samedi 4 septembre 2021

Catamarca béatifie Fray Mamerto Esquiú [Actu]

Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Aujourd’hui, une bonne partie de la province de Catamarca est en fête malgré les restrictions dues à la crise sanitaire : la capitale, San Fernando del Valle, et sa région célèbrent la béatification d’un important personnage local du 19e siècle, l’évêque franciscain, Fray Mamerto Esquiú (San José de Piedra Blanca, Catamarca, 1826 - Posta del Suncho, ibidem, 1883). Les célébrations ont lieu tout au long du week-end à San José de Piedra Blanca, à San Fernando del Valle et à Suncho dans la province. D’autres se tiennent à Córdoba, où il est enterré avec ses prédécesseurs et ses successeurs sur ce siège épiscopal très ancien de l’Argentine ainsi que dans l’église des Argentins à Rome et à Jérusalem, tous les lieux où il a vécu de grandes expériences spirituelles qui sont autant d’étapes dans sa vie. La cérémonie principale, aujourd'hui, était retransmise en direct sur la chaîne généraliste du service public national.

Fray Mamerto Esquiú s’est donné tout entier dans sa vocation franciscain au point qu’il n’en a jamais quitté l’habit, même après avoir été consacré évêque. Il s’engagea profondément dans le rétablissement de la paix civile en Argentine (il a vécu presque toute sa vie pendant la guerre civile entre les partisans d’un pays centralisé et ceux qui voulaient des institutions fédérales).

L'unique daguerréotype que nous ayons


Il s’engagea même sur le terrain strictement politique en se faisant élire comme député dans sa province. Il a laissé un travail précieux de législateur. Ceci ne l’empêcha pas d’être choisi comme évêque de Buenos Aires en 1870, une charge dont il se retira au bout de quelques mois, s’en estimant indigne, puis comme évêque de Córdoba, mission qu’il accepta en 1880, l’année où prirent fin les combats entre ses compatriotes des deux bords. Auparavant, il s’était fait connaître comme enseignant et jouissant d’une réputation méritée de grand orateur.

L'image principale montre la messe d'hier
dans la cathédrale de San Fernando del Valle
présidée par le légat du pape
Cliquez sur l'image pour une plus haute résolution


L’histoire nationale a retenu de lui plusieurs de ses sermons, dont celui du 9 juillet 1853, dans lequel il invita les Catamarquègnes et les habitants des autres provinces à adopter, reconnaître et respecter la Constitution nationale rédigée la même année sous la direction du juriste et diplomate Juan Bautista Alberdi (Tucumán, 1810 – Neuilly-sur-Seine, 1884), qui faisait de la République argentine un pays fédéral afin de refermer enfin les plaies de trente ans de guerre civile. Moyennent quelques modernisations ici et là, cette constitution est toujours en vigueur. L’ensemble des prêches du nouveau bienheureux prononcés de 1853 à 1854 furent publiés de son vivant sur ordre du gouverneur de Catamarca pour l’édification des fidèles et des citoyens.

Le religieux put se rendre à Rome puis il fit un pèlerinage en Terre Sainte, chose rare pour un Sud-Américain à l’époque. Le Saint-Père lui accorda une audience et sut le convaincre d’accepter l’épiscopat.

Maison natale de Fray Mamerto Esquiu
(photo Ministère du Tourisme de Catamarca)


Sa maison natale a été conservée. Elle est maintenant protégée par une construction plus grande et elle se visite (hors restrictions covid bien entendu). Elle est l’un des atouts touristiques et culturels d’une province par ailleurs très pauvre, assez peu peuplée mais qui a pourtant joué un grand rôle, surtout culturel, tout au long de la période coloniale.

La cause en béatification de Fray Mamerto Esquiú avait été ouverte en 1926, pour le centenaire de sa naissance. Le pape François a accepté le premier miracle l’année dernière. La béatification devait avoir lieu en mai 2021. La crise sanitaire l’a fait reporter jusqu’à ce jour.

Fray Mamerto Esquiú est le quatrième Argentin porté sur les autels, après le bienheureux Ceferino Namuncurá (1886-1905), un Mapuche de Patagonie immigré à Buenos Aires pour y être scolarisé (et acculturé juste après la conquête de la Patagonie par les armes notamment contre la chefferie tenue par son grand-père puis son père) et mort de tuberculose à Rome, première de ces béatifications nationales il y a une dizaine d’années, le saint Cura Brochero (1840-1914), de Córdoba, le tout premier d’entre eux à avoir porté la nationalité argentine qui a été créée en 1811, avant même l’indépendance juridique (1), et la bienheureuse Mamá Antula (1730-1799) (2) qui, née à Santiago del Estero, province voisine de Catamarca, s’installa dans la Buenos Aires coloniale pour y relancer les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola (juste après l’expulsion des jésuites) contre toutes les consignes administratives que les autorités coloniales avaient reçues de Madrid. Son principal disciple portègne, l’abbé don Manuel Maximiliano Alberti, devint l’un des membres de la Primera Junta, le premier gouvernement révolutionnaire installé le 25 mai 1810.

Ces quatre bienheureux et saint proviennent tous de l’Intérieur de l’Argentine et trois d’entre eux sont issus de provinces considérées aujourd’hui comme particulièrement périphériques et délaissées (Río Negro, Santiago del Estero, Catamarca).

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire l’article de Clarín
lire l’article d’Infobae qui interviewe un historien spécialisé, Mario Daniel Vera
lire la dépêche de AICA (l’agence de presse catholique argentine)
lire l’article en espagnol de Vatican News (je n’ai rien trouvé en français)
dans la presse locale :
lire l’article principal de El Ancasti
lire l’article principal de La Unión Digital, qui ne paraît pas le week-end et présentait donc hier un a-côté des célébrations : le manteau spécial dont on a vêtu la célèbre Vierge de San Fernando del Valle à cette occasion
lire l’article principal de El Esquiú (le nom du religieux a en effet été donné à l’une des communes de la province)
visiter le site Internet de la béatification




(1) José Gabriel del Rosario Brochero (de son vrai nom) a été béatifié en 2013, ce fut l’une des toutes premières décisions du pape fraîchement élu. Il a été canonisé trois ans plus tard.

(2) C’était une contemporaine aînée de Manuel Belgrano (1770-1820) dont elle fut sans aucun doute l’un des maîtres de spiritualité.