Les instituts de sondage ne l'avaient
pas vu venir. Aucun d'entre eux. Daniel Scioli (FvP) et Mauricio
Macri (Cambiemos) arrivent presque ex-aequo à l'issue du premier
tour de l'élection présidentielle. Ils se disputeront donc le
mandat de chef d'Etat au second tour, pour la première fois de
l'histoire en Argentine. Ce second scrutin se tiendra le 22 novembre.
La volte-face programmatique de Mauricio Macri après le raz-de-marée scioliste aux PASO, il y a trois mois, aurait donc réussi : depuis ce résultat initial, Mauricio Macri joue la carte sociale en multipliant les déclarations en contradiction avec sa ligne politique antérieure et en professant une admiration improbable pour Perón (auquel il ne s'est jamais référé que pour le critiquer vertement).
Aucun des deux candidats ne s'attendait toutefois à ce résultat, cela se voit sur les visages qu'ils montraient cette nuit : exultation
débridée sur celui de Macri et déconfiture difficile à occulter
sur celui de Scioli, dont la politique vient d'être désavouée d'une façon plutôt humiliante dans
la Province de Buenos Aires dont il est le gouverneur depuis huit
ans (après avoir été le vice-président de Néstor Kirchner). C'est en effet la candidate et dauphine de Mauricio Macri (néo-libéral),
María Eugenia Vidal, qui, le 10 décembre prochain, deviendra gouverneure avec 39,72% des voix
(la constitution provinciale donne le gouvernorat au candidat qui
arrive en tête). Le taux de participation a été d'un peu plus de
70% (1). Cela faisait 28 ans que le péronisme dirigeait la Province
de Buenos Aires, c'est donc un vrai coup de tonnerre dans le paysage
politique argentin.
Quant aux élections législatives, au
niveau national, l'actuelle majorité, Frente para la Victoria (FpV),
devient le premier bloc d'opposition à la Chambre des Députés
(dépassée par les candidats de Cambiemos) et se maintient au Sénat.
Sur les 11 Provinces qui choisissaient
leur gouverneur ce dimanche, quatre candidats sont élus dès le premier tour :
Vidal (Cambiemos) à La Plata comme on vient de le voir, Morales
(UCR) à Jujuy, Alicia Kirchner (FvP) (2) à Santa Cruz (3), Das
Neves à Chubut (4) et Bodert (FvP) à Entre Ríos. Soit deux
gouverneurs pour l'actuelle majorité et trois pour divers blocs de l'opposition, à l'issu de ce premier tour. Sensiblement les mêmes
résultats contrastés que lors des élections anticipées de cet
hiver dans d'autres Provinces (y compris la Ville Autonome de Buenos
Aires qui reste acquise aux néo-libéraux).
Seul ou au sein d'alliances électorales
locales, le FvP arrive en tête des élections dans les Provinces de
Formosa, Misiones, Catamarca, La Pampa et San Juan. Mais c'est un
opposant qui part favori au second tour à San Luis (centre du pays).
Autre enseignement de ce premier tour : le prochain mandat pourrait voir une handicapée en fauteuil roulant accéder à la vice-présidence de la Nation, Gabriela Michetti (Cambiemos) ! Et ce n'est pas tout à fait un petit détail.
D'ici le 22 novembre, les équilibres
peuvent encore changer, dans un sens comme dans l'autre. Cela s'est vu à de nombreuses reprises en
Argentine. Et il se trouve que Macri a beaucoup de charisme et d'élégance physique, il est beau et il porte beau. Scioli est moins bien doté sur ce plan de l'apparence, si importante à l'ère de la télévision et d'Internet.
D'un autre côté, ce qui est vraiment nouveau dans le paysage politique argentin, c'est la quasi-absence d'écart entre les qualifiés du second tour, en particulier au niveau le plus emblématique : l'élection à la tête de l'Etat. Et tout le monde va sans doute se montrer très prudent côté sondages !
D'un autre côté, ce qui est vraiment nouveau dans le paysage politique argentin, c'est la quasi-absence d'écart entre les qualifiés du second tour, en particulier au niveau le plus emblématique : l'élection à la tête de l'Etat. Et tout le monde va sans doute se montrer très prudent côté sondages !
Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarín
Bien évidemment, je ne vous donne ici
que les articles de une. Il m'est impossible d'être exhaustive sur
l'ensemble des articles intéressants ou pertinents eu égard à la
place que prennent ces résultats dans la presse de ce matin,
nationale et régionale.
(1) Il devrait être de 100% puisqu'en
Argentine le vote est officiellement obligatoire. Mais contrairement
à ce qui se passe en Belgique par exemple où l'obligation du vote
est respectée, il n'est pas appliqué de sanction aux électeurs qui
désertent leur devoir.
(2) Alicia Kirchner est la sœur de
Néstor Kirchner et donc la belle-sœur de l'actuelle présidente.
Elle est aussi l'actuelle ministre des affaires sociales. Elle est
sur le coup d'une enquête judiciaire pour abus d'argent public dans
la Province de Chaco, à l'autre bout du pays, où l'argent des
projets sociaux en appui aux populations défavorisées aurait été
utilisé pour payer des frais de campagne électorale du FpV. Son
neveu, Máximo Kirchner, marié et père de famille, a été élu
député national pour représenter sa Province natale, alors qu'il
était arrivé second derrière un candidat d'opposition, aux élections primaires, les PASO, cet hiver.
(3) La Province de Santa Cruz est
l'ancien fief de Néstor Kirchner, qui l'avait gouvernée avant
d'être élu Président de la Nation en 2003. C'est là qu'il est
enterré. C'est une province importante par sa situation géostratégique (très proche du Chili) et sa réalité géologique : c'est l'une des provinces pétrolières de l'Argentine. C'est là que la famille Kirchner a depuis longtemps ses racines et que
Cristina Kirchner a elle aussi construit son histoire. Elle y avait
suivi son mari peu de temps après leur rencontre, après le coup
d'Etat de 1976. Pour un jeune couple d'avocats péronistes, la
Patagonie était un peu plus sûre que la ville de La Plata où ils
avaient fait leurs études de droit et où il y eut beaucoup de
victimes de la répression.
(4) Mario Das Neves est un péroniste
de l'opposition à l'actuelle majorité.