Rendons
à Jack Lang ce qui est à Jack Lang, la Fête de la
Musique, c'est nous qui l'avons inventée (enfin, lui surtout) en France, il y a plus
de trente ans... C'est bien une coutume, mais française cette fois-ci. Et cette année, la Maison de l'Argentine à
la Cité Internationale Universitaire de Paris la célébrera
par un concert en deux parties le vendredi 21 mai 2013 à 20h.
Première
partie : récital lyrique intitulé Parfums de l'Espagne
et de l'Amérique Latine, avec la mezzosoprano Alexandra
D'Espinoza et le pianiste Enrique Premoli, avec un hommage à
la musique espagnole et aux compositeurs argentins et plus largement
sud-américains.
Seconde
partie : récital du Grupo de Canto Coral, le GCC, placé
sous la direction du Maestro Néstor Andrenacci, qui
interprétera ce chef-d'œuvre de la musique populaire
argentine qu'est la Misa Criolla, du compositeur Ariel Ramírez
(1).
Canto Coral, dans sa composition de mai 2011 - Photo Luz Fiumara |
La
Misa Criolla est la première tentative couronnée d'un
vrai succès populaire (et international qui plus est) pour acculturer esthétiquement en Argentine le canon de la messe
catholique, alors en plein aggiornamento conciliaire. Les auteurs
travaillèrent avec l'appui des autorités
ecclésiastiques argentines et latino-américaines, dont
ils obtinrent d'utiliser l'ordinaire en espagnol (2). Cette Misa
Criolla avait pour précédent les œuvres trop oubliées
aujourd'hui qui se répandirent jusqu'à Buenos Aires
depuis les Missions (3) au XVIIème et XVIIIème
siècles, quand les jésuites (4) favorisaient le
métissage entre la musique d'Eglise baroque de l'Europe et
l'expression culturelle des Indiens guaranis qu'ils accueillaient
dans ces terres concédées par le Roi d'Espagne et où
les laïcs blancs ne pouvaient pénétrer. Jusqu'en
1767-1773, les Indiens purent y vivre libres de tous les systèmes
de servage qui sévissaient contre eux partout ailleurs dans
l'Empire espagnol. L'expérience religieuse et politique prit
fin lorsque le Roi expulsa la Compagnie de Jésus de l'ensemble
de ses territoires sur toute la surface du globe.
Cette
tradition de la musique guaranistique, comme on l'appelle, existe
toujours au Paraguay et en Bolivie. Son évolution dans le nord
de l'Argentine la rend difficilement reconnaissable même si
elle nourrit aujourd'hui encore une partie du folclore de Corrientes
et de Posadas. Cette tradition a sa part d'influence dans la Misa
Criolla composée en 1964, à une époque où
le gouvernement argentin était celui d'un pays-zombie
assujetti à l'Oncle Sam alors qu'à Rome, le Concile
Vatican II était en train de rendre la parole au peuple
catholique en rééquilibrant au sein de l'Eglise les
rôles dévolus respectivement aux laïcs et aux
clercs. Cette messe classique se compose des cinq prières
traditionnellement chantées : le Kyrie, le Gloria, le Credo,
le Sanctus et l'Agnus Dei. On peut regretter qu'il lui manque un
Pater !
Elle
fut enregistrée pour la première fois par le groupe
folkloriste Los Fronterizos (les frontaliers) pour les voix solistes,
accompagné par plusieurs instrumentistes de grand talent qui
ont fait leur chemin depuis, les compositeurs Jaime Torres au
charango (une invention très probablement guaranistique) et
Raúl Barboza à l'accordéon, entre autres.
Entrée
libre et gratuite dans la limite des places disponibles.
Canto Coral, à Aalst en Belgique, en 2012
Plus
d'information :
Connectez-vous
au site Internet de la Casa de la Argentina
Lisez
la page consacrée à l'œuvre sur le site Internet de feu Ariel Ramírez
Visitez
le site Internet du GCC, le Grupo de Canto Coral
(1)
Voir mon article du 19 février 2010 sur la mort de Ariel
Ramírez et les autres articles sur ce compositeur, en cliquant
sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search,
ci-dessus.
(2)
Le Concile Vatican II n'était pas encore achevé et les
textes liturgiques définitifs traduits du latin n'étaient
pas encore promulgués. C'était donc assez audacieux.
(3)
Ces territoires se répartissent aujourd'hui sur une minuscule
fraction du sud du Brésil, une part importante du nord de
l'Uruguay et de l'Argentine, la quasi-intégralité du
Paraguay et le sud de la Bolivie.
(4)
Pendant la Semaine Sainte, le Mardi Saint, la Misa Criolla a été
chantée dans la cathédrale de Buenos Aires en hommage
au Pape, qui, sans son élection au Conclave, avait prévu
d'y célébrer les fêtes de la Semaine Sainte et de
la Résurrection. Mais en dehors de cet événement
exceptionnel, cette œuvre trouve toujours sa place pendant l'Avent
et pendant le Carême. Voir l'article de La Nación sur ce
concert de musique sacrée organisé conjointement par le
diocèse et le Gouvernement Portègne, qui n'a pas tardé
à faire de la figure du Pape une machine à sous pour
tourisme de masse dans le mauvais goût dont il est coutumier
(il eût été surprenant qu'il en fût
autrement). Le Secrétariat d'Etat à la Culture au
niveau fédéral avait quant à lui organisé
le même concert, avec le chanteur Jairo et le charanguiste
Jaime Torres à Luján... avec notre Grupo de Canto Coral
qui s'en vient donc chanter à Paris ! (Voir le communiqué de la Secretaria de Cultura du 28 mars 2013 avec sa superbe photo du
vieux charanguiste argentin).