jeudi 9 janvier 2025

Pepe Mujica a donné sa dernière interview [Actu]

Pepe Mujica dans son domaine horticole
(photo d'archive, par Javier Calvelo)


Comme l’avait fait il y a quelques années son prédécesseur Tabaré Vázquez, Pepe Mujica, le deuxième président de gauche de l’Uruguay, vient de donner sa dernière interview. En avril dernier, les médecins lui avaient diagnostiqué un cancer de l’œsophage difficile à traiter chez un homme de plus de quatre-vingt ans qui souffre déjà de plusieurs maladies chroniques.

Aujourd’hui, dans cette interview accordée dans son salon au journal uruguayen Busqueda, il annonce que des métastases ont été découvertes dans un autre organe et qu’il refuse de continuer les traitements, qui de toutes manières sont désormais vains et physiquement impossibles à supporter.

Se sachant au seuil de la mort, l’ancien guérillero, reconverti en horticulteur, prend congé de ses compatriotes avec des mots très émouvants sur ce qu’est la démocratie (« respecter ceux qui n’ont pas la même opinion que soi ») et salue le triomphe électoral obtenu par la gauche de son pays avec l’élection du troisième président du Frente Amplio, qui sera investi le 1er mars. Il se dit heureux et tranquille pour l’avenir démocratique de son pays et supplie qu’on le laisse s’en aller en paix, dans la sérénité familiale.

Une grande leçon de vie par un bonhomme qui aura bien mérité de la démocratie.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

voir l’entrefilet sur cette interview historique de Pepe Mujica publié en ligne par Busqueda (la recherche)

lundi 6 janvier 2025

Mileí ferme le Haroldo Conti [Actu]

"Une mémoire en flammes", dit ce tract
qui appelle à soutenir les salariés du Centro Cultural H. Conti
En petits caractères : "Licenciements massifs, cruauté, chantages,
persécution et violence au Secrétariat d'Etat aux Droits de l'Homme"
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Le 31 décembre 2024, à 17 h, alors que tout le monde préparait le réveillon de la Saint-Sylvestre, la Noche Vieja, et que les vacances d’été avaient déjà commencé depuis une bonne dizaine de jours, le gouvernement a lancé sur Whatsapp un message destiné à tous les agents du Centro Cultural Haroldo Conti, le centre culturel du ministère de la Justice, fondé par le Secrétariat d’État aux Droits de l’homme, dans le cadre solennel de la politique de défense de l’État de droit qui caractérise l’Argentine, sans solution de continuité, depuis le retour de la démocratie en décembre 1983.

Le message annonçait aux salariés leur licenciement immédiat et l’interdiction qui leur était faite de se présenter sur leur lieu de travail le 2 janvier, après les fêtes.


"Sans mémoire, sans vérité, sans justice", dit le gros titre du 2 janvier
L'un des slogans de la lutte pour les droits de l'homme est : Memoria, Verdad, Justicia
Il faut se souvenir, chercher la vérité des faits et rendre justice contre les bourreaux
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Le Centro Cultural Haroldo Conti cesse en effet d’exister à partir du 1er janvier 2025, aucun budget ne lui est attribué cette année, le gouvernement de Mileí considérant les droits de l’homme comme une vaste escroquerie alors que c’est cette politique emblématique et revendiquée qui a rendu à l’Argentine sa dignité diplomatique et en a fait un pays hautement fréquentable dans le concert des nations depuis une quarantaine d’années. Le type de retour réussi à la démocratie que l’on peut souhaiter à la Syrie maintenant qu’elle s’est débarrassée du régime dictatorial qui l’a systématiquement détruite depuis plus d’un demi-siècle.

Un pays amnésique, dit le gros titre du 3 janvier,
sur cette photo des salariés autorisés au compte-goutte
à entrer dans les locaux pour récupérer leurs affaires personnelles
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Ce centre culturel est installé dans l’environnement immédiat du siège du secrétariat d’État dans le vaste campus des droits de l’homme placé sous le patronage de l’UNESCO, à Palermo, le grand quartier nord de Buenos Aires, là où se trouvait autrefois l’Ecole supérieure de mécanique de la Marine, l’ex-ESMA, transformée par la dictature militaire de 1976-1983 en un centre clandestin de détention illégale, de torture et d’exécution extra-judiciaire des opposants au régime.


"Une mémoire en flammes", dit le gros titre de dimanche
sur une photo de la foule venue participer au festival-manifestation
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L’opposition actuelle, les organismes des droits de l’homme, qui ont chacun son propre centre culturel sur ce même campus, les syndicats ainsi que des membres du clergé diocésain se sont aussitôt mobilisés pour occuper les lieux autant que faire se peut et organiser samedi dernier un petit festival qui a rassemblé une foule de citoyens bien décidés à s’opposer au programme de destruction de l’État argentin et de l’État de droit mis en œuvre par ce gouvernement depuis plus d’un an.

Página/12 en a fait trois Unes ces derniers jours, les 2, 3 et 5 janvier.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 du 1er janvier (publié en ligne, les journaux ne sortant pas au jour de l’An)
lire l’article de Página/12 du 2 janvier
lire l’article de Página/12 d’hier.

Du rififi chez les Macri [Actu]

"Le trésor caché de Macri", dit le gros titre
sur ce montage photo où l'on reconnaît clairement l'ancien président
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A l’heure où, à Paris, s’ouvre un nouveau procès pénal sur l’une des nombreuses atteintes à la probité dont un ancien président de la République est soupçonné, à Buenos Aires, un ancien président de la Nation, Mauricio Macri, est poursuivi devant les tribunaux, avec ses frères, par une femme écartée de la succession paternelle : sa propre sœur !

En fait, une demi-sœur née d’une aventure adultérine du papa avec une des salariées d’une de ses nombreuses entreprises. Il y a plusieurs années, cette dame avait déjà recouru aux tribunaux pour obtenir de Franco Macri qu’il la reconnaisse. Les magistrats ont constaté le lien de parenté et ont donc accordé à la plaignante le droit de porter, comme il se doit, le patronyme de son géniteur. Ils l’ont ainsi inscrite parmi les héritiers du patrimoine constitué par l’homme d’affaires italien, arrivé en Argentine peu après la seconde guerre mondiale et qui avait commencé sa carrière comme simple maçon avant de bâtir un empire dans les travaux publics, les concessions publiques d’infrastructures majeures et le secteur tertiaire. L’apparition de cette sœur a si bien paniqué ses demi-frères qu’ils ont réagi à la décision de justice en transformant l’empire familial en un écheveau presque inextricable de plusieurs centaines de sociétés, dont le seul but semble avoir été brouiller les pistes afin de l’écarter de l’héritage.

Alexandra Macri ne s’en est pas laissé compte. Ses avocats ont dénoué l’écheveau infernal et ils portent l’affaire devant la justice en citant les 398 entreprises qu’ils ont pu identifier comme étant contrôlées en sous-main par les enfants légitimes de Franco Macri. Ce matin, Página/12 n’est que trop heureux d’en faire sa Une pour dénoncer la cupidité cynique de l’ancien président alors que celui-ci s’efforce, comme son homologue français soit dit en passant, de jouer encore et toujours un rôle important dans la vie politique et institutionnelle du pays : tous les matins, au coup par coup, il négocie âprement le soutien des parlementaires de son parti à Javier Mileí qui ne dispose pas de majorité au Congrès et ne cesse, en outre, de se quereller publiquement avec sa vice-présidente.

Or ce n’est pas la première fois qu’un fils de famille haut placé dans le paysage politique national dépouille ainsi de l’héritage familial une femme de sa propre fratrie. Celui qui, grand propriétaire agraire, avait été, sous le mandat de Macri, son ministre de l’Agriculture s’était lui aussi organisé pour écarter sa sœur de la succession (avec l’aide de leur mère) et ne le partager qu’avec ses frères, faisant de l’héritière évincée une ardente militante de l’opposition de gauche à ce type de gouvernement pro-business.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :