mardi 13 mai 2014

Première interview de la ministre de la Culture [Actu]

Teresa Parodi, toute nouvelle et première ministre de la Culture argentine (1), vient de donner une première interview ès qualité au quotidien pro-gouvernemental Página/12.

Manchette de Página/12 ce matin

Voyons ce qu'elle nous dit, après une prise de fonction des plus chargées (et dont le journal nous fait un compte-rendu serré).

–¿Cómo fue el llamado de la Presidenta? ¿Qué fue lo primero que le cruzó por la cabeza ante el ofrecimiento?

La Presidenta me hizo llamar y podían ser muchas cosas, ella me ha llamado otras veces para hablar de otras cosas o para invitarme a algún lugar... ella siempre ha tenido un vínculo afectivo con muchísimos artistas, ha sido muy cálida siempre, nos ha recibido, nos ha convocado para diferentes cosas. Por supuesto que no me imaginaba que era para crear el Ministerio de Cultura, pero cuando me lo dijo me emocionó, porque es un deseo largamente acariciado por el sector al que pertenezco, por todas las áreas. Y por muchas razones, porque este gobierno es el que más hizo por la cultura. Las políticas ya existían y se pueden intensificar, porque siendo un ministerio cambian y mejoran muchas cosas. Pero independientemente de eso acá hay una gestión de políticas culturales muy claras. El rol que tiene la cultura en el gobierno de Néstor y Cristina Kirchner está clarísimo desde el primer día. Y creo que no es casual que tanta gente de la cultura se haya sentido escuchada, se haya sentido más valorada, respetada, en este tiempo. Eso está claro, es algo que se delineó muy claramente con todos los secretarios que estuvieron. Pero me parece que crear el ministerio... al crear el Ministerio de Ciencia y Tecnología dejó claro cuál es el lugar que la ciencia y la tecnología tienen en la gestión y en la mirada de este gobierno nacional y popular, y en la política concreta. Todo lo que recuperamos, lo que significó que se creara, el lugar que se le da.
Teresa Parodi, Página/12

- Comment s'est passé le coup de fil de la Présidente ? Qu'est-ce qui vous a traversé la tête en premier lieu quand vous avez reçu la proposition ?
- La Présidente m'a fait appeler et ça pouvait être pour beaucoup de choses. Elle m'avait déjà appelée à plusieurs reprises pour parler d'autres sujets ou pour m'inviter ici ou là... Elle a toujours eu un lien affectif avec beaucoup d'artistes, elle a toujours été très chaleureuse, elle a fait appel à nous pour différentes choses. Bien sûr que je ne m'imaginais pas que c'était pour créer le Ministère de la Culture, mais quand elle me l'a dit, cela m'a émue parce que c'est un souhait caressé depuis longtemps par le secteur auquel j'appartiens et de tous les côtés. Et pour bien des raisons, parce que ce gouvernement est celui qui a fait le plus pour la culture. Les politiques existaient déjà et peuvent être approfondies, parce que l'existence d'un ministère change et améliore beaucoup de choses. Mais indépendamment de ça, il y a ici un programme politique très clair en matière de culture. Le rôle que joue la culture dans les gouvernements de Néstor puis de Cristina Kirchner, c'est très clair depuis le premier jour (2). Et je crois que ce n'est pas par hasard que tant d'acteurs culturels se soient sentis écoutés, se soient sentis valorisés, respectés, ces derniers temps. Cela, c'est clair, c'est quelque chose qui s'est dessiné très clairement avec tous les secrétaires d'Etat que nous avons eus. Mais il me semble que créer le ministère... En créant le Ministère de la Science et de la Technologie, elle a mis en lumière la place que la science et la technologie avaient dans son programme et aux yeux de ce gouvernement national et populaire (3) et dans le concret de la politique. Tout ce dont nous avons recouvré la maîtrise, ce qui a signifié que ce ministère serait créé, la place qu'on lui accorde.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


–El Ministerio de Cultura, usted lo dijo, era un deseo de vieja data. ¿Por qué tardó tanto?

Fueron los tiempos que necesitó. No siempre se puede hacer todo junto, porque armar un ministerio también es mover un montón de cosas, darle una respuesta a la cultura, y la cultura también recibió respuestas concretas desde la secretaría. Se puede empezar a especular, y alguno ya lo ha hecho, conque es todo parte de la campaña. Pero yo creo que esto es la culminación de una política que se dio desde el primer momento: que finalmente se decida la creación del ministerio en el momento en que realmente se le puede dar todo, como debe ser. Porque había otras cosas que el Gobierno tenía que desplegar en muchísimos sentidos de la política, la política diseñada para poder hacer lo que hizo en este país, para hacer que este modelo dé resultados concretos. En el marco de todo eso, éste es el momento justo. Eso es quizá la gran noticia, que después de todo lo que se hizo hasta ahora llega este broche de oro.
Teresa Parodi, Página/12

- Vous l'avez dit, le Ministère de la Culture était un souhait qui ne date pas d'hier. Pourquoi seulement aujourd'hui ?
- C'est le temps qu'il a fallu. On ne peut pas toujours tout faire en même temps parce que monter un ministère c'est aussi faire bouger plein de choses, donner une réponse à la culture et la culture a reçu des réponses concrètes aussi du Secrétariat d'Etat. On peut se lancer dans des élucubrations et il y a en a un qui l'a fait et dire que tout ça, c'est de l'électoralisme. Mais moi, je crois que c'est l'apogée d'une politique qui date du début. Enfin, on décide de créer ce ministère au moment où on peut lui donner tout, comme il faut. Parce qu'il y avait d'autres choses que le Gouvernement avait à déployer en politique dans tous les sens, la politique conçue pour faire ce qui s'est fait dans ce pays, pour faire que ce modèle-ci donne des résultats concrets. Dans ce cadre-là, le bon moment est arrivé. C'est peut-être ça, la bonne nouvelle qu'après tout ce qui s'est fait jusqu'à maintenant, advienne ce couronnement.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

–¿Cuál es el desafío más importante? Porque la creación del ministerio es un hecho, pero queda claro que hay un tiempo acotado hasta el final de este mandato.

Pero el ministerio queda. Hay que diseñar un ministerio ágil, que pueda dar respuestas. Cuando digo ágil quiero decir... la burocracia es un gran inconveniente en general, sabemos que es así, pero una cosa que nace tiene formas de hacer un administración, una tarea de ir a lo burocrático de lleno, de tratar de hacer un trabajo lo más ágil posible para que haya respuestas contundentes, se pueda poner en marcha el trabajo del ministerio desde ya. Por otro lado, pensar bien las áreas en que se va a dividir, cómo se va a realizar el organigrama para lograr esta interacción, los mecanismos necesarios para valorizar eso. Como la secretaría, que empezó y se fue desarrollando y cambiando tal como van cambiando los tiempos. Las herramientas de que disponemos hacen que toda esa organización pueda ser mucho más efectiva, que el manejo de políticas sea más dinámico. Por lo menos que eso se pueda dejar en marcha, un esquema de cosas que pueda ser adaptable, modificable en el futuro. Con una herramienta como ésta, con un ministerio finalmente creado, los que vengan tendrán un lugar donde seguir desarrollando. No voy a pensar nunca que el que venga va a decir “esto no sirve”. Eso sería el “nunca menos”.
Teresa Parodi, Página/12

- Quel est le défi le plus important ? Parce que la création du ministère est un fait mais il est clair que le temps est compté pour ce mandat.
- Mais le ministère va rester. Il faut concevoir un ministère souple, que puisse réagir. Quand je dis souple, je veux dire... La bureaucratie est un grand inconvénient en général, nous savons que c'est comme ça, mais une chose en train de naître a des manières de créer une administration, une mission d'aller au bureaucratique de plain pied, d'essayer de faire un travail aussi souple que possible pour que ça réagisse correctement et pleinement, que puisse se mettre en marche d'emblée le travail du ministère. D'un autre côté, bien penser les différentes directions entre lesquelles il faut l'organiser, comment on va monter l'organigramme pour obtenir cette interaction, les mécanismes indispensables pour mettre tout ça en valeur. Comme le Secrétariat d'Etat, qui a commencé à faire ce travail, qui l'a développé, qui a fait des changements en suivant les temps qui changent aussi. Les outils dont nous disposons font que toute cette organisation peut être beaucoup plus efficace, que mettre en œuvre des programmes soit plus dynamique. Pour autant que cela puisse se mettre en marche, un schéma de ce qui peut être adaptable, modifiable dans le futur. Avec un outil comme celui-ci, avec un ministère enfin en place, ceux qui viendront derrière auront de la place pour continuer à faire du développement. Je ne peux pas imaginer que celui qui arrivera après nous dise : ça ne sert à rien. Cela, ce serait le "Jamais moins" (4).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

L'interview se poursuit ainsi, très longue malgré le désormais agenda de ministre de la chanteuse. Elle y parle de son nouveau disque, dont elle vient tout juste d'achever le montage et dont elle n'assurera pas la présentation comme elle l'avait prévu. Elle y parle aussi de ses espoirs pour les élections nationales à venir (elle ne souhaite pas qu'il y ait une alternance après ces dix ans de politique kirchneriste). Elle y parle de son plan de charge immédiat avec une réunion des ministres de la culture du sous-continent à la fin de cette semaine, des enjeux de l'économie culturelle, de la loi de la danse en discussion au Congrès, etc...

Une interview sans doute très bienvenue pour lever quelques doutes imbéciles et machistes qui se sont fait jour la semaine dernière (une femme -que c'est drôle !- , pire une chanteuse -laissez-moi pouffer !-, pourrait-elle faire un bon ministre ? Ben voyons!).

A lire sur Página/12, dans l'édition de ce matin.


(1) En Argentine, les ministères sont définis une fois pour toutes. D'ordinaire, chaque président pourvoit chaque maroquin tel que son prédécesseur a laissé le gouvernement constitué. Il est donc rare de voir créer un portefeuille ministériel. Aussi les créations ou les transformations quand elles existent marquent-elles l'histoire. Elles sont signifiantes. C'est ainsi que le Secrétariat d'Etat au Travail (maintenant un ministère à proprement parler) a été créé en 1943 pour Juan Perón après le coup d'Etat qui a détourné l'Argentine d'entrer dans le conflit mondial dans le sillage des Etats-Unis. Cristina Kirchner a élevé dès le premier jour de son premier mandat l'ancien secrétariat d'Etat des Sciences et de la Technologie au rang de ministère et la semaine dernière, dans les derniers 18 mois de son second et dernier mandat, elle vient de faire de même avec le secrétariat à la Culture. Il semble donc qu'elle ait de l'ambition pour l'économie de la connaissance et le rayonnement intellectuel de son pays.
(2) 10 décembre 2003 : prestation de serment de Néstor Kirchner.
(3) Historiquement en Argentine, les gouvernements de gauche se désignent et sont désignés par leurs partisans comme "nationaux et populaires", pour les distinguer de manière polémique des gouvernements de droite, qui ont toujours revendiqué eux aussi le nationalisme ou le patriotisme (il n'y a guère de différence en Amérique du Sud entre les deux notions) mais ont mené une politique économique et diplomatique très manifestement favorable à l'argent, aux possédants et aux intérêts commerciaux étrangers (Grande-Bretagne jusqu'à il y a un siècle et Etats-Unis à partir de l'entre-deux-guerres). Les adversaires de ces gouvernements nationaux et populaires les taxent volontiers de "populistes", ce qui fait sortir les péronistes (et à un moindre degré les radicaux) de leurs gonds et ça se comprend. Il se trouve que cet épithète est toujours allé de paire avec la défense des intérêts des grandes puissances étrangères. Les premiers à qualifier Perón de populiste étaient des partisans de l'atlantisme nord-américain. Teresa Parodi a tous les éléments de langage qui distinguent un courant politique largement répandu en Amérique du Sud (Argentine, Chili, Uruguay, Bolivie, Pérou depuis peu et Venezuela pour en citer quelques uns du côté hispanophone, sans oublier par ailleurs le Brésil).
(4) Jeu de mot avec le slogan des organisations des droits de l'homme Nunca mas (Jamais plus).