Jorge Batlle aurait eu
quatre-vingt-neuf ans aujourd'hui. Il est mort hier des suites d'une
chute qui lui a occasionné des lésions cérébrales que les
médecins n'ont pas pu pallier. Il est veillé aujourd'hui au
Parlement et sera enterré dans la soirée dans le cimetière majeure
de Montevideo.
Il a été le président
très libéral de la République Orientale de l'Uruguay de mars 2000
à février 2005, quinze ans après le retour à la démocratie.
L'ancien avocat qu'il était a impulsé une nouvelle attitude de
l'Etat envers les droits de l'Homme dès le début de son mandat.
C'est lui qui, dans le mois de mars 2000, a annoncé l'identification
de la petite-fille du poète argentin Juan Guelman, qui était
notoirement de gauche (il a travaillé jusqu'à son dernier jour au
sein de la rédaction de Página/12, à Buenos Aires), après une
recherche similaire à celle que mène l'association Abuelas de Plaza
de Mayo. C'était de part et d'autre du Río de la Plata la même
politique de rapt des enfants pour les retirer à une famille
supposée subversive.
Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
La deuxième année
de son mandat unique a été sévèrement affectée par une série de
catastrophes économiques pour le pays, tout d'abord à l'automne une
épidémie de fièvre aphteuse dans un pays dont l'élevage est une
des clés de voûte du PIB et ensuite à l'été suivant, les
conséquences désastreuses de la crise financière en Argentine à
quoi s'ajouta un scandale dans l'une des principales banques privées
du pays... Son mandat fut le dernier d'une longue série de
gouvernements de droite et c'est l'actuel président, Tabaré
Vázquez, du Frente Amplio (la coalition de toute la gauche), qui lui
succéda. C'est lui qui est à nouveau à la tête du pays depuis un
an, après les six ans de Pepe Mujica. Jorge Batlle, à qui Vázquez
avait envoyé des vœux de prompt rétablissement il y a quelques
jours, meurt alors que son successeur est en visite officielle en
Argentine pour renouer des relations diplomatiques apaisées avec Mauricio Macri (les relations n'étaient pas excellentes du temps de Cristina
Kirchner, malgré l'appartenance des deux gouvernements à la gauche
continentale).
Cliquez sur l'image pour obtenir une haute résolution |
Si en Uruguay, où
Pepe Mujica lui a rendu hommage, Jorge Batlle jouit à nouveau d'une
bonne image, celle d'un démocrate sans peur et sans reproche, qui a
dirigé le Partido Colorado, le principal parti d'opposition, dans un
esprit pluraliste, il n'a jamais été bien apprécié en Argentine.
Un jour, après une interview sur la chaîne économique Bloomberg,
on l'avait entendu dire, alors que les micros étaient restés
allumés, que "les Argentins étaient tous une bande de voleurs, du
premier jusqu'au dernier". Ces paroles off-the-record avaient fait le tour
du continent et on les ressort encore aujourd'hui dans la presse
(pourtant de droite) qui lui rend hommage à Buenos Aires. Il faut dire que ces propos sont lourds de toute une histoire très conflictuelle entre les deux pays et qui remonte presque jusqu'à la fondation de Montevideo sous l'Ancien Régime...
La Nación en Argentine consacre sa photo de une à la jungle de Calais et Batlle a droit à un petit encadré en bas à droite Cliquez sur l'image pour obtenir une haute résolution |
Elu à la présidence
de son pays à sa cinquième tentative, Jorge Batlle appartenait à
une vieille famille patricienne de son pays qui a fourni quatre chefs
d'Etat à l'Uruguay. L'ancêtre était un négociant espagnol arrivé
à Montevidéo en 1799. L'un de ses fils, né en 1810, l'année de la
révolution, dans la Banda Oriental comme on appelait alors le pays,
fut élu président en 1868. Son fils fut à son tour élu en 1903 et
1911 (le seul à avoir fait deux mandats, non successifs comme il se
doit). Jorge Batlle était le petit-neveu de celui-ci et un
descendant direct du commerçant espagnol qui s'était installé à
Montevideo au milieu du règne de Carlos IV.
Pour aller plus
loin :
lire l'article principal de El País (qui en propose un très grand nom aujourd'hui)
lire l'article principal de El Observador, qui propose un cahier spécial avec
l'édition de ce matin et sur son site Internet a remis en ligne la dernière interview de Batlle datée du 21 septembre sur son canal de télévision digitale
Dans la presse
argentine, seuls La Nación et Clarín y font mention ce matin,
l'entrevue surprise accordée hier au Vatican par le Pape François à Nicolás
Maduro pour ouvrir une voie de dialogue au Venezuela entre le
gouvernement et l'opposition avant que tout explose prend le dessus
dans tous les titres.
Lire l'article de La Nación sur la famille Batlle
lire l'article de La Nación sur l'histoire de la présidence de Jorge Batlle
lire l'article de Clarín