Hier, le gouvernement argentin a interdit la tenue d’un concert où un jeune chanteur underground de 18 ans, Milo J, devait présenter en avant-première son premier disque, intitulé 166, du numéro de la ligne de bus qui dessert sa ville de Morón dans la banlieue populaire de Buenos Aires. Le populo allait chanter au cœur des beaux quartiers de la capitale fédérale.
Qui plus est, le jeune auteur-compositeur-interprète, au look peu conventionnel, se veut solidaire de la lutte de Madres de Plaza de Mayo, dont les adhérentes sont réputées non sans raison kirchneristes (la gauche péroniste que Mileí s’efforce de rayer de la carte politique argentine). Le récital devait se tenir devant le centre culturel animé par cette association dans l’un des pavillons de l’ancienne école de la marine nationale, qui a fait place aujourd’hui à une vaste cité tout entière consacrée aux liens entre la culture, les arts et les droits de l’homme.
Il était prévu que le récital, gratuit, se tiennent à guichets fermés puisque 20 000 personnes avaient déjà réservé leur place.
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Le chanteur pose, l'année dernière, devant un bus de la ligne 166 affichant fièrement sa destination |
Le
ministère de la Justice, sous l’autorité duquel, en sa qualité
de gardien du droit, est placé l’ex-ESMA, a prétendu que le
concert comportait des risques grave de troubles à l’ordre public
et, au dernier moment, il a interdit la manifestation, où il ne fait
certes aucun doute que la foule des participants aurait profité du
rassemblement pour exprimer bruyamment son opposition à toute la
politique en vigueur dans tous les domaines (culturel, économique,
social, scientifique, éducatif, sanitaire, etc.). Ce n’était pas
une raison pour interdire l’accès du public à l’ex-ESMA à
grands renforts de forces de sécurité armées jusqu’aux dents,
comme pour réprimer une émeute en cours. Pas plus que ce n’était
un motif pour détruire, sur le lieu du concert, une bâche géante
qui supportait une photo emblématique du retour à la démocratie,
celle où l’on voit, au début des années 2000, le défunt
président Néstor Kirchner assister au décrochage du portrait du
dictateur putschiste Rafael Videla dans la galerie des présidents à
la Casa Rosada.
C’est bel et bien une censure politique sur un spectacle, une persécution visant l’artiste ainsi que les associations de victimes de la dictature militaire, que Mileí s’efforce de faire taire et de discréditer afin sans doute de réhabiliter à terme les criminels de ce gouvernement anticonstitutionnel (1976-1983). Ce matin, l’affaire fait beaucoup de bruit dans la presse quotidienne, à gauche bien entendu (Página/12 en fait sa une), mais aussi à droite. L’année dernière, le 1er mars, Milo J avait eu l’honneur de la couverture de Rolling Stones dont l’édition argentine appartient au groupe La Nación, le journal des élites économiques du pays.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article
de Página/12
lire
l’article
de La
Prensa
lire
l’article
de Clarín
lire
l’article
de La
Nación, qui ne fait pas figurer l’info à
la Une
lire
l’article
de Rolling
Stones Argentina