Les
ruines de San Ignacio Miní, dans l'arrière-pays de la Province de
Misiones, tout au nord de l'Argentine, viennent d'être mises en
ligne, pour un visionnages à 360°, par Google sur son célèbre
programme Street View.
Capture d'écran |
Ces
ruines sont les vestiges d'une immense installation de la Compagnie
de Jésus au XVIIème
siècle. Par privilège royal, l'ordre, fondé à Paris par saint
Ignace, administrait cet immense territoire qui recouvre ce qu'est
aujourd'hui une langue de terre au sud du Brésil (prise à l'Uruguay
dans les années 1820), le nord de l'Uruguay, le nord-est de
l'Argentine, l'intégralité du Paraguay et une bonne partie de la
Bolivie : ils y accueillaient les Indiens qui y jouissaient de
leur pleine liberté alors qu'à l'extérieur de ces territoires
missionnaires, ils avaient dans l'Empire espagnol un statut de serf
et étaient bien souvent réduits à l'esclavage au Brésil, le roi
du Portugal ne se sentant pas contraint par les conclusions de la
controverse de Valladolid en 1551 (selon lesquels les Indiens étaient des êtres humains et avaient donc été sauvés par Jésus Christ, ce qui interdisait d'en faire des esclaves). Pour les jésuites, il s'agissait de pouvoir
évangéliser ces populations autochtones sans violence ni contrainte et sans le mauvais exemple donné par les populations laïques espagnoles venues exploiter et piller le continent. Or pour des raisons que les historiens ne parviennent pas à
élucider, les Guaranis, ethnie majoritaire dans la zone, ont adopté en très peu de temps et de très bonne volonté la religion que leur
proposaient ces missionnaires originaires d'Europe. Il en a jailli
une culture à part entière, dont Buenos Aires conserve quelques
éléments au Museo Isaac Fernández Blanco (Recoleta).
L'implantation de San Ignacio, fondée en 1611, a été détruite par les Espagnols laïcs après
l'expulsion de la Compagnie des terres du roi d'Espagne de 1767 à
1773. L'interdiction de fouler ce sol pour les Blancs sous peine
d'excommunication ayant été levée, les conquérants se ruèrent
sur ces terres opulentes, où les jésuites avaient organisé des
républiques théocratiques, agraires et culturellement métissées d'une extraordinaire prospérité et ils détruisirent tout, y
compris les églises communautaires, dans leur rage de s'emparer de
leurs riches décors (d'un style baroque reconnaissable entre tous,
dont l'église San Ignacio de Buenos Aires offre un exemple
restreint), de leur mobilier et de leur objets culturels en argent ainsi que
des exploitations agricoles qui avaient fait la fortune des jésuites
et des Indiens, très vite réduits au silence et au servage comme
leurs compatriotes dans le reste de l'Empire : ces plantations qui produisaient du tabac, de la yerba mate, des bois précieux et de construction, des épices et des colorants naturels...
D'autres
sites jésuites, tous dans la Province de Misiones, figurent sur la
plateforme Google : Nuestra Señora de Santa Ana (fondée en
1633), Nuestra Señora de Loretto (fondée en 1610) et Santa María
La Mayor (1626). San Ignacio Miní est cependant le plus connu et le
plus visités de tous.
Pour
en savoir plus :
lire
le communiqué de Google (en espagnol)
lire
la dépêche de Télam.