Un nouveau décret vient de détruire le monopole des sociétés d’auteurs (littérature, musique, cinéma, théâtre et spectacle vivant) pour réguler la collecte et le paiement des droits d’auteur. Les artistes argentins s’organisent collectivement depuis un siècle pour pouvoir recevoir le prix de leur travail. Les organismes nés de cet effort et de cette conscientisation économique, la SADAIC pour la musique, ARGENTORES (pour les écrivains et les illustrateurs de l’écrit), AADI (pour les interprètes), CAPIF (pour les producteurs), SAGAI (pour les acteurs), SAC (pour le cinéma), vont être fragilisés par la perte de leur monopole sur cette collecte et cette distribution.
Le gouvernement autorise les intéressés à ne pas s’affilier à l’une ou l’autre de ces organisations. Ce qui va avoir pour effet d’isoler les non-affiliés et surtout de rendre plus vulnérable les droits de tous, si les artistes fortunés refusent de s’affilier pour ne pas payer leur écot aux sociétés collectives. Leurs droits, qui font tourner la machine, leur échapperont. Elles auront donc moins de moyens pour défendre les droits du collectif face à un gouvernement déterminé à empêcher le développement d’une vie intellectuelle et artistique libre. Cette modification statutaire va donner encore plus de pouvoir aux grands capitaux qui agissent dans ce domaine : grands producteurs de spectacle, de télévision, de cinéma, géants de l’édition dans le domaine du livre comme du disque, grands galeristes, etc.
Les syndicats d’artistes sont aussitôt montés au créneau pour accompagner les sociétés de gestion collective ainsi menacées. Cette fois-ci, on n’a pas vu le gouvernement reculer. Tout au contraire, comme pour la nomination des deux juges à la Cour suprême, un ministre s’est répandu dans les médias pour justifier cette décision. Il parle de libération des créateurs et refait l’histoire façon Poutine ou Trump (de toute façon, ils fonctionnent de la même façon). Il a en effet prétendu que le rôle des sociétés de gestion collective datait de la dictature de Onganía, à la fin des années 1960, juste avant le retour de Perón, et qu’il avait été renforcé par les Kirchner, ce qui n’est pas faux mais les Kirchner n’ont jamais été à la tête d’un gouvernement anticonstitutionnel (ce qui n’est pas le cas de Onganía, porté au pouvoir par un putsch militaire).
C’est totalement faux. Les sociétés de gestion collective ont été fondée de 1934 (Agentores) à 1958 (DAC), donc avant Onganía. Ce sont elles qui ont fait voter les lois qui protègent aujourd’hui les droits des auteurs et des interprètes comme il y en a dans tous les pays civilisés. Ce gouvernement serait bien inspiré d’aller regarder comment cela se passe aux États-Unis, avec le poids des syndicats dans le monde du cinéma pour ne parler que de ce secteur !
Seuls Página/12 et La Nación en parlent ce matin, le premier pour donner le son de cloches des auteurs collectivement organisés, le second pour laisser la parole au ministre et à un important producteur qui se réjouit à la perspective de pouvoir désormais faire ce qu’il veut (on peut parier sur le résultat : les artistes vont se faire escroquer encore plus qu’avant !).
Pour
aller plus loin :
lire
l’article
de Página/12
lire
l’article
de La
Nación sur les propos du ministre
lire
l’article
de La
Nación sur la réaction du producteur