Il
y a quinze jours, Abuelas de Plaza de Mayo annonçait une nouvelle
identification parmi les 500 enfants enlevés à leurs parents dès
le début de la dictature militaire de 1976-1983 (voir mon article du 6 octobre 2016). Il s'agissait d'un homme de quarante ans,
Maximiliano
Menna Lanzillotto, le fils d'un Italien, Domingo Menna, et d'une
Argentine, Ana María Lanzillotto, l'un comme l'autre guerrilleros,
membre d'un parti révolutionnaire qui pratiquait la lutte armée, et
qui ont disparu après leur arrestation, en laissant derrière eux un
fils aîné. Ana María était presque au terme d'une seconde
grossesse quand les sbires du régime l'ont séquestrée. L'enfant
est né pendant la captivité de sa mère et il a été recherché
sans relâche par la famille depuis cette triste date.
Il
a d'abord choisi la discrétion et s'est tenu à l'écart des médias
mais aujourd'hui, Página/12 met en une son interview (ci-dessus). Comme tous les petits-enfants retrouvés, il témoigne du
changement que cette identification provoque dans sa vie sociale et
psychique et d'un sentiment de liberté qui monte en lui.
Hay
mucho de su vida que, desde el 3 de octubre, “es diferente” o,
mejor dicho, interpreta “de manera distinta”. “Recuerdos,
imágenes, elecciones y deseos que hoy tienen un nuevo significado”,
Página/12
Il
y a beaucoup de choses dans sa vie qui, depuis le 3 octobre, "est
différent"
ou, plus exactement, qu'il interprète "d'une
autre manière".
"Des
souvenirs, des images, des choix et des désirs qui ont maintenant
une nouvelle signification".
(Traduction
© Denise Anne Clavilier)
Verbatim
– Abuelas
de Plaza de Mayo y el país lo conoce como el “nieto 121”. ¿Cómo
define el hecho?
– Como
el descubrimiento de una realidad nueva, la posibilidad de ponerme en
contacto con una parte de mi historia que desconocía totalmente. No
siento que soy otro de golpe, nunca sentí que no sabía quién era,
sino que tenía de repente la posibilidad de encontrarle explicación
y significado a muchas cosas que quizás antes no me había puesto a
reflexionar, tenía la posibilidad de acceder a una verdad que me
completa. Quiero saber más de mis padres, le encuentro otro
significado a recuerdos, a inquietudes que tuve y que nunca les había
atribuido razón clara. En estos meses sentí que se me agrandó el
corazón un poco. De ninguna manera esto significa un reemplazo de
una historia por otra, sino el descubrimiento de una parte de mí que
hasta ahora desconocí. Prefiero que haya pasado y seguir para
adelante a haberme perdido para siempre esto. Aquel momento en el que
me dieron la noticia fue un impacto. Me ganó el desconcierto, no
lograba dejar de preguntarme si lo que me estaba pasando era
efectivamente así. Pero cuando vi la fotos en la carpeta, ya no me
quedaron dudas.
Página/12
- Abuelas
de Plaza de Mayo et tout le pays vous connaissent comme "le petit-fils
n° 121". Et vous, comment en parlez-vous ?
- Comme
de la découverte d'une réalité nouvelle, la possibilité de
prendre contact avec une partie de mon histoire que je ne connaissais
pas du tout. Je ne me sens pas un autre d'un seul coup, je n'ai
jamais ressenti que je ne savais pas qui j'étais mais que j'avais
tout d'un coup la possibilité de trouver des explications et des
significations à beaucoup de choses sur quoi sans doute avant je
n'avais jamais réfléchi, que j'avais la possibilité d'accéder à
une vérité qui me complète. Je veux en savoir plus sur mes
parents, je trouve une autre signification à des souvenirs, à des
questions que j'ai eues et auxquelles je n'avais jamais attribué une
raison claire. Je préfère que ça se soit produit et que je
continue à avancer plutôt que d'avoir perdu tout ça pour toujours.
Ce moment où on m'a dit la vérité a été un choc. J'ai été
envahi par la perplexité, je n'arrivais pas à laisser de côté la
question de savoir si oui ou non c'était vraiment ça qui m'était
arrivé. Mais quand j'ai vu les photos dans le dossier, alors il ne
m'est plus resté un seul doute.
(Traduction
© Denise Anne Clavilier)
– ¿Qué
hizo después?
– Hablé
con mi mamá, la que me crió. La llamé y le conté y la noté tan
segura cuando me dijo que no podía ser que se me fueron las dudas.
Yo me acuerdo que me contaron que de recién nacido era ‘chiquitito,
una ratita, muy flaquito’, pero no mucho más.
Maximiliano
no deja de nombrar al matrimonio que lo inscribió en el Registro
Civil como su hijo biológico y mantuvo esa versión de los hechos
hasta hace 15 días como “mamá” y “papá”. [...]
Maximiliano
asistió a la Conadi, se sacó sangre y se olvidó del tema. Hasta el
3 de octubre pasado. De nuevo en el auto. “Maxi, podés venir hoy a
Conadi a reunirte con Claudia Carlotto”, le dijeron esta vez por
teléfono. La propuesta tenía todo el tono de invitación
impostergable. Le plantearon “urgencia”. “Para saludarme no va
a ser”, supuso Maximiliano, que sin darse cuenta ya estaba en
camino para enfrentarse a su verdad.
Página/12
- Qu'avez-vous
fait ensuite ?
- J'ai
parlé à ma mère, celle qui m'a élevé. Je l'ai appelée et je lui
ai raconté et j'ai remarqué qu'elle était si sûre d'elle-même
quand elle m'a dit que ça ne pouvait pas être vrai que les doutes
se sont envolés. Je me souviens qu'on m'a raconté que tout bébé,
j'étais tout petit, une petite crevette, tout maigre, mais pas
beaucoup plus que ça.
Maximiliano
continue à parler du couple qui l'a inscrit à l'Etat-Civil comme
leur fils biologique et qui a maintenu cette version des faits
jusqu'à il y a 15 jours comme de maman et papa […]
Maximiliano
s'est rendu à la Conadi (1), on lui a fait une prise de sang et il a
oublié l'affaire. Jusqu'au 3 octobre dernier. Il est à nouveau au
volant. Maxi, tu peux venir aujourd'hui à la Conadi, tu as
rendez-vous avec Claudia Carlotto, lui a-t-on dit cette fois au
téléphone. La proposition avait le ton d'une invitation qu'on ne
peut pas repousser. On lui parlait d'urgence. Ce n'est pas juste pour
échanger des politesses, a supposé Maximiliano, qui, sans s'en
rendre compte, était en route pour affronter sa vérité.
(Traduction
© Denise Anne Clavilier)
– De
repente, lo olvidado fue certeza...
– Claro,
pero al mismo tiempo no terminaba de sacarme una sensación de
extrañeza. Llegué a la Conadi y me dieron la noticia y me
entregaron una carpeta con la información de mis padres: cuatro
párrafos sobre quiénes eran. También me contaron que tenía un
hermano. Me mostraron una foto de él, de Ramiro, en la que estaba
más joven y que me hizo recordar a una foto mía de cuando yo era
más joven. Éramos iguales. No había duda.
Página/12
- Tout
à coup, ce que vous aviez oublié est devenu une certitude...
- Exact,
mais en même temps je n'arrivais pas à me débarrasser d'une
sensation d'étrangeté. Je suis arrivé à la Conadi, on m'a donné
la nouvelle et on m'a remis un dossier avec l'information sur mes
parents : deux ou trois paragraphes sur qui ils étaient. On m'a
aussi dit que j'avais un frère. On m'a montré une photo de lui, de
Ramiro, sur laquelle il était plus jeune [que maintenant] et qui m'a
rappelé une photo de moi, quand j'étais plus jeune. On était
pareils. Il n'y avait pas de doute.
(Traduction
© Denise Anne Clavilier)
Pour
aller plus loin :
(1)
La Commission officielle pour la recherche de l'identité des enfants
volés pendant la dictature. Elle est présidée par Claudia Carlotto, la fille de Estela de Carlotto, qui a été maintenu à son
poste après l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, qui ne s'est
pas exprimé publiquement, à ce que j'ai pu constater, lorsque
Abuelas a annoncé cette identification. Pourtant à Noël, il
n'avait pas hésité à envoyer ses félicitations par les réseaux
sociaux à une grand-mère, en rupture avec l'association officielle, qui croyait avoir retrouvé sa petite-fille, nouvelle se transforma en cruel canular le lendemain. Voir mon article du 26 décembre 2015.