lundi 25 mai 2015

Le scoop de La Voz del Pueblo : une nouvelle interview du Pape François [Actu]


Belle réussite journalistique pour ce quotidien de l'Intérieur, le journal local d'une bourgade de la Province de Buenos Aires, Tres arroyos (trois ruisseaux), La Voz del Pueblo, en cette veille de fête nationale qui correspond aussi au dimanche de Pentecôte. Une interview exclusive du Pape François accordée à un journaliste qui a fait le voyage pour cela...

Les propos de François font grand bruit et alimente une partie de la presse nationale : Página/12, La Prensa et La Nación reprennent une partie de l'interview. Seul Clarín boude dans son coin, comme cela devient une habitude dans ce quotidien qui cultive une singularité de plus en plus déplaisante dans le paysage médiatique argentin.

Le journaliste bonaerense, Juan Beretta, a été reçu mercredi dernier, après l'audience générale, en tête-à-tête dans la résidence Sainte-Marthe où le Pape habite depuis le conclave. Beretta a dû s'engager auprès de lui à se montrer « réglo » à son égard puisque depuis son élection un bon nombre de journalistes ont prêté au Pape des propos et des intentions qui n'étaient pas et n'avaient jamais été les siens. A part cela, liberté totale, dit l'intervieweur.

Verbatim

[…] ¿Pero avanzando en el servicio episcopal tampoco fantaseó con esa posibilidad?
Después de que estuve 15 años en puestos de mando en los que me fueron poniendo, volví al llano, a ser confesor, cura… La vida de un religioso, de un jesuita, va cambiando según las necesidades. Y con respecto a la posibilidad, yo estaba en la lista de los papables en el otro cónclave… Pero esta vez, la segunda, por la edad, 76 años, y porque además había gente más valiosa ciertamente… Así que a mí nadie me nombraba, nadie. Además decían que era un “kingmaker” (o hacedor de reyes, como se denomina aquellos cardenales que debido a su experiencia y autoridad son más capaces que otros para pesar en el resultado electoral), que podía influir en los cardenales latinoamericanos para que votaran. Tanto era el asunto que ni una foto mía salió en los diarios, nadie pensaba en mí. En las casas de apuestas de Londres estaba en el número 46 (se ríe con ganas). Yo tampoco pensaba en mí, ni se me ocurría.
(La Voz del Pueblo)

NdT : Le journaliste vient de demander à François s'il avait jamais rêvé devenir Pape et celui-ci lui a répondu un non franc et massif. Beretta insiste.

[…]-  Mais en avançant dans le service épiscopale, vous n'avez jamais songé à cette possibilité ?
- Après avoir passé quinze ans dans des postes hiérarchiques que l'on m'a imposés, je suis retourné à la base, j'étais confesseur, simple prêtre... La vie d'un religieux, d'un jésuite change au gré des besoins. Et pour ce qui concerne cette possibilité, j'étais sur la liste de papabili au conclave précédent... Mais cette fois-ci, la seconde, vu mon âge, 76 ans, et parce qu'en plus il y avait des gens beaucoup plus intéressants c'est sûr... Tant et si bien que personne ne parlait de moi, personne. En plus, on disait que j'étais un faiseur de roi (comme on appelle ces cardinaux qui grâce à leur expérience et leur autorité sont plus capables que d'autres de peser sur le résultat électoral), que je pouvais influencer les cardinaux latino-américains dans leur vote. Et c'était au point que pas une photo de moi n'est sortie dans les journaux, personne ne pensait à moi. Chez les bookmakers à Londres, j'avais le numéro 46 (et il rit de bon cœur). Moi non plus, je ne pensais pas à moi, cela ne me venait même pas à l'esprit.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿A pesar de que en 2005 fue el segundo más votado luego de Ratzinger?
Esas son cosas que se dicen. Lo cierto es que al menos en la otra elección estaba en los diarios, aparecía entre los papables. Adentro era claro que tenía que ser Benedicto y hubo casi unanimidad por él y eso a mí me gustó mucho. Era clara su candidatura, en la segunda no había ningún candidato claro. Había varios posibles, pero ninguno fuerte. Por eso me vine a Roma con lo puesto y con pasaje para volver el sábado a la noche y poder estar en Buenos Aires en el Domingo de Ramos. Incluso dejé hecha mi homilía sobre el escritorio. Nunca pensé que iba a pasar.
(La Voz del Pueblo)

- Malgré le fait qu'en 2005, vous avez été le second en voix derrière Ratzinger ?
- Ça, c'est ce qui se raconte (1). Ce qui est vrai c'est que lors de l'élection précédente, oui, au moins, j'étais dans les journaux, je comptais parmi les papabili. Dedans, il était clair qu'il fallait que ce soit Benoît et il y a presque eu l'unanimité pour lui et cela m'a fait très plaisir. Sa candidature était évidente, la dernière fois il n'y avait aucun candidat évident. Il y en avait beaucoup de possible mais aucun vraiment fort. C'est pour cela que je suis venu à Rome avec ce que j'avais sur moi et le billet de retour pour rentrer dans la nuit du samedi et pouvoir être à Buenos Aires pour le dimanche des Rameaux. J'avais même laissé mon homélie écrite sur mon bureau. Je n'ai jamais pensé qu'il allait se passer ça.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿Y cuándo fue elegido qué sintió?
Antes de la elección definitoria sentí mucha paz. “Si Dios lo quiere…”, pensé. Y me quedé en paz. Mientras que se hacían los escrutinios, que son eternos, yo rezaba el rosario, tranquilo. Tenía a mi lado a mi amigo el cardenal Claudio Hummens, que en una votación anterior a la definitiva me decía, “no te preocupes eh, que así obra el Espíritu Santo…” (vuelve a reírse).
¿Y lo asumió enseguida?
Me llevaron a la Sacristía, me cambiaron la sotana, y a la cancha. Y ahí dije lo que me vino.
Fue algo natural entonces.
Sí, sentí mucha paz y dije lo que me vino del corazón.
(La Voz del Pueblo)

- Et quand vous avez été élu, qu'avez-vous ressenti ?
- Avant l'élection définitive, j'ai ressenti une grande paix. J'ai pensé : Si Dieu le veut... Et j'ai été en paix. Pendant qu'on procédait aux scrutins qui durent à n'en plus finir, je priais le chapelet tranquillement. J'avais à côté de moi mon ami, le cardinal Claudio Hummens, qui lors d'un tour de scrutin antérieur m'avait dit : ne t'inquiète pas, hein ? C'est le Saint-Esprit qui est à l'œuvre (il rit à nouveau).
- Et vous l'avez assumé tout de suite ?
- On m'a conduit à la Sacristie, on m'a donné une nouvelle soutane, et au boulot ! (2) Et là, j'ai dit ce qui me venait.
- Cela a été quelque chose de naturel par conséquent ?
- Oui, j'ai ressenti une grande paix et j'ai dit ce qui me venait du cœur.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿Disfruta de la audiencia pública?
Sí, lo disfruto en un sentido humano y espiritual, las dos cosas. La gente me hace bien, me tira buena onda, como se dice. Es como que mi vida se va involucrando en la gente. Yo, psicológicamente, no puedo vivir sin gente, no sirvo para monje, por eso me quedé a vivir acá en esta casa (en la residencia de Santa Marta). Esta es una casa de huéspedes, hay 210 piezas, vivimos 40 personas que trabajamos en la Santa Sede y los otros son huéspedes, obispos, curas, laicos, que pasan y se hospedan acá. Y eso a mí me hace muy bien. Venir aquí, comer en el comedor, donde está toda la gente, tener la misa ésa donde cuatro días a la semana viene gente de afuera, de las parroquias… Me gusta mucho eso. Yo me hice cura para estar con la gente. Doy gracias a Dios que eso no se me haya ido.
(La Voz del Pueblo)

- L'audience publique, c'est quelque chose que vous aimez ?
- Oui, c'est quelque chose que j'aime dans un sens humain et spirituel, les deux dimensions. Les gens me font du bien, ils m'envoient des bonnes ondes comma on dit (3). C'est comme si ma vie venait s'imbriquer dans celle des gens. Psychologiquement, moi, je ne peux pas vivre sans les gens, j'aurais fait un bien piètre moine (4). C'est pour ça que je me suis installé ici, dans cette maison (la résidence Sainte Marthe). C'est une maison qui accueille des hôtes, il y a 210 chambres, nous sommes 40 qui travaillons au Saint Siège et qui y habitons et les autres sont des pensionnaires, des évêques, des prêtres, des laïcs de passage qui s'arrêtent ici. Et ça, moi, ça me fait du bien. Venir ici, manger dans le réfectoire, là où il y a tout le monde, avoir cette belle messe où quatre jours dans la semaine viennent des gens du dehors, des paroisses (5)... J'aime beaucoup ça. Je me suis fait prêtre pour être avec les gens. Je rends grâce à Dieu de ne pas avoir perdu cela.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿Qué añora de su vida previa al papado?
Salir a la calle. Eso sí lo añoro, la tranquilidad de caminar por las calles. O ir a una pizzería a comer una buena pizza (se ríe).
Puede pedir un delivery al Vaticano.
Sí, pero no es lo mismo, la cuestión es ir allí. Yo siempre fui callejero. De cardenal me encantaba caminar por la calle, ir en colectivo, subte. La ciudad me encanta, soy ciudadano de alma. No podría vivir en una ciudad como la tuya por ejemplo, me costaría mucho… No, Tres Arroyos no es tan chico, sí podría vivir ahí. En el campo no podría vivir.
(La Voz del Pueblo)

- Que regrettez-vous de votre vie avant d'être pape ?
- Sortir dans la ville. Cela, oui, je le regrette, la tranquillité de marcher dans la rue. Ou aller dans une pizzeria manger une bonne pizza (il rit).
- Vous pouvez commander à un traiteur au Vatican.
- Oui, mais ce n'est pas la même chose, le truc c'est d'y aller. J'ai toujours été un homme qui aimait la rue. Quand j'étais cardinal, j'aimais énormément marcher dans la rue, prendre le bus, le métro. La ville m'enchante, je suis un citadin dans l'âme. Je ne pourrais pas vivre dans une ville (6) comme la tienne par exemple, ça me pèserait beaucoup... Non, Tres Arroyos n'est si petit, si je pourrais vivre là. A la campagne, je ne pourrais pas vivre.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿De noche puede descansar, se desconecta?
Yo tengo un sueño tan profundo que me tiro en la cama y me quedo dormido. Duermo seis horas. Normalmente a las nueve estoy en la cama y leo hasta casi las diez, cuando me empieza a lagrimear un ojo apago la luz y ahí quedé hasta las cuatro que me despierto solo, es el reloj biológico. Eso sí, después necesito la siesta. Tengo que dormir de 40 minutos a una hora, ahí me saco los zapatos y me tiro en la cama. Y también duermo profundamente, y también me despierto solo. Los días que no duermo la siesta lo siento.
(La Voz del Pueblo)

- La nuit, vous pouvez vous reposer, vous déconnectez ?
- J'ai le sommeil si profonde que je m'allonge sur le lit et je m'endors. Je dors six heures. Normalement, à 9h, je suis au lit et je lis presque jusqu'à 10h, quand l'œil commence à pleurer, j'éteins la lumière et je reste jusqu'à 4h du matin où je me réveille de moi-même, c'est un réveil biologique. Evidemment, après j'ai besoin d'une sieste. J'ai besoin de dormir entre 40 minutes et une heure, j'enlève mes chaussures et je m'allonge sur le lit. Et là aussi, je dors profondément et je me réveille tout seul. Les jours où je ne fais pas la sieste, je le ressens.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿A qué le tiene miedo?
En general no tengo miedo. Soy más bien temerario, me mando sin medir consecuencias. Eso a veces me da dolores de cabeza porque por ahí se me va una palabra de más (otra vez se ríe con intensidad). En cuanto a los atentados, yo estoy en manos de Dios y en mi oración le hablé al Señor y le dije: “Mirá, si eso tiene que ser, que sea, solamente te pido una gracia, que no me duela” (se ríe), porque soy cobarde al dolor físico. El dolor moral lo aguanto, pero el físico, no. Soy muy cobarde en eso, no es que le tenga miedo a una inyección, pero prefiero no tener problemas con el dolor físico. Soy muy intolerante, lo asumo como algo que me quedó de la operación de pulmón que me realizaron cuando tenía 19 años.
(La Voz del Pueblo)

- Qu'est-ce qui vous fait peur ?
- En général, je n'ai pas peur. Je suis plutôt du genre téméraire, j'avance sans mesurer les conséquences auparavant. Il y a des fois où ça me cause des ennuis parce que ici ou là il m'échappe un mot de trop (il rit une nouvelle fois aux éclats). Et pour ce qui est des attentats, je suis dans la main de Dieu et dans ma prière, j'en ai parlé au Seigneur et je lui ai dit : Regarde, s'il fallait que ça arrive, je ne te demande qu'une seule grâce, que ça ne me fasse pas mal (il rit) parce que j'ai la frousse de la douleur physique. La douleur morale, je la prends sur moi mais la douleur physique, non. J'ai vraiment la frousse là-dessus. Non pas que j'ai peur d'une piqûre, mais je préfère ne pas avoir affaire à la douleur physique. Je ne la supporte pas, je prends ça comme quelque chose qui me reste de l'opération au poumon qu'on m'a faite quand j'avais 19 ans. (7)
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿Siente presión?
Las presiones existen. Toda persona de gobierno siente presiones. En este momento lo que más me cuesta es la intensidad que hay de trabajo. Estoy llevando un ritmo de trabajo muy fuerte, es el síndrome del fin del año escolar, que acá termina a fin de junio. Y entonces se juntan mil cosas, y problemas hay... Y después están los problemas que te arman, con que dije o no dije… Los medios de comunicación también toman una palabra y por ahí la descontextualizan. El otro día en la parroquia de Ostia, cerca de Roma, voy saludando a la gente, y habían puesto a los ancianos y a los enfermos en el gimnasio. Estaban sentados y yo pasaba y los saludaba. Entonces dije: “Miren qué divertido, acá donde jugaban los chicos están los ancianos y los enfermos. Yo los comprendo a ustedes porque también soy anciano y también tengo mis achaques, soy un poco enfermo”. Al otro día salió en los diarios: “El Papa confesó que estaba enfermo”. Contra ese enemigo no podés.
(La Voz del Pueblo)

- Vous subissez des pressions ?
- Les pressions existent. Toute personne qui exerce un pouvoir subit des pressions. En ce moment, ce qui me pèse le plus, c'est l'intensité du travail. Je soutiens un rythme de travail très soutenu, c'est le syndrome de la fin de l'année scolaire, qui ici se termine à la fin du mois de juin (8). Alors il y a mille choses qui se bousculent et des problèmes, il y en a... Et après il y a les problèmes qu'on te monte, avec ce que j'ai dit ou ce que je n'ai pas dit... Les médias aussi citent un mot et le sortent de son contexte. L'autre jour, à la paroisse d'Ostie, près de Rome, je vais saluer les gens et on avait mis les vieux et les malades dans le gymnase. Ils étaient assis et moi je passais et je les saluais. Alors j'ai dit : regardez comme c'est drôle. Là où les petits jouent, c'est là que sont les vieux et les malades. Et moi je vous comprends parce que moi aussi je suis vieux et j'ai aussi mes petits tracas de santé, je suis un peu malade. Et l'autre jour, les journaux ont dit : Le Pape a reconnu qu'il était malade. Contre cet ennemi-là, tu ne peux rien faire.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)


¿Y está encima de todo lo que se publica?
No, no. Diario leo solamente uno, La Repubblica, que es un diario para sectores medios. Lo hago a la mañana y no me lleva más de 10 minutos ojearlo. Televisión no veo desde el año 1990 (se toma el tiempo para responder). Es una promesa que le hice a la Virgen del Carmen en la noche del 15 de julio de 1990.
¿Por un motivo en particular?
No, no, me dije esto “no es para mí”.
¿No ve los partidos de San Lorenzo?
No veo nada.
¿Cómo se entera de los resultados?
Hay un guardia suizo que todas las semanas me deja los resultados y cómo va en la tabla.
(La Voz del Pueblo)

- Etes-vous au courant de tout ce qui se publie ?
- Non, non. Pour les journaux, je n'en lis qu'un, La Repubblica, qui est un journal centriste. Je le fais le matin et je ne passe pas plus de 10 minutes à le feuilleter. La télévision, je ne la regarde plus depuis 1990 (il prend son temps pour répondre). C'est une promesse que j'ai faite à la Vierge du Carmel dans la nuit du 15 juillet 1990.
- Pour un motif en particulier ?
- Non, non, je me suis dit Ce n'est pas pour moi.
- Vous ne regardez pas les matches du San Lorenzo ?
- Je ne regarde rien.
- Comment vous informez-vous des résultats ?
- Il y a un garde suisse qui toutes les semaines me note les résultats et comment ça se passe sur le tableau.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿Cómo ve a la Argentina desde el Vaticano?
Como un país de muchas posibilidades y de tantas oportunidades perdidas. Como decía el cardenal Quarracino. Y es verdad. Somos un país que ha perdido tantas oportunidades a lo largo de la historia. Algo pasa, con toda la riqueza que tenemos. Como el cuento de los embajadores de los países que se fueron a quejar a Dios porque a los argentinos le habían dado tantas riquezas y a ellos solamente una, o la agricultura o la minería. Dios los escuchó y les contestó: “No, perdón, para balancear les di los argentinos”.
¿Sigue la evolución de la política en Argentina?
No, para nada, corté acá la recepción de políticos porque me di cuenta de que algunos usaban eso y mi foto, aunque también es cierto que algún otro ni dijo que había estado conmigo y ni se sacó la foto. Pero para evitar eso, los políticos en audiencia privada, no. Si vienen van a las audiencias generales, los saludo. Pero no sé cómo van las elecciones ni quiénes son los candidatos. Me imagino quiénes deben ser los principales, pero no sé tampoco cómo van las tensiones. Sé que en las PASO de Buenos Aires ganó el PRO porque lo vi en el diario, salió hasta en La Repubblica.
(La Voz del Pueblo)

- Comment voyez-vous l'Argentine depuis le Vatican ?
- Comme un pays qui a un grand potentiel et qui a manqué beaucoup d'occasions. Comme disait le cardinal Quarracino (9). Et c'est vrai. Nous sommes un pays qui a manqué tant d'occasions au long de l'histoire. Il y a un truc avec toute la richesse que nous avons. Comme l'histoire des ambassadeurs des pays qui sont allés se plaindre à Dieu parce qu'il avait donné tellement de richesses aux Argentins et à eux seulement une, soit l'agriculture soit des mines. Dieu les a écoutés et il leur a répondu : "Non, pardon, pour compenser, je leur ai donné les Argentins". (10)
- Vous suivez l'évolution de la politique en Argentine ?
- Non, absolument pas, j'ai interrompu la réception des hommes politiques parce que je me suis rendu compte du fait que quelques uns s'en servaient, de ça et de ma photo, même s'il est vrai que tel ou tel n'a même pas raconté qu'il m'avait vu et n'a pas fait prendre la photo. Mais pour éviter ça, les hommes politiques en audience privée, non. S'ils viennent, ils vont aux audiences générales, je les salue. Mais je ne sais pas comme se passent les élections ni qui sont les candidats. J'imagine lesquels jouent les rôles principaux mais je ne sais pas non plus où en sont les tensions. Je sais que dans les primaires à Buenos Aires le PRO a gagné parce que je l'ai vu dans le journal, c'est sorti jusque dans La Reppublica.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

¿Cuáles son los peores males que aquejan al mundo hoy?
Pobreza, corrupción, trata de personas… Me puedo equivocar en la estadística, pero qué me decís si te pregunto ¿qué ítem viene en gasto en el mundo después de alimentación, vestido y medicina? El cuarto son los cosméticos y el quinto las mascotas. Es grave eso, eh. El cuidado de las mascotas es como el amor un poco programado, es decir, yo puedo programar la respuesta amorosa de un perro o de una gatita, y ya no necesito tener la experiencia de un amor de reciprocidad humana. Estoy exagerando, que no se tome textual, pero es para preocuparse.
¿Por qué siempre repite “recen por mí”?
Porque lo necesito. Yo necesito que me sostenga la oración del pueblo. Es una necesidad interior, tengo que estar sostenido por la oración del pueblo.
(La Voz del Pueblo)

- Quels sont les pires maux qui affectent le monde aujourd'hui ?
- La pauvreté, la corruption, la traite des êtres humains... Je peux me tromper dans les statistiques mais qu'est-ce que tu me dis si je te demande : en terme de gaspillage, quel élément vient derrière les aliments, les vêtements et la médecine ? Le quatrième ce sont les cosmétiques et le cinquième les animaux domestiques. C'est grave, ça, non ? Prendre soin des animaux domestiques c'est comme l'amour un peu programmé, je veux dire que je peux programmer la réponse d'amour d'un chien ou d'une petite chatte et que je n'ai plus besoin de faire l'expérience d'un amour de réciprocité humaine. J'exagère un peu là, ne me prends pas au pied de la lettre mais il y a de quoi s'inquiéter.
- Pourquoi répétez-vous toujours "Priez pour moi" ?
- Parce que j'en ai besoin. J'ai besoin que la prière du peuple me soutienne. C'est un besoin intérieur, il faut que je sois soutenu par la prière du peuple.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)



Pour aller plus loin :
lire l'intégralité de l'interview sur le site de La Voz del Pueblo
lire l'article du journaliste sur le déroulé de l'entretien
lire l'article de La Prensa sur les propos du Pape sur l'Argentine
lire l'article de La Prensa sur les propos du Pape sur les incidents de football qui ont lieu la semaine dernière à Buenos Aires entre certains supporters de Boca Juniors et les joueurs du River Plata (la guerre civile entre les deux clubs en est venue à des violences physiques sur le terrain)
lire l'article de Página/12
Quant à La Nación, elle a préféré donner la parole au rédacteur en chef de Criterio, José María Poirier, qui analyse à sa façon le présent pontificat avec un article imprimé et une interview d'une vingtaine de minutes en vidéo intégrée sur le site Internet du journal.
Lire aussi le résumé (long) en français effectué par Radio Vatican (texte écrit).
On trouve l'intégralité de l'interview en italien dans l'édition de L'Osservatore Romano datée des 25 et 26 mai 2015. Elle occupe l'intégralité de la page 5 (sur les huit que compte le journal).


(1) Même alors qu'il n'était que cardinal, le Pape François ou le cardinal Jorge Mario Bergoglio (de toute manière c'est le même homme) a toujours refusé de commenter ces rumeurs. Souvent il a rappelé à son interlocuteur le serment que prêtent les prélats en entrant en conclave de maintenir le secret absolu sur ce qu'il s'y passe. Certains vaticanologues distingués disent à qui veut l'entendre qu'ils ont eu des confidences de cardinaux restés anonymes (ben tiens!), lesquels prétendraient que Bergoglio a refusé l'élection lorsqu'elle s'est dessinée lors du conclave qui a suivi la mort de Jean-Paul II. Ils avancent même des détails tels qu'ils pourraient passer pour témoins des scènes qui se sont tenues dans la chapelle Sixtine. Et quand bien même les cardinaux en question auraient ouvert la bouche, leur parole est sujette à caution eu égard au grave manquement à un serment de secret absolu qu'elle constituerait. On ne plaisante pas avec ces notions-là dans l'Eglise catholique !
(2) Il emploie ici une métaphore footballistique. La cancha, c'est le terrain de jeu.
(3) C'est une expression très courante en Argentine pour dire qu'on se sent bien dans une relation avec une personne déterminée.
(4) Dans le vocabulaire de l'Eglise, le moine est cloîtré et ne sort pas du monastère (c'est le cas des chartreux, des bénédictins, des carmes...). Sinon, il s'agit d'un religieux, il vit dans un couvent et en sort régulièrement pour l'exercice de son ministère (dominicains, franciscains ou jésuites).
(5) Du lundi au jeudi, le Pape reçoit des délégations des paroisses romaines à la messe de la férie ou des fêtes (hors solennités) qu'il préside dans la chapelle de Casa Santa Marta, à 7h du matin. Dans la première année du pontificat, il y invitait les salariés du Vatican, service par service, pour faire connaissance avec eux.
(6) Tres Arroyos est une petite bourgade en pleine campagne, une espèce de village à l'échelle de Buenos Aires (ou même de Rome ou Paris ou Bruxelles).
(7) A 19 ans, Jorge Bergoglio a été amputé d'un poumon à cause d'une pneumonie très résistante. Les conditions de traitement de la douleur à l'époque étaient très sommaires et il a souffert le martyr pendant plusieurs mois à l'hôpital. C'est un épisode de sa vie qu'il a raconté dans un livre-interview paru en Argentine pour ses 75 ans, alors qu'on pensait qu'il allait quitter l'archevêché de Buenos Aires puisqu'il était atteint par la limite d'âge mais Benoît XVI a refusé sa démission et l'a maintenu dans sa mission jusqu'à son propre renoncement au ministère pétrinien.
(8) Du fait de l'inversion des saisons entre les deux hémisphères, en Argentine, l'année scolaire et l'année de travail prennent fin quelques jours avant Noël. Donc toutes les années correspondent : l'année civile, la saison artistique, l'école et le monde du travail.
(9) Son prédécesseur à l'archidiocèse de Buenos Aires.
(10) Il aime bien cette blague d'auto-dérision, ce n'est pas la première fois que je l'entends dans sa bouche (la première fois, c'était avant son élection).