samedi 8 juin 2013

El Día de la Música "nuestro" en la Casa de la Argentina ou la Misa Criolla à París [ici]


Rendons à Jack Lang ce qui est à Jack Lang, la Fête de la Musique, c'est nous qui l'avons inventée (enfin, lui surtout) en France, il y a plus de trente ans... C'est bien une coutume, mais française cette fois-ci. Et cette année, la Maison de l'Argentine à la Cité Internationale Universitaire de Paris la célébrera par un concert en deux parties le vendredi 21 mai 2013 à 20h.

Première partie : récital lyrique intitulé Parfums de l'Espagne et de l'Amérique Latine, avec la mezzosoprano Alexandra D'Espinoza et le pianiste Enrique Premoli, avec un hommage à la musique espagnole et aux compositeurs argentins et plus largement sud-américains.

Seconde partie : récital du Grupo de Canto Coral, le GCC, placé sous la direction du Maestro Néstor Andrenacci, qui interprétera ce chef-d'œuvre de la musique populaire argentine qu'est la Misa Criolla, du compositeur Ariel Ramírez (1).

Canto Coral, dans sa composition de mai 2011 - Photo Luz Fiumara

La Misa Criolla est la première tentative couronnée d'un vrai succès populaire (et international qui plus est) pour acculturer esthétiquement en Argentine le canon de la messe catholique, alors en plein aggiornamento conciliaire. Les auteurs travaillèrent avec l'appui des autorités ecclésiastiques argentines et latino-américaines, dont ils obtinrent d'utiliser l'ordinaire en espagnol (2). Cette Misa Criolla avait pour précédent les œuvres trop oubliées aujourd'hui qui se répandirent jusqu'à Buenos Aires depuis les Missions (3) au XVIIème et XVIIIème siècles, quand les jésuites (4) favorisaient le métissage entre la musique d'Eglise baroque de l'Europe et l'expression culturelle des Indiens guaranis qu'ils accueillaient dans ces terres concédées par le Roi d'Espagne et où les laïcs blancs ne pouvaient pénétrer. Jusqu'en 1767-1773, les Indiens purent y vivre libres de tous les systèmes de servage qui sévissaient contre eux partout ailleurs dans l'Empire espagnol. L'expérience religieuse et politique prit fin lorsque le Roi expulsa la Compagnie de Jésus de l'ensemble de ses territoires sur toute la surface du globe.

Cette tradition de la musique guaranistique, comme on l'appelle, existe toujours au Paraguay et en Bolivie. Son évolution dans le nord de l'Argentine la rend difficilement reconnaissable même si elle nourrit aujourd'hui encore une partie du folclore de Corrientes et de Posadas. Cette tradition a sa part d'influence dans la Misa Criolla composée en 1964, à une époque où le gouvernement argentin était celui d'un pays-zombie assujetti à l'Oncle Sam alors qu'à Rome, le Concile Vatican II était en train de rendre la parole au peuple catholique en rééquilibrant au sein de l'Eglise les rôles dévolus respectivement aux laïcs et aux clercs. Cette messe classique se compose des cinq prières traditionnellement chantées : le Kyrie, le Gloria, le Credo, le Sanctus et l'Agnus Dei. On peut regretter qu'il lui manque un Pater !

Elle fut enregistrée pour la première fois par le groupe folkloriste Los Fronterizos (les frontaliers) pour les voix solistes, accompagné par plusieurs instrumentistes de grand talent qui ont fait leur chemin depuis, les compositeurs Jaime Torres au charango (une invention très probablement guaranistique) et Raúl Barboza à l'accordéon, entre autres.

Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles.


Canto Coral, à Aalst en Belgique, en 2012

Plus d'information :
Lisez la page consacrée à l'œuvre sur le site Internet de feu Ariel Ramírez
Visitez le site Internet du GCC, le Grupo de Canto Coral


(1) Voir mon article du 19 février 2010 sur la mort de Ariel Ramírez et les autres articles sur ce compositeur, en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.
(2) Le Concile Vatican II n'était pas encore achevé et les textes liturgiques définitifs traduits du latin n'étaient pas encore promulgués. C'était donc assez audacieux.
(3) Ces territoires se répartissent aujourd'hui sur une minuscule fraction du sud du Brésil, une part importante du nord de l'Uruguay et de l'Argentine, la quasi-intégralité du Paraguay et le sud de la Bolivie.
(4) Pendant la Semaine Sainte, le Mardi Saint, la Misa Criolla a été chantée dans la cathédrale de Buenos Aires en hommage au Pape, qui, sans son élection au Conclave, avait prévu d'y célébrer les fêtes de la Semaine Sainte et de la Résurrection. Mais en dehors de cet événement exceptionnel, cette œuvre trouve toujours sa place pendant l'Avent et pendant le Carême. Voir l'article de La Nación sur ce concert de musique sacrée organisé conjointement par le diocèse et le Gouvernement Portègne, qui n'a pas tardé à faire de la figure du Pape une machine à sous pour tourisme de masse dans le mauvais goût dont il est coutumier (il eût été surprenant qu'il en fût autrement). Le Secrétariat d'Etat à la Culture au niveau fédéral avait quant à lui organisé le même concert, avec le chanteur Jairo et le charanguiste Jaime Torres à Luján... avec notre Grupo de Canto Coral qui s'en vient donc chanter à Paris ! (Voir le communiqué de la Secretaria de Cultura du 28 mars 2013 avec sa superbe photo du vieux charanguiste argentin).