Le
6 mai dernier, tous les groupes politiques de la Chambre des Députés
belge, au niveau fédéral, ont cosigné une proposition de loi qui
va mettre des bâtons dans les roues des fonds spéculatifs qui
voudraient prospérer en spéculant sur les dettes souveraines des
pays émergents ou en voie de développement.
L'initiative
réjouit bien entendu la rédaction de Página/12 qui avait dénoncé
il y a quelques jours la tentative d'un hedge funds, NML Capital, de
faire main basse sur l'argent de la représentation diplomatique à
Bruxelles, en demandant la saisie judiciaire de 52 000 euros placés
sous son compte en banque belge, afin de se faire rembourser sa
créance à la hussarde. Rappelons que ces institutions financières,
qui font la guerre à la République argentine depuis plus d'un an,
n'ont jamais prêté un seul dollar à l'Argentine ; elles se
sont contentés d'acheter au prêteur effectif une dette, comme elles
auraient acheté des cacahuètes, pour en tirer une plus-value en
présurant le pays débiteur...
Or
tant le promoteur de cette idée, le socialiste francophone
bruxellois Ahmed Laaouej (1) que la rédaction politique de la RTBF
ont adopté le vocabulaire argentin et parlent de fonds vautours pour
désigner ces spéculateurs. Et en effet, depuis deux ans, la justice
belge protège de ce genre de prédation les sommes que les
gouvernements étrangers allouent à leurs représentations
diplomatiques dans le cadre des missions qu'elles mènent auprès des
gouvernements auprès desquels elles sont accréditées.
« Le
procès contre l'Argentine est un scandale financier inacceptable »,
affirme le député au journaliste de Página/12, Tomás Lukin.
Extraits :
–¿Existe
algún vínculo entre el nuevo intento de embargo impulsado por el
fondo buitre NML Capital y el proyecto bajo discusión en el
Parlamento belga?
–Es
bastante increíble. Coincidencia o no, la noticia demuestra la
relevancia de nuestro proyecto de ley que tiene por objetivo regular
y limitar las demandas judiciales de estos fondos. La situación nos
lleva a reaccionar con rapidez. El proyecto de ley será debatido en
la Comisión de Finanzas del Parlamento este mes y será votado en
junio.
Página/12
T.L. :
Existe-t-il un lien entre la nouvelle tentative d'embargo lancée par
le fonds vautour NML Capital et le projet de loi en discussion au
Parlement belge ?
A.L. :
C'est assez incroyable. Coïncidence ou pas, cette information montre
combien notre projet de loi (2) qui a pour objectif de réguler et de
limiter les actions judiciaires de ces fonds. La situation nous
conduit à réagir rapidement. Le projet de loi sera débattu en
commission des finances de la Chambre ce mois-ci et il sera voté en
juin.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
–¿Por
qué está tan confiado del avance parlamentario de la iniciativa?
–Este
proyecto de ley cuenta con el apoyo de todos los grupos políticos de
Bélgica. Este es un hecho bastante excepcional, lo que refleja el
deseo de contrarrestar este tipo de prácticas financieras. Confío
en que será aprobado el próximo mes.
Página/12
- Pour
quelle raison êtes-vous si confiant sur la marche parlementaire de
votre initiative ?
- Ce
projet de loi a le soutien de tous les groupes politiques de Belgique
(3). C'est un fait assez exceptionnel et cela reflète le désir de
contrecarrer ce type de pratiques financières. Je suis confiant
qu'il sera adopté le mois prochain.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
–¿Por
qué necesita Bélgica una ley que limite el accionar buitre?
–Bélgica
quiere desempeñar un papel pionero en la lucha contra los fondos
buitre. En nuestro territorio está albergada, por ejemplo, la caja
compensadora financiera Euroclear a través de la cual se cursa gran
parte de las transacciones financieras mundiales. Vale recordar que
en marzo un juez estadounidense ordenó a Euroclear no procesar los
pagos de la deuda reestructurada de la Argentina hasta que el país
no cumpliera con la sentencia a favor del fondo NML. Por lo tanto,
está claro que se trata de una cuestión esencial para muchos
países.
Página/12
- Pour
quelle raison la Belgique a-t-elle besoin d'une loi qui limite les
agissements vautours ?
- La
Belgique veut jouer un rôle pionnier dans la lutte contre les fonds
vautours. Sur notre sol, se trouve par exemple la caisse de
compensation financière Euroclear à travers laquelle passe une
grande partie des transactions financières mondiales. Rappelons
qu'en mars, un juge des Etats-Unis a ordonné à Euroclear de ne pas
procéder aux règlements de la dette restructurée de l'Argentine
tant que le pays ne se pliera pas au verdict rendu en faveur du fonds
NML. Par conséquent, il est clair qu'il s'agit d'une question
essentielle pour de nombreux pays.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
[…]
–¿Qué
evaluación hace de la disputa entre Argentina y los fondos buitre?
–Estamos
tratando con un escándalo financiero real. Los hechos son
suficientes para comprender que ésta es una situación totalmente
inmoral e indecente. NML Capital compró bonos de Argentina en 2008,
casi siete años después de la declaración del default y más de
tres años después de la primera operación de reestructuración de
la deuda pública de su país. En 2012, un fallo de un tribunal de
Nueva York les reconoció su reclamo por 1330 millones de dólares
contra Argentina. Ese importe incluye el valor nominal de los bonos
por aproximadamente 700 millones de dólares y casi 600 millones de
intereses adeudados. Esto es simplemente inaceptable.
Página/12
- Que
pensez-vous du contentieux entre l'Argentine et les fonds vautours ?
- Nous
parlons d'un véritable scandale financier. Les faits suffisent à
comprendre qu'il s'agit d'une situation absolument immorale et
indécente. NML Capital a acheté des titres de la dette argentine en
2008, près de sept ans après la déclaration de faillite et plus de
trois ans après la première opération de restructuration de la
dette publique de votre pays. En 2012, une décision d'un tribunal de
New-York a fait droit à sa demande contre l'Argentine à hauteur de
1330 millions de dollars. Ce montant inclut la valeur nominale des
titres pour environ 700 millions de dollars et presque 600 millions
d'intérêts dus. C'est tout simplement inacceptable.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
Sur
le site Internet du député, qui est aussi un élu communal de
Koekelberg, dans l'agglomération bruxelloise, vous pouvez voir, en
français, le reportage que le JT de la Une (RTBF) a consacré à
cette proposition de loi au cours de cette semaine. Le reportage
s'ouvre sur l'intervention d'une députée MR, qui appartient donc au
parti de l'actuel Premier ministre, à l'opposé de Ahmed Laaouej
dans l'hémicycle fédéral.
Le
journaliste argentin en profite pour dire son espoir que la Belgique
donnera l'exemple au reste de l'Europe. Rêvons !
Pour
aller plus loin :
lire
l'intégralité de l'interview sur le site de Página/12.
Ajout du 11 juin 2015 :
lire le nouvel article de Página/12 sur la réponse positive de la Commission des Finances à la Chambre des Députés fédérale de Belgique.
Ajout du 11 juin 2015 :
lire le nouvel article de Página/12 sur la réponse positive de la Commission des Finances à la Chambre des Députés fédérale de Belgique.
(1)
Les deux partis socialistes, côté francophone et côté flamand,
sont dans l'opposition fédérale mais ils étaient membres de la
précédente coalition, qui était dirigée par un socialiste
francophone, Elio di Rupo. C'est aujourd'hui une droite très
libérale, au goût très modéré pour la conciliation sociale, qui
conduit la coalition au pouvoir. A sa tête, c'est encore un Premier
ministre francophone, ce qui n'était plus arrivé en Belgique depuis
les années 60...
(2)
Il s'agit en fait d'une proposition de loi puisque le texte est
présenté par les parlementaires. Un projet de loi, en Belgique
comme en France, est une initiative du gouvernement. Página/12 ne
s'encombre pas de ces nuances constitutionnelles. C'est loin, la
Belgique. Et nos médias ne font pas mieux lorsqu'ils parlent de
l'Amérique du Sud. Ils font même plutôt moins bien.
(3)
Il faut reconnaître que dans la situation actuelle, plutôt tendue,
ce nouveau consensus à la belge peut faire l'admiration des
observateurs de la vie politique en Europe.