En el San Martín se estrenará el sábado que viene una ópera franco-argentina, según un pedido estatal de la República francesa, sobre la guerra de las Malvinas y la amistad entre Thatcher y Pinochet.
Extrait du programme du festival (page 4) Cliquez sur l'image pour lire le texte de présentation |
Il y a deux ans, à l'IRCAM, à Paris,
avait été créé cet opéra contemporain de deux Argentins vivant
en France, le musicologue et librettiste Esteban Buch et le
compositeur Sebastián Rivas, Aliados (alliés). Les deux auteurs y
questionnaient ensemble, avec acuité et lucidité, la très perverse
relation qui s'était nouée entre l'ultra-libérale Thatcher et les
marionnettes des Etats-Unis qu'étaient les dictateurs militaires
sud-américains de l'ère Reagan, alliance qui s'était contredite
avec l'absurde et sanglante guerre des Malouines en avril-mai 1982
qui avait opposé la dictature argentine et le Royaume-Uni de la Dame
de Fer.
L'œuvre avait bénéficié d'une
lecture-écoute commentée par le compositeur lui-même à la Casa de
la Argentina, à la Cité Universitaire Internationale de Paris, en
préambule à sa création mondiale au festival de l'IRCAM, comme je
l'avais annoncé ici dans mon article du 3 juin 2013. J'ai gardé un
souvenir troublant de cette présentation, sentiment qui accompagne
souvent chez moi l'évocation poignante de cette blessure profonde
pour les Argentins qu'est l'occupation britannique sur ces îles (1)
et le traumatisme national qu'a été ce conflit épouvantable et
inutile, très mal préparé par les militaires alors aux affaires.
Trouble qui était ce jour-là d'autant plus fort que quelques mois
auparavant, Margaret Thatcher était morte et avait été enterrée
toute à la fois en grande pompe côté institutions (Couronne et
gouvernement réunis) et au milieu des danses de joie dans les rues
du pays (2).
Aliados met en scène, en musique et en
abîme, deux événements contrastés, d'une part la visite
surréaliste et très mondaine d'une Thatcher vieillissante et déjà
malade à un Pinochet, retenu à Londres sous le coup de l'ordre
d'arrestation international émis depuis l'Espagne par le juge Garzón
et qu'elle osa féliciter à la face du monde d'avoir rétabli la
démocratie au Chili, et d'autre part l'acte de guerre, que les
Argentins n'ont jamais pardonné, que ce fut pour la Royal Navy que
d'envoyer par le fond le croiseur Belgrano (3), magnifique bâtiment
qui coula avec presque tout son équipage, composé d'un bon nombre
d'appelés pris en otage par la Dictature militaire dans les
entrailles du navire.
Cet opéra, qui est un spécimen de
musique savante par excellence, difficilement accessible au tout
venant, est une commande publique du Ministère de la culture de la
République française à deux artistes (qui ont probablement tous
les deux la double nationalité).
A Buenos Aires, le 31 octobre à 20h30
et le 1er novembre à 18h, il fera l'ouverture de la
prochaine semaine de musique contemporaine qui déploie ses fastes
tantôt au Teatro San Martín tantôt au Teatro Colón. Ce sera la
première de cet opéra sur le continent latino-américain.
La manifestation, qui en est à sa
dix-neuvième édition, bénéficie du soutien du Ministère des
Affaires étrangères français, par l'intermédiaire de l'Institut
Français qui regroupe toutes nos institutions culturelles, alliances
et lycées, hors de nos frontières.
Entrée : 100 $
Sala Casacuberta – Entrée principale
du théâtre sur Avenida Corrientes.
Pour aller plus loin :
et la page Facebook de la manifestation, qui présente entre autres de nombreuses photos
de Aliados en répétition.
(1) Un point d'histoire :
l'archipel des Malouines appartenait bel et bien au Vice-Royaume du
Río de la Plata lorsque la Révolution de Mai a éclaté, dans la
semaine du 18 au 25 mai 1810. Il était toujours argentin lorsque la
Grande-Bretagne a reconnu l'indépendance et la souveraineté de la
toute jeune Argentine par un vote à la Chambre des Communes en 1824.
Il abritait un détachement militaire argentin et des éleveurs de
bœufs et de moutons lorsqu'une flottille de la Royal Navy s'en ait
emparé, au canon, en 1833, alors que les deux îles principales
servaient d'indispensables escales aux navires, notamment argentins,
qui faisaient route vers Santiago du Chili et devaient doubler la
dangereuse pointe sud du continent. En 1833, la Grande-Bretagne
dominait le monde. Le droit international se résumait alors à la
loi du plus fort. C'est ainsi que les grandes puissances européennes,
Autriche, Prusse, Russie et France, légitimèrent le fait accompli
sans même y accorder une seconde de réflexion. Par la suite, tant à
la Société des Nations qu'à l'ONU, l'Argentine, pays pauvre, n'a
jamais pu faire valoir son droit. Et ce d'autant moins qu'en sa
qualité de pays neutre, elle ne faisait partie des vainqueurs ni en
1918 ni en 1945. Cela ne justifie en aucun cas cet autre coup de main
dans le sens inverse que tenta piteusement et criminellement la Junte
militaire en 1982 mais cela permet de comprendre pourquoi le peuple
argentin ne s'est jamais résigné à voir l'Union Jack flotter sur
ces îles. Et si je parle de coup de main criminel, c'est parce que
les habitants des Malouines ont souffert du fait de cette invasion
militaire, qu'ils ont eu la peur de leur vie et que la Junte a envoyé
au front des appelés de fraîche date, sans instruction militaire,
sans matériel ni armes (à part quelques vieilles pétoires et des
poignards), sans gilet pare-balle et sans tenue d'hiver, au mois
d'avril, à proximité du cercle polaire sud ! Parmi les morts
argentins de cette guerre, il y a beaucoup de jeunes gens qui sont
tout simplement morts de froid.
La situation actuelle est officiellement régie par une résolution de l'ONU qui oblige les deux parties à entamer un dialogue sur la souveraineté sur l'archipel. Néanmoins la Grande-Bretagne s'y refuse et s'y refusera d'autant plus depuis qu'il y a quelques années on a trouvé du pétrole dans les fonds marins autour des îles, la suite des gisements existants sur le continent. Qui plus est, la présence britannique à cet endroit lui donne droit à la possession d'une partie du continent antarctique. Il est donc tout à fait improbable que le Royaume-Uni accepte de discuter quoi que ce soit sur le sujet avec qui que ce soit.
La situation actuelle est officiellement régie par une résolution de l'ONU qui oblige les deux parties à entamer un dialogue sur la souveraineté sur l'archipel. Néanmoins la Grande-Bretagne s'y refuse et s'y refusera d'autant plus depuis qu'il y a quelques années on a trouvé du pétrole dans les fonds marins autour des îles, la suite des gisements existants sur le continent. Qui plus est, la présence britannique à cet endroit lui donne droit à la possession d'une partie du continent antarctique. Il est donc tout à fait improbable que le Royaume-Uni accepte de discuter quoi que ce soit sur le sujet avec qui que ce soit.
(2) Etrange réaction populaire dans
une démocratie aussi solide que celle de nos voisins britanniques :
des danses de joie à la mort d'un dirigeant élu au terme d'un
scrutin sincère et garanti par des siècles de saine pratique
parlementaire. Il faut que quelque chose de particulièrement pervers
ait vicié ce gouvernement pour que, si longtemps après, il y ait eu
encore une telle quantité de haine d'ordinaire alors qu'elle est
d'ordinaire réservée à des dictateurs sanguinaires arrivés au
pouvoir par la violence.
(3) Il se trouve qu'en août, à
Mendoza, j'ai fait la connaissance du dernier timonier du Belgrano,
un des rares rescapés de la catastrophe, qui m'a accueillie à sa
table parce que j'étais l'amie d'un ami. Grande émotion que de
rencontrer un cinquantenaire à l'hospitalité cordiale, d'une grande
discrétion de paroles et qui avait, dans sa salle à manger, deux
tableaux, face à face : une gravure en noir et blanc
représentant le navire perdu et un tableau peint à l'huile, en
couleurs, du même croiseur. Il vit avec ce souvenir et depuis
l'événement, il célèbre son anniversaire à la date du naufrage.
Toute sa vie depuis, c'est du rab !