En vacances en Patagonie depuis plusieurs semaines
(il est parti avant Noël), le président Mauricio Macri a accordé
vendredi deux
interviews à des radios locales, l’une installée à Neuquén,
dans le sud du pays, l’autre à Córdoba, dans le centre.
Il
y a fait une énième analyse des trois premières
années de son mandat. Il a
fait preuve d’une autosatisfaction à
laquelle nous sommes désormais habitués et qui n’est pas sans
rappeler aux Français
le décalage du chef de l’Etat
avec la réalité du pays qu’exprime
Emmanuel Macron, avec lequel Macri partage
beaucoup plus
qu’une similitude patronymique. Dans ces déclarations, l’Argentin
a glissé quelques phrases très polémiques, sans doute destinées
à souder la droite de son électorat
et qui fait réagir fortement, malgré la trêve des fêtes (1), son
opposition : en faisant référence à l’histoire de
l’Argentine, il a parlé des 70 dernières années comme d’années
de fiesta dont il serait impossible de sortir en trois ans. Ce qui
expliquerait la crise terrible qui affecte le pays, en particulier
depuis juin et l’intervention du FMI, qui a pris les rênes de la
politique économique nationale. On
croirait le diagnostic d’un médecin de Molière : "Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette !" (2)
Or
depuis 1949, le pays a connu plusieurs dictatures militaires, dont la
dernière, d’une violence extrême, a
fait plusieurs milliers de morts de 1976 à
1983, et de nombreuses crises économiques, toujours déclenchées à
la suite d’une phase néolibérale où l’État s’est effacé au
profit des intérêts privés, la plus brutale
remontant à 18 ans, la crise de l’été 2001, où le pays s’est
effondré.
En
octobre prochain, ce sera le
premier tour des élections présidentielles, législatives
nationales et provinciales. 2019 s’annonce comme une année où
l’exécutif actuel cherchera à cliver la
population et n’hésitera pas à mentir (3).
Dernières
confidences d’un chef d’État en vacances : le pauvre chou
ne comprend pas pourquoi on le critique pour ses nombreux jours de
vacances (tout au long de l’année) et s’est pas encore remis de
la défaite de Boca Juniors devant River Plate, à la finale de la
Copa Libertadores, jouée pour la première fois en dehors du
continent, parce que le gouvernement argentin n’a pas été capable
d’assurer l’ordre dans les rues de sa capitale… On le plaint !
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Página/12 (gauche)
lire
l’article de La Prensa (droite catholique réactionnaire)
lire également l'article de Página/12 de ce jour qui dénonce le gouvernement qui se réjouit (festeja) de la stabilisation du dollar (à des altitudes stratosphériques tout de même) qui a pour conséquence la hausse tout aussi stratosphérique des taux d'intérêt et la chute du crédit.
(1)
Le 6 janvier est
la date traditionnelle et conservée par le
magistère catholique, en Espagne et
dans tous les pays hispanophones, comme aussi en Italie, où l’Église
célèbre l’Epiphanie, jour où l’on donne leurs cadeaux aux
enfants. En Amérique du Sud, la tradition est respectée puisque les
petits sont en vacances d’été et qu’ils ont tout l’été pour
profiter de leurs jouets. En Espagne, l’usage des cadeaux glisse
progressivement vers Noël, parce que l’école reprend le 7
janvier, sauf quand le 7 tombe le week-end.
(2) Le Médecin malgré lui, acte II, scène 4.
(3) Il y a quatre ans,
Cristina Kirchner avait agi de la même manière, dressant les gens
les uns contre les autres. Ce qui a eu probablement une certaine
influence sur la défaite du kirchnerisme face à Macri, qui
apparaissait comme un contrepoids valide alors, sauf pour les
électeurs de gauche à la conscience politique très structurée.