jeudi 2 avril 2015

Les ruines jésuites à visiter... sur Google Street View [Actu]

Les ruines de San Ignacio Miní, dans l'arrière-pays de la Province de Misiones, tout au nord de l'Argentine, viennent d'être mises en ligne, pour un visionnages à 360°, par Google sur son célèbre programme Street View.

Capture d'écran

Ces ruines sont les vestiges d'une immense installation de la Compagnie de Jésus au XVIIème siècle. Par privilège royal, l'ordre, fondé à Paris par saint Ignace, administrait cet immense territoire qui recouvre ce qu'est aujourd'hui une langue de terre au sud du Brésil (prise à l'Uruguay dans les années 1820), le nord de l'Uruguay, le nord-est de l'Argentine, l'intégralité du Paraguay et une bonne partie de la Bolivie : ils y accueillaient les Indiens qui y jouissaient de leur pleine liberté alors qu'à l'extérieur de ces territoires missionnaires, ils avaient dans l'Empire espagnol un statut de serf et étaient bien souvent réduits à l'esclavage au Brésil, le roi du Portugal ne se sentant pas contraint par les conclusions de la controverse de Valladolid en 1551 (selon lesquels les Indiens étaient des êtres humains et avaient donc été sauvés par Jésus Christ, ce qui interdisait d'en faire des esclaves). Pour les jésuites, il s'agissait de pouvoir évangéliser ces populations autochtones sans violence ni contrainte et sans le mauvais exemple donné par les populations laïques espagnoles venues exploiter et piller le continent. Or pour des raisons que les historiens ne parviennent pas à élucider, les Guaranis, ethnie majoritaire dans la zone, ont adopté en très peu de temps et de très bonne volonté la religion que leur proposaient ces missionnaires originaires d'Europe. Il en a jailli une culture à part entière, dont Buenos Aires conserve quelques éléments au Museo Isaac Fernández Blanco (Recoleta).

L'implantation de San Ignacio, fondée en 1611, a été détruite par les Espagnols laïcs après l'expulsion de la Compagnie des terres du roi d'Espagne de 1767 à 1773. L'interdiction de fouler ce sol pour les Blancs sous peine d'excommunication ayant été levée, les conquérants se ruèrent sur ces terres opulentes, où les jésuites avaient organisé des républiques théocratiques, agraires et culturellement métissées d'une extraordinaire prospérité et ils détruisirent tout, y compris les églises communautaires, dans leur rage de s'emparer de leurs riches décors (d'un style baroque reconnaissable entre tous, dont l'église San Ignacio de Buenos Aires offre un exemple restreint), de leur mobilier et de leur objets culturels en argent ainsi que des exploitations agricoles qui avaient fait la fortune des jésuites et des Indiens, très vite réduits au silence et au servage comme leurs compatriotes dans le reste de l'Empire : ces plantations qui produisaient du tabac, de la yerba mate,  des bois précieux et de construction, des épices et des colorants naturels...

D'autres sites jésuites, tous dans la Province de Misiones, figurent sur la plateforme Google : Nuestra Señora de Santa Ana (fondée en 1633), Nuestra Señora de Loretto (fondée en 1610) et Santa María La Mayor (1626). San Ignacio Miní est cependant le plus connu et le plus visités de tous.

Pour en savoir plus :
lire le communiqué de Google (en espagnol)