C’était hier le cinquantième anniversaire de la mort d’une figure solaire de la lutte sociale en Argentine : le père Carlos Mugica, un prêtre diocésain qui considéra que sa mission était auprès des plus pauvres, qui lutta contre le système de corruption et de privilège de classe qui entretenait et entretient toujours la misère dans le pays et qui paya de sa vie cet engagement dans les valeurs sociales de l’Evangile, en tournant le dos à la bienfaisance dans laquelle quelques riches, peut-être généreux, pensent faire leur salut individuel. Lui avait aussi une conscience politique qui guidait son analyse du monde qui l’entourait et c’est sans doute ce qui ne lui a pas été pardonné.
Hier, l’archevêque de Buenos
Aires et une grande suite de prêtres et d’évêques ont célébré
à sa mémoire une grande messe au Luna Park, le palais des sports de
Buenos Aires dont l’Église catholique est justement la
propriétaire (peut-être pas pour longtemps encore puisque des
rumeurs de vente circulent). La cathédrale, qui n’est pas loin,
est une petite église, bâtie à la taille de la Buenos Aires du 18e
siècle : elle ne saurait accueillir la grande foule d’hier.
Le primat d’Argentine, qui avait reçu le soutien du pape dont il a lu la missive en chaire, a fait une homélie très dure envers la société argentine incapable de se sortir des bourbiers dans lesquels elle se débattait déjà il y un demi-siècle et contre les gouvernements successifs qui déconstruisent systématiquement les politiques sociales mises en place par leurs prédécesseurs, ce qui ne permet jamais aux pauvres de bénéficier d’un effet cumulatif de long terme. Sans parler de la stratégie de la haine que déploie l’actuel président pour cacher sans doute l’inanité ou la perversité de ses projets.
Et il est vrai que cette capacité qu’a l’Argentine à reproduire sans cesse les mêmes erreurs est assez peu encourageant...
Cette commémoration a été amplement suivie par Página/12, qui en a fait sa une du jour, tandis que les trois titres de droite font le minimum syndical, y compris et surtout La Prensa qui semble s’être pincé le nez pour produire ce petit entrefilet indigent, tout à fait indigne de la figure du martyr que fut Carlos Mugica.
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