samedi 9 mai 2015

Un parlementaire belge à la une de Página/12 [Actu]

Le 6 mai dernier, tous les groupes politiques de la Chambre des Députés belge, au niveau fédéral, ont cosigné une proposition de loi qui va mettre des bâtons dans les roues des fonds spéculatifs qui voudraient prospérer en spéculant sur les dettes souveraines des pays émergents ou en voie de développement.


L'initiative réjouit bien entendu la rédaction de Página/12 qui avait dénoncé il y a quelques jours la tentative d'un hedge funds, NML Capital, de faire main basse sur l'argent de la représentation diplomatique à Bruxelles, en demandant la saisie judiciaire de 52 000 euros placés sous son compte en banque belge, afin de se faire rembourser sa créance à la hussarde. Rappelons que ces institutions financières, qui font la guerre à la République argentine depuis plus d'un an, n'ont jamais prêté un seul dollar à l'Argentine ; elles se sont contentés d'acheter au prêteur effectif une dette, comme elles auraient acheté des cacahuètes, pour en tirer une plus-value en présurant le pays débiteur...

Or tant le promoteur de cette idée, le socialiste francophone bruxellois Ahmed Laaouej (1) que la rédaction politique de la RTBF ont adopté le vocabulaire argentin et parlent de fonds vautours pour désigner ces spéculateurs. Et en effet, depuis deux ans, la justice belge protège de ce genre de prédation les sommes que les gouvernements étrangers allouent à leurs représentations diplomatiques dans le cadre des missions qu'elles mènent auprès des gouvernements auprès desquels elles sont accréditées.

« Le procès contre l'Argentine est un scandale financier inacceptable », affirme le député au journaliste de Página/12, Tomás Lukin.

Extraits :

¿Existe algún vínculo entre el nuevo intento de embargo impulsado por el fondo buitre NML Capital y el proyecto bajo discusión en el Parlamento belga?
Es bastante increíble. Coincidencia o no, la noticia demuestra la relevancia de nuestro proyecto de ley que tiene por objetivo regular y limitar las demandas judiciales de estos fondos. La situación nos lleva a reaccionar con rapidez. El proyecto de ley será debatido en la Comisión de Finanzas del Parlamento este mes y será votado en junio.
Página/12

T.L. : Existe-t-il un lien entre la nouvelle tentative d'embargo lancée par le fonds vautour NML Capital et le projet de loi en discussion au Parlement belge ?
A.L. : C'est assez incroyable. Coïncidence ou pas, cette information montre combien notre projet de loi (2) qui a pour objectif de réguler et de limiter les actions judiciaires de ces fonds. La situation nous conduit à réagir rapidement. Le projet de loi sera débattu en commission des finances de la Chambre ce mois-ci et il sera voté en juin.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Por qué está tan confiado del avance parlamentario de la iniciativa?
Este proyecto de ley cuenta con el apoyo de todos los grupos políticos de Bélgica. Este es un hecho bastante excepcional, lo que refleja el deseo de contrarrestar este tipo de prácticas financieras. Confío en que será aprobado el próximo mes.
Página/12

- Pour quelle raison êtes-vous si confiant sur la marche parlementaire de votre initiative ?
- Ce projet de loi a le soutien de tous les groupes politiques de Belgique (3). C'est un fait assez exceptionnel et cela reflète le désir de contrecarrer ce type de pratiques financières. Je suis confiant qu'il sera adopté le mois prochain.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

¿Por qué necesita Bélgica una ley que limite el accionar buitre?
Bélgica quiere desempeñar un papel pionero en la lucha contra los fondos buitre. En nuestro territorio está albergada, por ejemplo, la caja compensadora financiera Euroclear a través de la cual se cursa gran parte de las transacciones financieras mundiales. Vale recordar que en marzo un juez estadounidense ordenó a Euroclear no procesar los pagos de la deuda reestructurada de la Argentina hasta que el país no cumpliera con la sentencia a favor del fondo NML. Por lo tanto, está claro que se trata de una cuestión esencial para muchos países.
Página/12

- Pour quelle raison la Belgique a-t-elle besoin d'une loi qui limite les agissements vautours ?
- La Belgique veut jouer un rôle pionnier dans la lutte contre les fonds vautours. Sur notre sol, se trouve par exemple la caisse de compensation financière Euroclear à travers laquelle passe une grande partie des transactions financières mondiales. Rappelons qu'en mars, un juge des Etats-Unis a ordonné à Euroclear de ne pas procéder aux règlements de la dette restructurée de l'Argentine tant que le pays ne se pliera pas au verdict rendu en faveur du fonds NML. Par conséquent, il est clair qu'il s'agit d'une question essentielle pour de nombreux pays.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[…]

¿Qué evaluación hace de la disputa entre Argentina y los fondos buitre?
Estamos tratando con un escándalo financiero real. Los hechos son suficientes para comprender que ésta es una situación totalmente inmoral e indecente. NML Capital compró bonos de Argentina en 2008, casi siete años después de la declaración del default y más de tres años después de la primera operación de reestructuración de la deuda pública de su país. En 2012, un fallo de un tribunal de Nueva York les reconoció su reclamo por 1330 millones de dólares contra Argentina. Ese importe incluye el valor nominal de los bonos por aproximadamente 700 millones de dólares y casi 600 millones de intereses adeudados. Esto es simplemente inaceptable.
Página/12

- Que pensez-vous du contentieux entre l'Argentine et les fonds vautours ?
- Nous parlons d'un véritable scandale financier. Les faits suffisent à comprendre qu'il s'agit d'une situation absolument immorale et indécente. NML Capital a acheté des titres de la dette argentine en 2008, près de sept ans après la déclaration de faillite et plus de trois ans après la première opération de restructuration de la dette publique de votre pays. En 2012, une décision d'un tribunal de New-York a fait droit à sa demande contre l'Argentine à hauteur de 1330 millions de dollars. Ce montant inclut la valeur nominale des titres pour environ 700 millions de dollars et presque 600 millions d'intérêts dus. C'est tout simplement inacceptable.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Sur le site Internet du député, qui est aussi un élu communal de Koekelberg, dans l'agglomération bruxelloise, vous pouvez voir, en français, le reportage que le JT de la Une (RTBF) a consacré à cette proposition de loi au cours de cette semaine. Le reportage s'ouvre sur l'intervention d'une députée MR, qui appartient donc au parti de l'actuel Premier ministre, à l'opposé de Ahmed Laaouej dans l'hémicycle fédéral.

Le journaliste argentin en profite pour dire son espoir que la Belgique donnera l'exemple au reste de l'Europe. Rêvons !

Pour aller plus loin :
lire l'intégralité de l'interview sur le site de Página/12.

Ajout du 11 juin 2015 :
lire le nouvel article de Página/12 sur la réponse positive de la Commission des Finances à la Chambre des Députés fédérale de Belgique.



(1) Les deux partis socialistes, côté francophone et côté flamand, sont dans l'opposition fédérale mais ils étaient membres de la précédente coalition, qui était dirigée par un socialiste francophone, Elio di Rupo. C'est aujourd'hui une droite très libérale, au goût très modéré pour la conciliation sociale, qui conduit la coalition au pouvoir. A sa tête, c'est encore un Premier ministre francophone, ce qui n'était plus arrivé en Belgique depuis les années 60...
(2) Il s'agit en fait d'une proposition de loi puisque le texte est présenté par les parlementaires. Un projet de loi, en Belgique comme en France, est une initiative du gouvernement. Página/12 ne s'encombre pas de ces nuances constitutionnelles. C'est loin, la Belgique. Et nos médias ne font pas mieux lorsqu'ils parlent de l'Amérique du Sud. Ils font même plutôt moins bien.
(3) Il faut reconnaître que dans la situation actuelle, plutôt tendue, ce nouveau consensus à la belge peut faire l'admiration des observateurs de la vie politique en Europe.