jeudi 13 février 2025

Un récital à la ex-ESMA censuré [Actu]

"Tout ça, c'est une saloperie de m..; d'un fils de p..."
Ce gros titre reprend une expression publiée par l'artiste
quand il a dû annoncer sur ses réseaux sociaux
l'annulation de son concert.
En haut, le retrait de la bâche consacré à Néstor Kirchner
(que l'on reconnaît encore très bien à droite)
En bas, les abords de la ex-Esma en état de siège
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Hier, le gouvernement argentin a interdit la tenue d’un concert où un jeune chanteur underground de 18 ans, Milo J, devait présenter en avant-première son premier disque, intitulé 166, du numéro de la ligne de bus qui dessert sa ville de Morón dans la banlieue populaire de Buenos Aires. Le populo allait chanter au cœur des beaux quartiers de la capitale fédérale.

Qui plus est, le jeune auteur-compositeur-interprète, au look peu conventionnel, se veut solidaire de la lutte de Madres de Plaza de Mayo, dont les adhérentes sont réputées non sans raison kirchneristes (la gauche péroniste que Mileí s’efforce de rayer de la carte politique argentine). Le récital devait se tenir devant le centre culturel animé par cette association dans l’un des pavillons de l’ancienne école de la marine nationale, qui a fait place aujourd’hui à une vaste cité tout entière consacrée aux liens entre la culture, les arts et les droits de l’homme.

Il était prévu que le récital, gratuit, se tiennent à guichets fermés puisque 20 000 personnes avaient déjà réservé leur place.


Le chanteur pose, l'année dernière,
devant un bus de la ligne 166
affichant fièrement sa destination

Le ministère de la Justice, sous l’autorité duquel, en sa qualité de gardien du droit, est placé l’ex-ESMA, a prétendu que le concert comportait des risques grave de troubles à l’ordre public et, au dernier moment, il a interdit la manifestation, où il ne fait certes aucun doute que la foule des participants aurait profité du rassemblement pour exprimer bruyamment son opposition à toute la politique en vigueur dans tous les domaines (culturel, économique, social, scientifique, éducatif, sanitaire, etc.). Ce n’était pas une raison pour interdire l’accès du public à l’ex-ESMA à grands renforts de forces de sécurité armées jusqu’aux dents, comme pour réprimer une émeute en cours. Pas plus que ce n’était un motif pour détruire, sur le lieu du concert, une bâche géante qui supportait une photo emblématique du retour à la démocratie, celle où l’on voit, au début des années 2000, le défunt président Néstor Kirchner assister au décrochage du portrait du dictateur putschiste Rafael Videla dans la galerie des présidents à la Casa Rosada.

Couverture du 1er mars 2024
Le sous-titre sous le nom dit :
"la vertigineuse ascension du nouvel enfant terrible
de la musique argentine"
Cela en dit assez long sur l'avenir probable de ce garçon
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C’est bel et bien une censure politique sur un spectacle, une persécution visant l’artiste ainsi que les associations de victimes de la dictature militaire, que Mileí s’efforce de faire taire et de discréditer afin sans doute de réhabiliter à terme les criminels de ce gouvernement anticonstitutionnel (1976-1983). Ce matin, l’affaire fait beaucoup de bruit dans la presse quotidienne, à gauche bien entendu (Página/12 en fait sa une), mais aussi à droite. L’année dernière, le 1er mars, Milo J avait eu l’honneur de la couverture de Rolling Stones dont l’édition argentine appartient au groupe La Nación, le journal des élites économiques du pays.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación, qui ne fait pas figurer l’info à la Une
lire l’article de Rolling Stones Argentina