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Le poète Luis Alposta vient de diffuser à tous ses amis un poème en hommage à Aníbal Troilo (1914-1975) dont le monde de la musique fête cette année le centenaire, avec pour épicentre sa ville natale de Buenos Aires.
Voici
en vers libres d'une exceptionnelle fluidité (essayez de lire à
haute voix pour entendre la musique des mots) un hommage par un poète
qui est allé l'entendre sur scène et l'a écouté à la radio...
Au
Maître du Soufflet
créateur
d'un style
unique
et reconnaissable entre tous
A
Aníbal Troilo,
au
Lourd Poids (2) adorable
qui
avait le pouvoir
de
rendre profond
ce
qui pour lui était facile.
A
l'auteur de Garúa (3)
à
celui de Che Bandoneón (3)
et
Patio mío
à
celui de Sur (3) et de Responso (4).
A
ce grand gourou portègne
qui,
avec sa face de lune,
qui
éclairait la nuit,
emplissait
le Marabú
et
le Tibidabo (5)
Au
généreux Poids Lourd
Poids
Lourd de Buenos Aires
lui
qui pour la ville tout entière
chantait
et jouait
comme
très peu.
Lui
qui, quand il s'en fut,
laissa
sur la devanture
du
vieux théâtre Odeón
en
lettres d'or
Simplemente
Pichuco (6).
Luis
Alposta
(Traduction
Denise Anne Clavilier,
avec l'affectueuse autorisation de l'auteur)
Sur, chanté par Edmundo Rivero et accompagné par Pichuco.
Laissez tomber la piètre qualité de l'image et écoutez ça !
Edmundo Rivero et Luis Alposta étaient de très grands amis.
Il était normal d'aller chercher de ce côté-là.
Un abrazo, Luis.
Ajout du 8 mai 2014 :
Luis Alposta vient de publier ce poème sur son blog, Mosaicos Porteños, et il faut que sans plus tarder vous alliez le visiter très vite : Luis a enrichi son entrée de quelques documents émouvants. Allez-y écouter Pichuco chanter lui-même La Cantina, en s'accompagnant au bandonéon, dans un enregistrement privé (lui chantant et jouant avec Grela, son vieux complice, à la guitare). Et régalez-vous !
(1)
Luis Alposta m'a fait l'honneur de postfacer mon tout premier livre
publié en France : Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos
argentins, paru en mai 2010, aux Editions du Jasmin.
(2)
Ici Luis Alposta emploie le verlan si familier aux Portègnes. Il
inverse les deux syllabes d'un des surnoms du musicien : El
Gordo (le gros, à entendre dans un sens très affectueux).
Intraduisible en français.
(3)
Garúa, Che bandoneón et Sur font partie du corpus présenté et
traduit en français dans Barrio de Tango, ouvrage cité.
(4)
Responso, tango instrumental composé le 4 mai 1951 pendant la
veillée mortuaire autour de son ami, le poète Homero Manzi, décédé la
veille. Responso veut dire absoutes, nom du rite qui clôt les
funérailles catholiques, et qui occupe dans le langage courant en
Argentine la place qu'occupe en français de France les termes "requiem" et "glas".
(5)
Marabú et Tibidabo : deux grands cabarets de l'entre-guerre à
Buenos Aires où Aníbal Troilo joua à tour de rôle avec son
orchestre.
(6)
Allusion au titre du dernier spectacle auquel Troilo avait participé
la veille même de son fatal accident cérébral. Il s'agissait d'une
soirée écrite par Horacio Ferrer et chorégraphiée par Juan Carlos
Copes pour permettre à Pichuco, très malade, de reprendre contact
avec la scène et de retrouver son public. Il n'y eut que quelques
représentations jusqu'au 17 mai 1975.