parole elle-même, aux côtés de l'un de ses confrères argentins).



Pour aller plus loin

Résumé de la conférence de presse en français par Radio Vatican, la source la plus fiable, avec L'Osservatore Romano. L'édition du quotidien, datée d'aujourd'hui mais parue hier, publie le contenu intégral, en italien, sur trois pages et une colonne et demie. Un travail de Romain, c'est le cas de le dire ! On peut y accéder sur le site Internet du journal.

Página/12 :

l'article de Elena Llorente, qui ne sait plus bien à quel saint se vouer devant une abondance de matière si peu habituelle dans ces exercices jusqu'à présent très calibrés et très circonscrits
l'article sur les réactions des associations gays argentines (l'article est plutôt rabat-joie et les réactions contrastées, à la limite de l'embarras)
l'article de Washington Uranga : très tendancieux, il tente une explication de texte de quelques paragraphes du catéchisme de l'Eglise catholique (avec une grille de lecture politique qui ne peut être pertinente sur des considérations spirituelles) – Voilà pour hier.
Ce matin :
l'article sur la lettre de l'ex-prêtre homosexuel mendocin (traitée par Clarín hier)
le billet d'opinion publié par un pasteur luthérien très hostile au Pape. Il lui reproche de s'ériger illégitimement en juge des mœurs de ses contemporains (alors que selon les normes catholiques, le Pape est avant tout un évêque et comme évêque, il est en effet un juge en même temps qu'un pasteur). Cette polémique anachronique semble arriver tout droit de la Renaissance lorsque, le schisme n'étant pas encore consommé, les protestants avaient besoin de déconsidérer les institutions catholiques pour construire, contre elles, leur identité naissante. Mais enfin, un demi-millénaire plus tard et à l'heure de l'œcuménisme, quel intérêt des luthériens auraient-ils à s'en prendre à ces signes distinctifs de l'identité catholique et à enfoncer une telle porte ouverte ? Au regard de la cordialité qui a régné entre les différentes confessions chrétiennes et les trois religions dites du Livre pendant cette semaine des JMJ, je pense qu'on peut voir dans ce billet la volonté acharnée du journal de trouver des motifs de critique à un moment où tous les gens un tant soit peu ouverts et tolérants, croyants ou non, expriment tous la même satisfaction et le même soulagement autour d'une voie (et d'une voix) de consensus sur un sujet difficile et douloureux pour tout le monde.

Edition du 31 juillet à comparer avec celle du 30 (en haut)
pour admirer l'art de la manchette des maquettistes.
La Une est consacrée à l'échec d'un recours procédural
de Mauricio Macri (photo) dans un de ses procès
où il est accusé de violences contre les sans-abris.
Clarín

L'article sur l'ex-prêtre mendocin et épistolier (précédent de 24h l'article de Página/12 sur le même sujet)
L'album-photo du Pape François à Rio.

La Prensa

L'entrefilet sur les sentiments du Pape envers sa ville natale et sa décision de privilégier l'Asie ou le Moyen-Orient pour son prochain voyage
L'article sur l'ensemble des propos tenus par le Pape dans l'avion

La Nación

L'analyse de l'éditorialiste Mariano de Vieda sur le changement de discours mais non de doctrine, avec vidéo de la conférence intégrée (Mariano de Vieda est l'auteur d'une très récente biographie du Pape, trop rapidement sortie pour constituer un travail sérieux mais en Argentine aussi, on fait des coups éditoriaux)
L'article de Elisabetta Piqué qui a bien fait de s'inscrire sur ce vol ! (Je plaisante mais il est très chouette, son article. Il y  perce une euphorie très naturelle, toute humaine). C'est le papier le plus complet de tous. Il est probable qu'elle a passé tout le vol à bosser au lieu de dormir pour livrer sa contribution à temps pour une parution à Buenos Aires dans la matinée !