Canal
Encuentro, la chaîne culturelle de la télévision publique
argentine, présente ce soir, mercredi 6 mai 2015, à 22h, le premier
épisode d'un docu-fiction en quatre parties filmé dans la Province
de Salta sur le grand héros, Martín Miguel Güemes qui a conduit la
Guerra Gaucha dans tout le Nord-Ouest argentin au moment de
l'indépendance et qui est mort au cours de ce conflit de partisans
contre l'armée institutionnelle envoyée par le vice-roi du Pérou le seul de tous les héros de l'indépendance à avoir trouvé la mort pendant une campagne militaire.
Chaque
épisode dure un peu moins d'une demi-heure. Le premier repasse les
événements de la jeunesse du héros, né à Salta en 1785. Ce soir, on ira jusqu'en 1814 lorsque, après avoir fait ses armes à Buenos Aires,
pendant les deux incursions militaires britanniques de 1806 et 1807, sous les ordres de Santiago de Liniers (l'avant-dernier vice-roi),
il prend la tête d'une armée populaire de partisans pour repousser les corps
expéditionnaires absolutistes envoyés vers Salta, par
les pro-espagnols du Pérou. Les épisodes suivants seront
consacrés à la période 1814-1815, celle qui va de 1816 (année de
la déclaration d'indépendance) à 1820 (lorsque Güemes engagea une
vaste opération de diversion pour soutenir San Martín qui lançait
alors depuis Valparaíso l'expédition libératrice du Pérou qui
cinglait vers Lima) et enfin l'année 1821, au cours de laquelle, à
seulement trente-six ans, Martín Miguel de Güemes a été assassiné, alors qu'il s'apprêtait à lancer une nouvelle offensive, par surprise et par félonie.
Lorsqu'on
a appris sa mort à Buenos Aires, le gouvernement unitaire patricien
alors en place, et entré deux ans auparavant en guerre civile
déclarée contre les fédéraux, dont Güemes était l'une des
figures de proue, fit publier dans la gazette officielle un article
qui se réjouissait de cette bonne nouvelle et assimilait Güemes à
un sauvage inculte qui mettait le pays à feu et à sang, tout
simplement parce qu'il s'opposait à la volonté d'hégémonie
intérieure de la capitale du pays.
Hier,
le ministre de l'Education nationale, Alberto Sileoni, dont dépend
Canal Encuentro, s'est rendu à Salta pour assister, dans un théâtre
de Salta, à l'avant-première de la série aux côtés du
Gouvernement local, qui vient d'être partiellement confirmé par les
PASO d'il y a un mois (1).
Quelques acteurs et figurants posent pendant le tournage avec le réalisateur |
Cette
Guerra Gaucha, une guérilla de partisans, appelée aussi la guerra montonera, qui a inspiré toute la
gauche nationaliste (le radicalisme puis le péronisme et aujourd'hui
le kirchnerisme) (2), a profondément marqué l'identité culturelle
et politique du Nord-Ouest argentin. On peut en découvrir la trace
dans l'un des contes qui constituent mon prochain recueil, Contes animaliers d'Argentine : j'ai en effet repris une variante
venant d'un conteur de Jujuy sous le titre français de La guerre des
griffes et des piques (pages 37 à 44 du recueil à paraître) (3).
Il
est prévu que la série documentaire, intitulée Güemes, Historia
de la Gesta de la Independencia (4), soit accessible via le site
Internet de la chaîne d'ici peu comme presque toutes les productions
de la télévision publique. La série est une co-production de Canal
Encuentro et de la Province de Salta, avec un réalisateur saltègne, dont
on peut voir déjà sur Youtube plusieurs bandes-annonces et autres
making of du tournage. Régalez-vous avec les paysages somptueux de
cette région des Andes, les cris de guerre, les costumes d'époque,
la musique... Tout cela est réalisé avec beaucoup de soin et de
patriotisme.
L'image traditionnelle de Güemes, barbe fournie, regard sombre et uniforme clair des latitudes tropicales |
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de La Gaceta de Salta, qui inclut l'une des bandes-annonces
lire
les fiches consacrées à la série sur le site de Canal Encuentro
lire
le communiqué officiel du Gouvernement argentin sur le début du
tournage l'année dernière
lire
le communiqué officiel de la Province de Salta sur la présentation
d'hier.
Vous pouvez aussi visionner la bande-annonce du making of élaborée par le gouvernement provincial de Salta, tant qu'elle sera disponible sur Youtube.
(1)
Salta a été la première province à organiser les élections
primaires ouvertes et obligatoires (PASO) et les candidats Frente
para la Victoria sont arrivés en tête de toutes les autres listes.
Il est donc probable que dans deux mois l'actuel Gouverneur
kirchneriste sera reconduit dans ses fonctions et qu'il obtiendra une
majorité à la Chambre provinciale.
(2)
Les Kirchner, Néstor puis Cristina, sont des péronistes de vieille date. Néanmoins on peut
aujourd'hui parler d'une variante de ce courant dans la mesure où
ils ont ajouté aux principaux éléments du péronisme une lutte
intense pour imposer le respect des droits de l'Homme dont Perón
lui-même ne pouvait s'encombrer dans le contexte très difficile et
dangereux de la Guerre froide avec des Etats-Unis qui, aidés par
l'oligarchie locale, se seraient emparés du pays sans coup férir
s'il était venu à quiconque l'idée alors saugrenue d'y instaurer
une démocratie telle qu'elle pouvait exister en Europe. L'expérience
n'aurait pas tenu trois mois !
(3)
Pour rendre ces contes accessibles non seulement aux adultes mais
aussi aux enfants, il m'a fallu modifier les titres académiques et
analytiques que leur avait donnés la philologue Berta Elena Vidal de
Battini pour qu'ils correspondent non pas aux caractéristiques
ethnographiques du conte mais à l'histoire qu'il raconte. Le conte
pris dans le répertoire saltègne s'intitule La grande faim du
renard. En ouverture du recueil, il nous raconte comment la présomption des ceux qui se
croyaient les plus malins peut se retourner contre eux au profit des gens qu'ils prennent pour des imbéciles. Il y est aussi question de la grande spécialité de Salta : l'empanada à la viande et aux œufs, qui fait saliver le renard affamé.
(4)
L'épopée de Güemes a inspiré déjà de multiples films, dont La
Guerra Gaucha de Homero Manzi et Ulises Petit de Murat (scénario,
d'après l'œuvre de Leopoldo Lugones) et Lucas Demare (réalisation).