Le 12 octobre 1916, le
jour anniversaire de la découverte de l'Amérique par Christophe
Colomb, le premier président argentin élu au suffrage universel
(masculin) prêtait serment au Congrès et prenait ses quartiers à
la Casa Rosada, dans une manifestation d'enthousiasme populaire
débordant qui donna beaucoup de mal à l'escorte présidentielle,
bien en peine à plusieurs reprises d'ouvrir le chemin au cortège
officiel.
En 1912, le président
Saenz Peña avait fait voter une loi qui porte son nom et qui mettait
un terme à des pratiques électorales fort peu démocratiques :
suffrage censitaire et vote à haute voix (le fameux voto cantado, vote chanté, qui
faussait la sincérité du scrutin). La loi Saenz Peña mettait en
place le vote obligatoire à bulletin secret pour tout citoyen majeur
et masculin né argentin (les citoyens naturalisés ne pouvaient pas
accéder aux urnes, car le flot des migrants faisait trop peu à la
très haute bourgeoisie encore au pouvoir à cette date).
Ce fut un homme de gauche,
l'un des fondateurs de l'UCR (Unión Cívica Radical) en 1891, qui
fut élu. Le neveu de Leandro Alem qui s'était suicidé peu d'années
auparavant. Le petit-fils d'un partisan du gouverneur fédéral Juan
Manuel de Rosas, un certain Alen, qui avait été pendu haut et
court, sur Plaza de Mayo, dans la féroce épuration qui avait suivi
la bataille de Morón qui avait mis fin au régime du tyran. Pour la
première fois depuis la Revolución de Mayo en 1810, Hipólito
Yrigoyen allait mener une politique sociale forte, procéder à de
nombreuses nationalisations (c'est lui qui a fondé la compagnie
pétrolière nationale, YPF) et encourager l'industrialisation
pendant les six ans du mandat non renouvelable de ce temps-là. Il a
laissé dans l'histoire l'image d'un homme intègre et tolérant, ce
qui constituait un immense changement par rapport à la période
précédente, celle de la Generación del Ochenta, marquée par la
violence, le racisme et la corruption. Il faisait revivre l'image
sévère et honnête d'un autre grand président, Domingo Sarmiento
(1811-1888).
Hipólito Yrigoyen fut le président du tango de la Guardia Vieja. Il est associé à l'épanouissement du tango, à l'aurore de la carrière de Carlos Gardel et il est contemporain des derniers payadors qui dominaient le panorama de la musique populaire dans le bassin du Río de la Plata. L'immense majorité des artistes de tango furent ses partisans : Homero Manzi, Ignacio Corsini, Aníbal Troilo et tant d'autres. Les mêmes qui virèrent pour la plupart dans le péronisme à partir de 1943 lorsque le charisme du général rejeta dans l'ombre une UCR qui ne s'est jamais vraiment relevé de cette crise. Parmi ses admirateurs, Yrigoyen eut un certain Jorge Luis Borges...
L'Argentine s'est dotée
d'un Instituto Nacional Yrigoyeneano, comme elle a un institut pour
San Martín, pour Belgrano, pour Sarmiento, pour Evita... L'INY
organise aujourd'hui différentes manifestations à Buenos Aires
ainsi qu'une exposition commémorative.
Le sujet n'a guère
inspiré la presse. Página/12 se contente de rapporter le désaccord d'un des piliers du radicalisme d'aujourd'hui, le député Ricardo
Alfonsín, fils du défunt président radical Raúl Alfonsín, le
président du retour à la Constitution après la dictature militaire
de 1976, avec le Président Macri, qu'il ne rejoindra pas aujourd'hui
à Olivos pour les cérémonies officielles, et l'agence de presse
nationale Télam fait un modeste rappel historique.
Le Président Mauricio
Macri rendra un hommage officiel à Olivos cet après-midi à 16h, en
s'entourant de quelques uns de ses alliés radicaux, l'UCR
participant à la coalition gouvernementale Cambiemos.
Pour aller plus loin :
consulter le blog de l'Institut national yrigoyeano, qui n'est pas la vitrine digitale la
mieux conçue du monde (les manipulations ne sont pas des plus
simples à réaliser)
consulter aussi la page Facebook de l'institution.