Cristina
Fernández de Kirchner a pris tout le monde par surprise hier en
créant par décret un ministère de la Culture, en lieu et place du
Secrétariat d'Etat qui existait jusqu'à présent, et en y nommant
quelques heures plus tard la chanteuse folkloriste Teresa Parodi, qui
remplace le cinéaste Jorge Coscia, qui n'avait pourtant pas
démérité, et ce à la veille du départ de la délégation
argentine pour le Festival de Cannes.
Teresa
Parodi, qui est née à Corrientes, au nord du pays (et Dieu sait si
elle en est fière) (1), a occupé des fonctions similaires dans le
gouvernement portègne sous la gestion péroniste de Jorge Telerman,
juste avant Mauricio Macri. Elle a commencé sa carrière comme institutrice dans sa province natale avant de se lancer dans la composition et l'écriture et de chanter elle-même son propre répertoire. Elle a fréquenté notamment Mercedes Sosa et s'est produite sur scène avec elle.
Jusqu'à avant-hier, elle assumait la direction du centre culturel ECuNHi, qui émane de l'ONG Madres de Plaza de Mayo. Elle est une militante péroniste de longue date, très liée aux mouvements des droits de l'homme et au rétablissement de la démocratie après les horreurs de la Dictature militaire.
Jusqu'à avant-hier, elle assumait la direction du centre culturel ECuNHi, qui émane de l'ONG Madres de Plaza de Mayo. Elle est une militante péroniste de longue date, très liée aux mouvements des droits de l'homme et au rétablissement de la démocratie après les horreurs de la Dictature militaire.
La voix et la musique de Teresa Parodi
avec les paysages de sa terre natale...
Du
côté gouvernemental, Página/12 et l'agence de presse Télam, le ton de la presse est
à l'allégresse et Coscia est fort oublié dans l'opération.
Dans
la presse d'opposition, Clarín, La Nación et La Prensa, les
politologues sont pris de court et, s'ils ne peuvent que se réjouir
de la création du ministère, ils émettent des doutes sur les
compétences politiques et administratives de la nouvelle ministre.
C'est un moindre mal car ils auraient pu se déchaîner : elle
n'a pas que des amis. Même le premier Secrétaire d'Etat à la
culture de Cristina, José Nun, un politique remplacé aussi cavalièrement par le "professionnel de la profession" qu'est Coscia en 2009, s'est joint à l'expression des doutes, en ajoutant
que les nouvelles décisions sont un simple effet d'annonce et que ce
gouvernement se moque de la culture comme d'une guigne (La Nación de
ce jour).
Cependant,
tout le monde, à gauche, à droite, dans la majorité comme dans
l'opposition, souligne le talent artistique de la chanteuse, sa
popularité et sa notoriété qui ne peuvent que bénéficier au
nouveau Ministère. C'est déjà en soi une grande victoire pour la
tolérance à l'intérieur du paysage politique argentin
Il
est très probable que Teresa Parodi n'apportera pas un changement de
cap à ce qui a été fait jusqu'ici, car elle s'est toujours
manifestée en plein accord avec toutes les initiatives de ce
gouvernement et elle a participé ces dernières années à presque
toutes les manifestations officielles parrainées par l'actuel
Gouvernement.
Il
est plus que probable que pour le monde du tango et du folclore,
cette nomination est plus qu'auspicieuse : il suffit pour s'en
convaincre d'observer ce que fut la programmation d'ECuHNi sous la
direction de Teresa Parodi.
Et la une la plus significative, c'est encore et toujours celle de Página/12 |
A
Buenos Aires, Hernán Lombardi, successeur macriste de Parodi à la
Culture portègne, a envoyé des félicitations à son homologue
nationale. Il dit se réjouir du départ de Jorge Coscia, trop
idéologue à son goût, et espérer de la ministre l'ouverture du
dialogue. S'il est sincère et si ses souhaits se réalisent, ce serait un très grand progrès pour la
démocratie en Argentine, car, sur ce point, elle manque encore singulièrement de
maturité (mais il en va de même partout en Amérique
du Sud). Les fractures y sont encore trop marquées pour permettre
la moindre coopération entre courants divergents.
Et Clarín fait le minimum syndical : le choc du sans-photo et le poids des mots Attaque en piqué contre la Cámpora, le mouvement des jeunes kirchneristes. |
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Página/12 sur la vie et la carrière de Teresa Parodi
lire
la dépêche de Télam, qui contient une vidéo de la prestation de
serment de la nouvelle ministre
consulter
le dossier constitué par La Nación
lire
l'article de Clarín
consulter
le dossier constitué par Clarín
-et c'est toutefois Clarín, si peu aimable d'habitude envers les ONG de droits de l'homme, qui publie la lettre de Hebe de Bonafini, la truculente présidente de Madres, pour féliciter la nouvelle ministre-
lire l'article de La Prensa (avec une erreur sur le prénom de la nouvelle ministre : le titreur du site Internet a confondu avec une autre chanteuse, Liliana Herrero ! Tout est dans tout et réciproquement.)
lire l'article de La Prensa (avec une erreur sur le prénom de la nouvelle ministre : le titreur du site Internet a confondu avec une autre chanteuse, Liliana Herrero ! Tout est dans tout et réciproquement.)
lire l'article de El Litoral dans son édition correntine
Voir
également le communiqué de Madres de Plaza de Mayo.
Enfin
pour connaître l'artiste, vous pouvez visiter son site Internet,
qui, ce matin, n'était pas encore à jour de cette nomination
ministérielle.
(1)
La musique populaire de Corrientes, c'est le chamame. C'est presque
comme si le chamame arrivait au pouvoir ! Et en plus, la
Province de Corrientes est la province natale du Père de la Patrie,
le général San Martín. Quel symbole...