jeudi 20 février 2020

Manuel Belgrano : la victoire de Salta parachève la campagne de 1812 [Disques & Livres]

La médaille de la victoire de Salta pressée en 1813
Elle présente les symboles de la future nation :
les deux mains et le bonnet phrygien
que Belgrano et San Martín portaient,
comme tous leurs soldats et tout le peuple,
lors des réjouissances patriotiques

Le 20 février 1813 couronne la première partie de la campagne militaire dite du Haut-Pérou ou du Nord et conduite par Manuel Belgrano à compter du 19 mars 1812. C’est le point d’orgue d’un épisode fondateur dans l’histoire du pays : la création du drapeau national comme symbole d’un État encore en gestation et dont Belgrano forçait la construction contre une partie plus rétive de l’opinion publique et des responsables politiques encore timorés (1).

Défilé commémoratif de Salta, l'année dernière (archives du Tribuno de Salta)

Dès décembre 1810, voyant qu’à Buenos Aires, les responsables politiques commençaient à se désunir et montraient, au moins pour certains, une frilosité qui n’avait jamais été dans son caractère, Manuel Belgrano avait choisi d’aller se battre aux avant-postes de la révolution, dans les territoires menacés par les contre-révolutionnaires qui voulaient le retour de l’Ancien Régime et du système colonial.

Annonce de la cérémonie à Buenos Aires
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Il mena donc une première campagne, la Campagne du Paraguay, qui s’acheva sur l’indépendance de ce pays et sa séparation juridique de Buenos Aires. Et l’année suivante, il fut envoyé installer une batterie d’artillerie sur un point stratégique du cours du Paraná, à Rosario. C’est là que le 27 février 1812 il arbora pour la première fois les couleurs de la future Argentine, le bleu ciel et le blanc, attributs de l’Immaculée Conception déjà utilisés par Juan Martín de Pueyrredón pour distinguer ses troupes patriotes qui allaient affronter les troupes britanniques et les bouter hors du vice-royaume (1806). Le courrier officiel de Belgrano au gouvernement de Buenos Aires ce jour-là, que je vous ai présenté dans mon article du 17 février dernier, reçut une réponse négative : il était hors de question pour la capitale ex-vice-royale d’abandonner les couleurs de l’Espagne. Cependant, avant même ce refus, le gouvernement avait envoyé Belgrano à Tucumán prendre la suite de Pueyrredón à la tête de l’armée du Nord. Manuel Belgrano avait pris la route du nord-ouest en laissant son emblème national flottant sur la batterie d’artillerie de Rosario.

Plan ancien de Salta
Archivo General de la Nación Argentina
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Une fois à Jujuy, il fit réaliser un second drapeau et, le 25 mai, pour le deuxième anniversaire de la Révolution, il le fit bénir dans l’église de ce qui n’était alors qu’une bourgade. Peu de temps après, il dut évacuer Jujuy et se retirer, plus au sud, jusqu’à Tucumán. De là, il reprit l’offensive et reconquit peu à peu le territoire perdu en remontant jusqu’à Salta, où, le 20 février 1813, pour la première fois, il brandit sur le champ de bataille le drapeau blanc et ciel (bandera albiceleste).
C’est le baptême "du feu et du sang" de cet emblème national qui est commémoré aujourd’hui.

Manuel Belgrano - L'inventeur de l'Argentine
p. 207
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En ce jour d’été, Belgrano remporta une victoire d’autant plus éclatante et méritoire qu’il était gravement malade depuis plusieurs jours.

Deux semaines auparavant, le colonel José de San Martín , le futur général, avait repoussé une incursion ennemie à une quinzaine de kilomètres en aval de Rosario, à San Lorenzo (2).

Invitation à la reconstitution de mardi dernier, à Salta
Les piétons et les cavaliers ont deux points de rendez-vous distincts
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La frontière nord du territoire de la future Argentine était désormais sanctuarisée grâce à ces deux victoires de deux hommes qui allaient nouer une amitié solide, aux accents étonnamment modernes.
A Buenos Aires, leur réussite suscite d’impressionnantes réjouissances publiques. L’idée de l’indépendance fait son chemin dans l’esprit des constituants qui forment l’Assemblée de l’An XIII (3). Ils dotent le pays d’un blason puis d’un hymne mais ne veulent toujours pas entendre parler d’un drapeau. Toutefois leur résistance s’affaiblit de jour en jour et lorsque le roi Fernando VII rentre à Madrid après son exil forcé dans la France impériale, les révolutionnaires portègnes basculent dans l’indépendantisme : en revenant aux affaires, Fernando n’a rien trouvé de plus urgent à ordonner que l’exécution des leaders libéraux patriotes, ceux-là même qui s’étaient opposés à Joseph Bonaparte pendant six ans pour garder son trône au roi Bourbon. Ces premières mesures du roi provoquent la rupture avec l’Espagne dès la fin de 1814. C’est ainsi que le gouvernement révolutionnaire envoie Manuel Belgrano à Londres pour y négocier l’appui de puissances européennes à la déclaration d’indépendance qui se prépare.


Manuel Belgrano - L'inventeur de l'Argentine
p. 227
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Aujourd’hui, à Buenos Aires, à 11h, l’Instituto Nacional Belgraniano organise un hommage dans le salon d’honneur (salón Saavedra) de la caserne du 1er Régiment d’Infanterie Patricios à Palermo. Et toute la journée, les cérémonies et les défilés se succéderont à Salta.
Avant-hier, on a déjà invité toute la population à reconstituer la bataille… C’est la fête.

Manuel Belgrano - L'inventeur de l'Argentine
p. 241
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Pour en savoir plus sur Manuel Belgrano – L’inventeur de l’Argentine, la première biographie du général en français, à paraître la semaine prochaine aux Éditions du Jasmin, bientôt en librairie, vous pouvez :
consulter les articles de Barrio de Tango sur le livre en cliquant sur le mot-clé Belgrano Jasmin, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search (sous le titre de chaque entrée)
consulter les articles de Barrio de Tango sur le général lui-même en cliquant sur le mot-clé Manuel Belgrano
consulter la présentation de mon livre sur mon site Internet
acheter le livre à prix réduit (20 € au lieu de 24,90) en souscrivant auprès de l’éditeur jusqu’au 27 février 2020 (télécharger le bon de souscription)
venir à l’Ambassade argentine à Paris (M° Boissière) assister à la présentation que je ferai le 27 février à 19h (le livre y sera en vente à son prix public, 24,90 €, comme le veut la loi Lang sur le prix unique du livre).

Pour aller plus loin sur les festivités de Salta :



(1) Belgrano avait sur eux l’avantage d’avoir vécu dans les cercles de pouvoir à Madrid et Aranjuez pendant la Révolution Française. Il avait longtemps cru à la générosité du discours officiel sur les colonies avant de comprendre, à la tête du Consulat royal de commerce de Buenos Aires, qu’il ne s’agissait que d’un mensonge passablement cynique. Il a dû basculer dans l’indépendantisme entre 1806 et 1809.
(2) Combat de San Lorenzo, le 3 février 1813 (voir mes articles à ce sujet).
(3) Pour manifester une filiation idéologique avec la Révolution Française, comme le montre aussi l’adoption du bonnet phrygien.