Página/12 construit son titre sur le titre d'un des livres de Galeano El libro de los abrazos |
C'est
une foule considérable, de grands et d'anonymes et de toutes les
générations, qui a défilé pendant sept heures, jusqu'à 22h hier
soir, devant le cercueil de l'écrivain uruguayen Eduardo Galeano
dans la salle des Pas Perdus du palais législatif de Montevideo. La
veillée s'est faite en grande pompe, le cercueil recevant même les
honneurs militaires, comme cela avait déjà été le cas pour le
poète Mario Benedetti il y a quelques années. Le Président Tabaré Vázquez, son vice-président, l'ex-président et aujourd'hui
sénateur José Mujica, la ministre de la Culture d'Uruguay ont été
bien entendu les premiers à rendre hommage au disparu.
Photo Marcelo Bonjour |
Un
grand nombre d'artistes de diverses nationalités, dont beaucoup
d'Argentins, ont fait le déplacement pour venir manifester leur
émotion. Parmi eux, le catalan Joan Manuel Serrat, un
auteur-compositeur espagnol très apprécié en Amérique du Sud.
Teresa
Parodi, ministre de la Culture argentine et elle-même grande artiste
du Litoral (1), avait traversé le Río de la Plata pour être là, à
la demande personnelle de la Présidente Cristina Kirchner. La
rédaction de La República insiste sur l'importance et la diversité
de la présence argentine, avec des représentants de tous les
secteurs, y compris les syndicats.
Le gros titre texte est pour la sécheresse qui sévit en Uruguay et qui compromet les cultures d'hiver. La photo principale montre Pepe Mujica de dos avec différentes personnalités hier au Parlement |
Tous
les corps constitués et corps intermédiaires uruguayens ont tenu à
participer, y compris la Marine nationale qui a fait déposer une
gerbe qui n'est pas passée inaperçue dans un pays qui a souffert
pendant douze ans sous une dictature militaire aussi cruelle que
celles qui sévissaient ailleurs dans les mêmes années de plomb.
José
Mujica, dans une déclaration émue, a rappelé que peu de temps
avant la fin de son mandat, sachant l'écrivain très malade, il
était allé chez lui lui rendre une visite :
“Hace
poco tiempo estuve a darle un abrazo en su casa y fui con mi querida
compañera Lucía (Topolansky). Porque uno cuando se pone viejo, a
veces presiente, y yo sentía que como presidente, institucionalmente
debía simbolizar en un abrazo la gratitud a esa hermosa vida que en
cualquier momento se podía ir por razones biológicas. Y así fue”
José
Mujica, hier (chapelle ardente autour de Eduardo Galeano)
Il
y a peu, je suis allé l'embrasser chez lui et j'y suis allée avec
ma chère compagne Lucía [Topolansky]. Parce que quand on se fait
vieux, parfois on présent et moi je sentais qu'en tant que
président, je devais, de manière institutionnelle, symboliser dans
cette étreinte notre gratitude pour cette belle vie qui, à tout
moment, pouvait s'en aller pour des raisons biologiques. Et c'est ce qui s'est passé.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
L'écrivain
sera incinéré en privé aujourd'hui dans l'après-midi.
Pour
en savoir plus :
lire
l'article de El País (toujours malencontreusement rangé dans les
pages divertissement !), qui a ajouté une galerie d'images
lire
l'article de Página/12, dont Galeano était l'un des collaborateurs
– Comme toujours, cet article est de toute la presse sur le même
sujet celui qui a le plus fort contenu...
Página/12
publie en outre un article secondaire, toujours dans ses pages
culturelles, sur le combat de Galeano pour que soient jugés les
criminels des dictatures (la photo d'illustration le montre serrant
dans ses bras Macarena Guelman, la petite-fille retrouvé du défunt
poète Juan Guelman, lui aussi membre de la rédaction du journal, ce
qui fait de Página/12 le journal phare de la vie intellectuelle
argentine, comme le fut en son temps le quotidien Crítica du patron
de presse Natalio Botana dans les années 1930 et 1940).
(1)
On appelle Litoral l'ensemble des trois Provinces qui se situent
entre les rives de l'Uruguay et du Paraná en Argentine, soit
Misiones, Corrientes et Entre Ríos.