samedi 26 janvier 2019

« El grito » pour protéger le Canal de Beagle [Actu]

"Nous avons besoin que vous lisez ceci"

El grito, la clameur, c’était la manière des révolutionnaires de 1810 de désigner leur revendication d’une liberté politique dont les pays d’Amérique latine manquaient terriblement depuis 300 ans.

"C'est en mars que la décision sera prise sur ce projet
et on vous en parler parce qu'il faut qu'on vous dise :
Non à la salmoniculture !"

Et voici que des cuisiniers argentins de renom s’unissent pour dénoncer un accord entre la République argentine, la Province de Tierra del Fuego et une entreprise norvégienne pour créer des fermes marines d’élevage intensive de saumons dans le Canal de Beagle, qui sépare le continent des îles de la province la plus australe du pays. Parmi les signataires de l’appel, le chef italo-argentin formé en France Mauro Colagreco, le tout nouveau trois étoiles Michelin de Menton.

"Au  moment où l'on veut implanter cette industrie en Argentine..."

Que redoutent-ils ? La pollution irréversible de ces eaux froides qui accueillent une grande biodiversité. On sait ce qu’il en est sur les côtes norvégiennes. On sait que les consommateurs commencent à se détourner du saumon d’élevage à cause de cette catastrophe écologique, qui fait l’objet de plus en plus d’articles de presse et de documentaires audiovisuels. Pas question qu’il arrive la même chose en Argentine alors que c’est déjà fait au Chili tout proche (les deux pays se partagent le canal). D'autant que c'est peut-être le scandale de la pollution en Norvège qui a convaincu l'entreprise d'aller polluer ailleurs pour maintenir le niveau de ses ventes et des dividendes pour ses actionnaires.

"Dans le reste du monde, on est en train de l'interdire"

Le scandale a commencé en octobre, lorsque les scientifiques argentins ont lancé un premier cri d’alerte, mais il semblerait que l’initiative des chefs, relayée surtout sur les réseaux sociaux, ait un peu plus de succès médiatique…

"Le coût écologique, social et économique de la production de saumon
a des conséquences dévastatrices et irréversibles.
Nous avons malheureusement l'exemple de nos frères chiliens.
Les conséquences de l'introduction de l'industrie et de l'espère dans les eaux chiliennes
sont et ont été si nombreuses que nous ne savons par quel bout commencer
pour vous les exposer."

Les pouvoirs publics vantent la perspective de création d’emplois mais on sait ce qu’il en est en Scandinavie : les emplois en question sont des emplois industriels dévalorisés, avec de MST à la clé, or ils risquent de l’être encore plus dans un pays où le droit du travail est aussi fragile qu’en Argentine, et la qualité de vie de toute la région concernée s’est singulièrement dégradée pour les hommes et les animaux sur tous les plans.

Ferme piscicole dans le détroit de Magellan, dans les eaux chiliennes


Sans parler de la catastrophe nutritionnelle et gastronomique !

Pour aller plus loin :
lire l’article de Clarín du 5 octobre 2018
lire l’article de Nuevo Día, un quotidien de la province patagonienne de Santa Cruz, une province pétrolifère qui dispose aussi de la plus grande réserve d’eau douce du continent dans le parc national Los Glaciares (1).



(1) Le canal de Beagle et le parc Los Glaciares sont au programme du voyage que l’agence Odeia propose et que j’accompagnerai en novembre prochain. Voir mon article du 19 janvier 2019. Imaginez la catastrophe touristique si le canal de Beagle se remplit de parcs à saumon nourris aux croquettes de soja transgénique et de farine animale, avec plein d’antibiotiques dedans pour assaisonner !