mardi 25 février 2025

Après avoir bafoué ses compatriotes et trompé les épargnants. Mileí trahit l’Ukraine [Actu]

"Brutal changement de Mileí :
en accord avec Trump, il retire son appui
à l'Ukraine", dit le gros titre
au-dessus d'une photo relative aux prières
pour le rétablissement du pape
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En suiveur servile de son idole, Donald Trump, Mileí vient de faire s’abstenir l’Argentine lors d’un vote à l’Assemblée générale de l’ONU : une résolution présentée hier, troisième anniversaire de l’invasion à grande échelle, par l’Ukraine et une cinquantaine de pays partenaires pour réclamer le départ des troupes russes du territoire ukrainien et l’instauration d’une paix juste et durable dans le respect de l’intégrité territoriale du pays agressé.

Quelques députés de la droite libérale (Macri) contestaient hier
le changement diplomatique de l'Argentine
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Cette abstention constitue un changement radical de la position argentine qui avait toujours soutenu que la Russie avait déclenché une guerre illégale en février 2022 et que le droit international devait s’appliquer. Une position d’autant plus importante que l’Argentine s’est toujours appuyée sur le concept d’inviolabilité des frontières pour contester au Royaume-Uni sa souveraineté sur les îles Malouines (et d’autres archipels de l’Atlantique sud) puisque la Grande-Bretagne ne doit sa position sur ces terres qu’à un coup de main de la Royal Navy en 1833, sans avoir au préalable déclaré la guerre à l’Argentine que Londres avait reconnue en 1824, à une époque où la déclaration de guerre était une condition sine qua non pour qu’une guerre soit légitime et puisse, après la fin des hostilités, aboutir à des cessions territoriales entérinées par un traité de paix, négocié par tous les belligérants concernés. Ainsi donc, non seulement Mileí trahit l’Ukraine dont il n’a cessé de se dire le partisan indéfectible depuis le début de sa campagne électorale mais il a encore un peu plus fragilisé la diplomatie de son pays, déjà bien compromise par ses pitreries indécentes et par le récent scandale de la crypto-monnaie, qui a prouvé aux yeux de tous son insondable incompétence en économie.

L'information est annoncée en haut au centre
(avec une photo de Zelensky bras le long du corps)
De son côté, l'opposition péroniste se réorganise
et reprend du poil de la bête
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Ce matin, la presse nationale argentine réagit assez vertement à ce changement de cap. Même Página/12, assez hostile à l’Ukraine et plutôt poutinien par anti-américanisme, traite l’information en une. Hier soir, juste après le vote, les articles en ligne soulignaient tous, encore plus fortement qu’aujourd’hui, le caractère de trahison que revêt cette nouvelle posture internationale et la servilité dont elle témoigne à l’égard de Trump, un président américain dont aucune rédaction n’approuve le moindre comportement depuis le 20 janvier.

Une députée d'un groupe d'opposition à éclipse
proteste vertement contre l'abstention de l'Argentine à l'ONU
"Les affaires étrangères, c'est de la politique de l'Etat,
pas du copinage du président"
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La Nación publie même aujourd’hui deux articles sur le sujet. Au-delà de l’analyse du vote lui-même, qui place l’Argentine du côté des gouvernements mis au ban de la communauté internationale (Biélorussie, Cuba, Venezuela, Iran ou Corée du Nord), le quotidien de la droite libérale et démocratique bien élevée, celle du patriciat argentin éduqué et raisonnablement cultivé, rappelle toutes les déclarations officielles à travers lesquelles, pendant plus d’un an de mandat, Mileí s’était offert le luxe de se présenter comme le premier des défenseurs de l’Ukraine, ce qui est mensonger. Cette auto-présentation vient probablement d’une rivalité mesquine avec le jeune président chilien, Gabriel Boric, une des voix respectées et respectables de la gauche sud-américaine, qui s’était dignement prononcé pour l’Ukraine, avant l’élection de Mileí, lors d’un sommet des pays hispanophones, où il avait laissé éclater sa colère contre l’aveuglement de ses homologues de gauche (en particulier le président colombien) et la tiédeur de la posture neutre adoptée par un Alberto Fernández qui n’a jamais eu les moyens politiques d’imposer quoi que ce soit à sa majorité dominée par Cristina Kirchner, inconditionnelle russophile.

L'information est signalée dans la colonne de droite
en haut, sous les deux petites photos
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Le quotidien de droite passe en revue les trois rencontres entre Mileí et Zelensky, à Buenos Aires, le 10 décembre 2023, en Suisse en juin dernier (1), puis à Davos, il y a un mois. A chaque fois, Mileí avait bombé le torse en jurant fidélité éternelle à la noble cause ukrainienne. Et il a tourné casaque au premier coup de sifflet de Trump lorsque la semaine dernière, il a insulté Zelensky et répété comme un perroquet la plus grossière propagande russe.

Réaction de la députée d'opposition sociale-démocrate
Margarita Stolbizer, outrée
"Et ça se dit leader mondial !"
Elle parle de la trahison de l'Ukraine
(traicionar a Ucrania)
Remarquez la photo !
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En ce qui me concerne, il m’avait toujours semblé que le postulat pro-ukrainien de Mileí était une imposture. Durant sa campagne, il me paraissait en effet évident qu’il ne cherchait qu’à afficher des positions systématiquement opposées à celle de Fernández, alors très impopulaire, ce qui était un moyen de se faire élire à peu de frais intellectuels (son opposition était générale, y compris sur le covid). Après l’élection, Zelensky est resté silencieux pendant deux jours avant de lui téléphoner pour lui adresser ses félicitations officielles. Ce que j’ai interprété comme une réserve ou une hésitation de sa part puisque ce n’est pas dans ses habitudes diplomatiques.

Puis il a assisté à la prestation de serment de Mileí le 10 décembre 2023. De toute évidence, pour Zelensky, c’était une occasion à ne pas manquer : c’était la première fois qu’un chef d’État ukrainien était invité à fouler le sol sud-américain, ce qui ne peut pas se refuser surtout dans les circonstances politiques traversées par son pays et cette invitation lui offrait en outre le cadre de nouveaux entretiens avec ses homologues régionaux, présidents en exercice du Chili (à gauche), de l’Uruguay, du Pérou, de l’Équateur, du Guatemala et du San Salvador (droite, voire extrême-droite), tous soutiens de l’Ukraine dans la faible limite des moyens de leurs pays. Gouvernés à gauche et de ce fait hostiles à l’Ukraine pour le seul motif celle-ci était vilipendée par leur cher Poutine et soutenue par les vilains États-Unis, ni le Brésil ni la Colombie n’étaient représentés à haut niveau puisque Mileí avaient insultés ces deux présidents tout au long de sa campagne (avant de tâcher de corriger le tir dans les jours qui ont suivi sa prestation de serment).

Cette investiture avait été marqué par un geste saugrenu de Mileí : dans des circonstances où il n’y a pas d’échange de cadeaux diplomatiques, à son homologue ukrainien, qui refuse systématiquement de faire mention de sa judéité dans la vie publique, que ce soit dans sa carrière artistique ou sur la scène politique, le nouveau président avait tendu un chandelier rituel juif, qui plus est de taille gigantesque et de style hideux. C’était totalement déplacé à l’égard du président d’un pays en guerre qui pousse sa communication politique jusqu’à afficher le conflit en cours dans sa tenue vestimentaire.

Le mois suivant, il y a eu une non-rencontre significative à Davos où tous les chefs d’État et de gouvernement de pays démocratiques présents ont soigneusement évité de croiser Mileí dans les couloirs. Le tout nouveau président argentin, déjà pestiféré aux yeux des démocrates du monde entier, n’y a eu d’entretien qu’avec le ministre des Affaires étrangères britannique (à ce stade précoce de son mandat, cet admirateur de Thatcher tenait à courtiser les conservateurs britanniques), la directrice du FMI (pour quémander un nouveau prêt) et la reine des Pays-Bas qui est d’origine argentine et rencontre, pour cette raison, tous les chefs d’État de son pays natal quelle que soit leur positionnement politique ou idéologique. A Davos, elle remplit une mission des Nations-Unies : sensibiliser les dirigeants politiques et économiques au besoin d’instaurer une plus juste répartition des richesses sur cette planète détruite par l’âpreté au gain d’un petit nombre (bien représenté sur place). Avec Mileí, elle n’a pas dû s’amuser ! En ce tout début d’année 2024, celui-ci n’a passé qu’une douzaine d’heures à Davos, au cours desquelles il a réussi l’exploit de faire rire son auditoire compassé et clairsemé avec son discours officiel, où il a, comme Vance à Munich, déversé des propos insultants contre les démocraties, toutes accusées d’être rongées par le « cancer du communisme ».

En juin, on a eu droit au grand n’importe quoi du sommet sur la Paix, puis en janvier, à une rencontre à Davos fort peu commentée par les Ukrainiens comme par les Argentins, déjà largement désabusés. A cette occasion, il semble que la séance photo ait donné lieu à deux clichés, que l’on retrouve dans la presse argentine de ce jour : sur l’un seul, on voit Mileí faire son signe-slogan avec les deux pouces levés tandis que Zelensky se tient souriant à ses côtés les deux bras le long du corps comme d’habitude ; sur l’autre, l’Ukrainien lève lui aussi les pouces (que les photographes aient réclamé le geste à grands cris ne m’étonnerait pas : Zelensky semble tout faire pour éviter ces exercices de communication puérils et grotesques).

Entre temps, un accord commercial avait été signé entre les ministres de la défense des deux pays pour la production de munitions dans une usine argentine dont le personnel aurait sûrement été très heureux d’honorer cette commande mais le gouvernement était décidé à privatiser toutes les entreprises nationales et celle-là fait sans doute partie de tout ce dont ils veulent se délester. Toujours est-il que l’accord prometteur est resté lettre morte. L’Argentine s’est contentée de livrer quelques hélicoptères. Cela aura été la seule aide militaire concrète de ce gouvernement si fier de son supposé soutien. Plusieurs invitations ont aussi été lancées à Mileí pour qu’il se rende à Kiyv comme le font tant d’ardents défenseurs de la cause ukrainienne. A chaque fois, il avait promis de faire le voyage. Personne ne l’a encore vu ni à Kiyv ni ailleurs en Ukraine.

Dans ses rencontres avec la presse latino-américaine, jusqu’au bout, Zelensky a tenté de ménager la susceptibilité de son homologue en limitant ses attentes officielles à son égard. En vain ! Il n’aura rien obtenu.

Tableau du vote à l'ONU de la résolution proposée par
l'Ukraine et cinquante de ses partenaires
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(la photo complète vient de l'agence de presse Ukrinform)


Si Mileí voulait Zelensky à son investiture, ai-je tendance à penser, c’était pour deux raisons : 1) c’était une célébrité internationale très admirée dont la présence à Buenos Aires ce jour-là pouvait projeter son arrivée au pouvoir à la une des médias du monde entier, ce qui flattait la fatuité de cet imbécile, et hélas, ça a marché ; 2) Très probablement, jusqu’au 10 décembre 2023, Mileí aura cultivé un intérêt malsain pour Zelensky à cause de sa judéité parce que le président argentin éprouve pour cette religion, qui plus est dans une version très rétrograde, une fascination à la fois immature et peu sincère, alors qu’il ne respecte même pas le chabbat (2). Or cet intérêt a dû s’évaporer lorsque Mileí a constaté que a) Zelensky refuse ce positionnement confessionnel (ce qui n’est pas difficile à découvrir en le suivant d’un peu près) et b) qu’il n’a rien d’un admirateur inconditionnel d’Israël, tandis que l’Argentin se veut à tu et à toi avec Netanyahu et ses alliés d’extrême-droite. Dès lors, Mileí n’avait plus qu’un seul motif de soutenir l’Ukraine, et encore du bout des doigts : l’imitation aveugle et inconditionnelle de la diplomatie washingtonienne, qui vient de tourner casaque.

L'information est présentée en bas à droite
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’entrefilet de La Prensa
lire l’article de Clarín, que l’on doit à une journaliste qui a interviewé Zelensky à Kiyv et elle a apprécié cette rencontre
lire l’article principal de La Nación
lire l’article de La Nación sur le déroulé des relations entre les deux chefs d’État.




(1) Ce qu’oublie de dire le ou la journaliste, c’est que Mileí avait déjà flanché à ce moment-là puisqu’après avoir annoncé dans un premier temps qu’il se rendrait au sommet sur la Paix organisé par les Suisses, il avait fait savoir quelques jours plus tard que finalement il ne s’y rendrait pas, avant de changer à nouveau d’avis après un coup de fil de Zelensky. Et, ô surprise, on avait assisté sur place à un spectacle surprenant : Zelensky avait décoré Mileí, ce qu’il n’avait pas fait avec les autres participants dont la plupart se sont rendus une ou plusieurs fois à Kiyv et ont reçu sur place différentes marques de gratitude de l’État ukrainien. De là à subodorer que pour le faire participer à la conférence internationale, Zelensky l’ait appâté avec ce hochet, il n’y a qu’un pas. Mileí court derrière toutes les décorations et tous les prix, partout sur la planète, prenant tout ce qui se présente sans aucune discrimination. Cette décoration ukrainienne est sans nul doute la plus respectable et la plus prestigieuse de sa collection, constituée de tas de bricoles sans aucun caractère officiel, décernées par des institutions privées la plupart du temps d’extrême-droite.

(2) Le vendredi 1er mars 2024, il a décalé à 21h au lieu de l’horaire traditionnel de midi son discours d’ouverture de la session parlementaire alors qu’en s’exprimant à midi, il n’aurait aucunement enfreint le repos hebdomadaire scrupuleusement respecté par tous les pratiquants. Donc il se moque du monde et diverses associations confessionnelles juives le lui ont reproché dès le surlendemain.