jeudi 29 novembre 2012

Hier, devant le Congrès, les musiciens ont fêté la loi nationale de la Musique [Actu]



Sous le gouvernement de Cristina Kirchner, malgré plusieurs mesures chargées d'une certaine démagogie qui en inquiète plus d'un en Argentine, comme il y a quelques semaines cette loi absurde qui ouvre le droit optionnel de vote aux mineurs à partir de 16 ans (voir mon article du 1er novembre 2012 sur le sujet), la République Argentine continue sa mue vers un Etat démocratique, structuré, aux compétences élargies...

C'est ainsi qu'hier le Sénat a validé la loi qui établit l'Institut National de la Musique, pour favoriser le développement artistique et économique de ce secteur et faire en sorte que les musiciens ne soient plus pieds et poings liés devant les multinationales de l'industrie discographiques. Et là, on ne peut pas parler de mesure démagogique : la défense de la musique nationale n'est pas un thème électoral, les musiciens ont bien du mal à faire entendre les besoins politiques et économiques de leur secteur dans un pays où le téléchargement en ligne illégal est une plaie encore plus terrible qu'en Europe, faute d'instances de régulation, dont nos pays se sont dotés, et de moyens matériels et légaux de lutte contre les fraudeurs dans les forces de police et les tribunaux.

L'INAMU aura des compétences pour soutenir la production musicale, réguler la distribution, favoriser la formation des professionnels et des amateurs et promouvoir la musique argentine dans le cadre de la politique de soutien à l'expression culturelle nationale. Il devra aussi favoriser la pluralité des genres, des styles, des modalités économiques. D'autres secteurs culturels disposaient déjà d'un tel institut, comme le cinéma, en salle et à la télévision, qui bénéficie des services de l'INCAA, dont l'ancien directeur, José Coscia, un professionnel reconnu pour sa compétence par ses pairs, détient maintenant le portefeuille de la Culture au sein du gouvernement de la Nation (gobierno de la Nación).

Il y a quelques années, l'Argentine avait mis en place le MICA, marché de l'industrie culturelle argentine, qui fédère toutes les disciplines dans leurs aspects économiques et commerciaux.

L'arrivée prochaine de l'INAMU est une très bonne nouvelle pour les artistes qui ont fêté l'événement comme ils convenaient, en organisant une mega-fête devant le palais législatif, avec scène géante et interdiction de la circulation dans les avenues avoisinnantes...
On a retrouvé sur l'estrade la crème des kirchneristes et autres sympathisants péronistes de toujours quu pullulent depuis 1943 dans l'univers musical argentin tous genres confondus : Teresa Parodi, Litto Nebbia, Lito Vitale, Carabajal et beaucoup d'autres. Ni l'affiche ni l'article de Página/12 ne cite cependant ni León Gieco, ni Fito Paéz ni Charly García, qui sont pourtant assez souvent présents dans ce genre de happening . Il faut supposer qu'ils avaient des obligations à l'autre bout du pays ou qu'ils sont en tournée à l'étranger (on arrive à la belle saison dans l'hémisphère sud, avec son cortège de concerts en plein air et de festivals tous azimuts).
Les artistes ont même appelé les morts à la rescousse en lisant les déclarations de soutien qu'avaient écrites en leur temps la grande folkloriste Mercedes Sosa (voir mes articles sur elle) et le rockeur récemment disparu Luis Alberto Spinetta, auquel la Biblioteca Nacional rend hommage actuellement (voir mon article du 10 octobre 2012 à ce sujet).

Cela faisait en effet six ans que la Fédération argentine des musiciens indépendants, la FA-MI (c'est bien trouvé, avouez-le !) faisait pression pour obtenir une loi qui protège les artistes et les œuvres et soutienne la vie artistique dans ce domaine. C'est le 24 août dernier que Cristina avait enfin lancé le processus législatif, annoncé en grande pompe selon la coutume d'un des salons d'apparat de la Casa Rosada devant un parterre d'artistes et de représentants des ONG des droits de l'homme, toujours présentes dans ces manifestations politiques. Voilà qui est fait. Espérons maintenant que ce INAMU s'installe et commence à travailler, en souhaitant qu'il soit confié à des gens responsables, compétents, honnêtes, courageux et efficaces, ce qui n'est pas toujours le cas dans les organes gouvernementaux en Argentine...

Une remarque en passant : je ne pense guère m'être trompée en subodorant au début du mois une manœuvre de diversion de la part de Página/12 lorsque la rédaction avait choisi de faire la une du journal sur une prétendue découverte du passé délinquant de Carlos Gardel (voir mon article du 12 novembre 2012 à ce sujet). Je vous y disais qu'en temps normal, si les récentes manifestations anti-kirchneristes ne venaient pas de démentir la croyance en une Cristina indéboulonablement installée à la Casa Rosada, cette information secondaire aurait dû se trouver au mieux à la une du supplément culturel du journal. Je crois en avoir la preuve aujourd'hui : voilà une loi capitale pour la vie culturelle du pays, elle fait véritablement l'actualité et réjouit tous les musiciens (vérifiez donc sur Facebook où toutes leurs pages en parlent) et elle est bien ce matin reléguée dans les pages intérieures. La une est consacrée quant à elle à un jugement d'un tribunal de New-York déboutant l'un de ces fonds que les Argentins surnomment les fonds-vautours (fondos buitres) qui ont des créances sur l'Argentine et tentent depuis des années d'accélérer les remboursements, au détriment du plan de retour à la normale de l'économie globale du pays.

Pour aller plus loin :
lire l'éditorial qui le suit, toujours sur l'édition de ce matin du quotidien kirchneriste
lire l'article de Clarín, bien caché au milieu des nouvelles de cinquième importance.