Hier, la première chambre
pénale de la Cour de Cassation fédérale a choisi de faire droit à la demande
de la DAIA (association parapluie de toutes les associations représentatives de la communauté juive nationale) de rouvrir un dossier pourtant définitivement clos, puisque la
cause avait déjà passé toutes les étapes de la procédure en
étant à chaque fois rejetée pour défaut de fait répréhensible :
l'imputation de Cristina Kirchner par feu le procureur Alberto Nisman
pour entrave à la justice constituée par sa tentative de conclure un accord
d'échanges de procédures judiciaires avec l'Iran, suspecté d'abriter
les commanditaires de l'attentat à la voiture piégée contre
la AMIA, le 18 juillet 1994 (85 morts et plus de 300 blessés).
Or cette négociation avec l'Iran, qui n'a jamais fait retiré les ordres de capture internationale transmis à Interpol contre les commanditaires potentiels, est restée sans effet puisque l'Iran n'a jamais ratifié aucun accord. En revanche, du côté argentin, le Congrès a examiné le projet d'accord et l'a ratifié, ce qui rend encore plus ubuesque une inculpation pénale de la chef d'Etat. Depuis l'accord ratifié a été déclaré inconstitutionnel par la Cour Suprême fédérale, ce qui en aucun cas ne peut constituer un motif d'inculpation contre qui que ce soit.
C'est un gros coup de
tonnerre car il y a deux principes intangibles dans l'Etat de droit :
- On ne juge pas deux fois les mêmes faits dès lors que tous les recours et délais légaux sont épuisés. ; on ne revient pas sur la chose jugée.
- La loi n'est pas rétroactive. Les actes doivent être jugés à la lumière de la loi qui était en vigueur au moment où ils ont été commis. Or au moment de la négociation, il n'existait en droit argentin aucune possibilité de jugement par contumace en Argentine et pour juger les commanditaires, il fallait donc pouvoir aller les auditionner en Iran si l'Iran ne voulait pas les livrer (et l'Iran ne les a jamais extradés). La possibilité de juger par contumace a été proposée récemment au Congrès, au cours de cette première année du mandat de Mauricio Macri, sans doute pour remédier à cette difficulté...
La Nación réserve la photo de une à la nouvelle équipe des ministres de l'Economie voir mon article sur le départ du ministre Prat-Gay (le physique de Macron, mais les idées nettement plus à droite) Cliquez sur l'image pour obtenir une haute résolution |
Il y a fort à parier qu'il va y avoir du sport dans le monde
judiciaire argentin dans les jours ou les semaines qui viennent, une fois passée le réveillon de la Saint Sylvestre, et peut-être quelques démissions de juges qui voudront protester (les juges qui démissionnent se reconvertissent ipso facto
en avocat, donc leur démission n'a pas le poids qu'elle aurait dans
un pays comme la France où la reconversion d'un magistrat prend
beaucoup plus de temps).
Le tribunal a fait savoir
tôt dans l'après-midi que les juges travaillaient à la rédaction
de l'arrêt. On a donc compris à ce moment-là que la Cour de
Cassation fédérale rouvrait l'affaire. Dans le cas contraire, elle
n'aurait pas eu besoin de longues heures entre ce premier communiqué
et la publication (tard hier heure de Paris) du jugement, qui fait
249 pages intégralement publiées sur le site Internet du Centre
d'Information Judiciaire (CIJ). La Cour a logiquement décidé
d'écarter du dossier les juges qui l'ont déjà eu à en connaître
mais la presse prend cette décision comme une sanction, notamment
contre le juge Daniel Rafecas, que la droite soupçonne d'être
favorable à Cristina (ce qui ne saute pourtant pas aux yeux). En
tout cas, dès l'annonce de la réactivation du dossier, le
gouvernement n'a pas caché sa joie, ce qui vient au regard de la gauche renforcer le soupçon d'une justice aux ordres, qui changerait d'avis en
fonction du gouvernement en place.
Même politique sur Clarín La photo de une est réservée à un problème social à Buenos Aires avec des rues à nouveau immondes dans la chaleur de l'été Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Dans la même semaine,
Cristina Kirchner a été inculpée de corruption et ses biens ont été mis sous embargo à hauteur de 10.000 millions de pesos (1) (pour éviter leur aliénation et sa fuite), dans l'affaire
Lázaro Báez, un promoteur auquel la famille Kirchner a été liée
sur le plan économique et sa partisane, Milagro Sala, la dirigeante
du mouvement social et révolutionnaire Tupac Amaru, a elle aussi été
condamnée à trois ans de prison avec surpris et une forte amende de près de 4.000 $ ARG pour une première série de chefs d'inculpation par la
justice provinciale de Jujuy (une condamnation qui couvre
l'intégralité de ce qu'il reste à courir du mandat de l'actuel
gouverneur).
C'est donc une cataracte
d'affaires judiciaires qui tombe sur le camp kirchneriste, qui garde
un rôle central dans l'opposition nationale.
Pour en savoir plus sur la
réouverture de l'affaire Nisman-Kirchner
Je vous donne ici les
liens vers les articles d'hier mais vous pouvez accéder aux journaux
et voir sur leurs sites les éditions d'aujourd'hui. Elles sont tout
aussi édifiantes.
lire l'article de Página/12 (la rédaction était scandalisée, comme on peut l'imaginer, elle l'est toujours aujourd'hui comme en témoigne la une du journal)
consulter le schéma synthétique que La Nación a publié hier pour représenter l'embrouillamini des allers et retours du dossier entre les différents niveaux de
juridiction depuis près de trois ans
lire l'article de Clarín
lire le communiqué du CIJ
qui propose l'intégralité de l'arrêt en format pdf téléchargeable
Pour en savoir plus sur
l'inculpation de Cristina Kirchner, qui tombe entre les deux fêtes
de fin d'année (2) :
lire l'article de Clarín
sur la cascade judiciaire qui tombe sur l'ancienne chef d'Etat (la rédaction se frotte les mains)
lire le communiqué du CIJ
de mercredi dernier (avec l'intégralité de l'acte d'inculpation
contre Cristina et quelques autres co-inculpés, dont plusieurs
ministres)
Pour en savoir plus sur la
condamnation de Milagro Sala, qui reste en prison préventive dans le
cadre d'autres affaires :
lire l'article de Página/12 (qui la soutient sans l'ombre d'une hésitation)
lire l'article de Clarín
aujourd'hui sur l'amende qui a été infligée en plus de la peine de
prison avec sursis.
(1) Cela fait beaucoup d'argent pour quelqu'un qui ne se serait pas enrichi pendant ses mandats et ceux de son défunt mari...
(2) Il est tout à fait
possible que ce soit volontaire, pour éviter l'organisation de trop
grosses manifestations, notamment à Buenos Aires, vidée d'une
partie de ses habitants de la classe moyenne partis en vacances, à
la mer, à la montagne ou à la campagne)