Le 20 février 1813 couronne la première partie
de la campagne militaire dite du Haut-Pérou ou du Nord et conduite par Manuel
Belgrano à compter du 19 mars 1812. C’est le point d’orgue d’un
épisode fondateur dans l’histoire du pays : la création du
drapeau national comme symbole d’un État
encore en gestation et dont Belgrano forçait la construction contre
une partie plus rétive de l’opinion publique et des responsables
politiques encore timorés (1).
Défilé commémoratif de Salta, l'année dernière (archives du Tribuno de Salta) |
Dès
décembre 1810, voyant qu’à Buenos Aires, les responsables
politiques commençaient à se désunir et montraient, au moins pour
certains, une frilosité qui n’avait jamais été dans son
caractère, Manuel Belgrano avait choisi d’aller se battre aux
avant-postes de la révolution, dans les territoires menacés par les
contre-révolutionnaires qui voulaient le retour de l’Ancien Régime
et du système colonial.
Annonce de la cérémonie à Buenos Aires cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Il
mena donc une première campagne, la Campagne du Paraguay, qui
s’acheva sur l’indépendance de ce pays et sa séparation
juridique de Buenos Aires. Et l’année suivante, il fut envoyé
installer une batterie d’artillerie sur un point stratégique du
cours du Paraná, à Rosario. C’est là que le 27 février 1812 il
arbora pour la première fois les couleurs de la future Argentine, le
bleu ciel et le blanc, attributs de l’Immaculée Conception déjà
utilisés par Juan Martín de Pueyrredón pour distinguer ses troupes
patriotes qui allaient affronter les troupes britanniques et les
bouter hors du vice-royaume (1806). Le courrier officiel de Belgrano
au gouvernement de Buenos Aires ce jour-là, que je vous ai présenté
dans mon article du 17 février dernier,
reçut une réponse négative : il était hors de question pour
la capitale ex-vice-royale d’abandonner les couleurs de l’Espagne.
Cependant, avant même ce refus, le gouvernement avait envoyé
Belgrano à Tucumán prendre la suite de Pueyrredón à la tête de
l’armée du Nord. Manuel Belgrano avait pris la route du nord-ouest en laissant son emblème national flottant sur la batterie
d’artillerie de Rosario.
Plan ancien de Salta Archivo General de la Nación Argentina Cliquez sur l'image pour une bonne résolution |
Une
fois à Jujuy, il fit réaliser un second drapeau et, le 25 mai, pour
le deuxième anniversaire de la Révolution, il le fit bénir dans
l’église de ce qui n’était alors qu’une bourgade. Peu de
temps après, il dut évacuer Jujuy et se retirer, plus au sud,
jusqu’à Tucumán. De là, il reprit l’offensive et reconquit peu à peu le territoire perdu en remontant jusqu’à Salta, où,
le 20 février 1813, pour la première fois, il brandit sur le champ
de bataille le drapeau blanc et ciel (bandera albiceleste).
C’est
le baptême "du feu et du sang" de cet emblème national qui est
commémoré aujourd’hui.
Manuel Belgrano - L'inventeur de l'Argentine p. 207 Cliquez sur la page pour une haute résolution |
En
ce jour d’été, Belgrano remporta une victoire d’autant plus
éclatante et méritoire qu’il était gravement malade depuis plusieurs jours.
Deux semaines auparavant, le colonel José de San Martín , le futur général, avait repoussé
une incursion ennemie à une quinzaine de kilomètres en aval de Rosario, à
San Lorenzo (2).
Invitation à la reconstitution de mardi dernier, à Salta Les piétons et les cavaliers ont deux points de rendez-vous distincts Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
La
frontière nord du territoire de la future Argentine était désormais
sanctuarisée grâce à ces deux victoires de deux hommes qui
allaient nouer une amitié solide, aux accents étonnamment modernes.
A
Buenos Aires, leur réussite suscite d’impressionnantes
réjouissances publiques. L’idée de l’indépendance fait son
chemin dans l’esprit des constituants qui forment l’Assemblée de
l’An XIII (3). Ils dotent le pays d’un blason puis d’un hymne
mais ne veulent toujours pas entendre parler d’un drapeau.
Toutefois leur résistance s’affaiblit de jour en jour et lorsque
le roi Fernando VII rentre à Madrid après son exil forcé dans
la France impériale, les révolutionnaires portègnes basculent dans
l’indépendantisme : en revenant aux affaires, Fernando n’a
rien trouvé de plus urgent à ordonner que l’exécution des
leaders libéraux patriotes, ceux-là même qui s’étaient opposés
à Joseph Bonaparte pendant six ans pour garder son trône au roi Bourbon. Ces premières mesures du roi provoquent la rupture avec
l’Espagne dès la fin de 1814. C’est ainsi que le gouvernement
révolutionnaire envoie Manuel Belgrano à Londres pour y négocier
l’appui de puissances européennes à la déclaration
d’indépendance qui se prépare.
Manuel Belgrano - L'inventeur de l'Argentine p. 227 Cliquez sur la page pour une haute résolution |
Aujourd’hui,
à Buenos Aires, à 11h, l’Instituto Nacional Belgraniano organise
un hommage dans le salon d’honneur (salón Saavedra) de la caserne
du 1er
Régiment d’Infanterie Patricios à Palermo. Et toute la journée,
les cérémonies et les défilés se succéderont à Salta.
Avant-hier, on a déjà invité toute la population à reconstituer
la bataille… C’est la fête.
Manuel Belgrano - L'inventeur de l'Argentine p. 241 Cliquez sur la page pour une haute résolution |
Pour
en savoir plus sur Manuel Belgrano – L’inventeur de l’Argentine,
la première biographie du général en français, à paraître la
semaine prochaine aux Éditions du Jasmin, bientôt en librairie, vous pouvez :
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les articles de Barrio de Tango sur le livre en cliquant sur le
mot-clé Belgrano Jasmin, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to
search (sous le titre de chaque entrée)
consulter
les articles de Barrio de Tango sur le général lui-même en
cliquant sur le mot-clé Manuel Belgrano
consulter
la présentation de mon livre sur mon site Internet
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le livre à prix réduit (20 € au lieu de 24,90) en
souscrivant auprès de l’éditeur jusqu’au 27 février 2020
(télécharger le bon de souscription)
venir
à l’Ambassade argentine à Paris (M° Boissière) assister à la présentation que je ferai le 27 février à 19h (le livre y sera en
vente à son prix public, 24,90 €, comme le veut la loi Lang sur le
prix unique du livre).
Pour
aller plus loin sur les festivités de Salta :
(1)
Belgrano avait sur eux l’avantage d’avoir vécu dans les cercles
de pouvoir à Madrid et Aranjuez pendant la Révolution Française.
Il avait longtemps cru à la générosité du discours officiel sur
les colonies avant de comprendre, à la tête du Consulat royal de
commerce de Buenos Aires, qu’il ne s’agissait que d’un mensonge
passablement cynique. Il a dû basculer dans l’indépendantisme
entre 1806 et 1809.
(2)
Combat de San Lorenzo, le 3 février 1813 (voir
mes articles à ce sujet).
(3)
Pour manifester une filiation idéologique avec la Révolution
Française, comme le montre aussi l’adoption du bonnet phrygien.