jeudi 29 mars 2018

Página/12 explose sa une sur le prix de l'énergie [Actu]

Página/12 a choisi l'augmentation du gaz pour son gros titre
"Le gaz explose", peut-on traduire en bon français

Une nouvelle fois, en cette rentrée, le gouvernement a annoncé, pour lundi prochain, qui n'est pas férié en Argentine, une augmentation des prix pour l'énergie (gaz, électricité, carburant). Environ 32% en moyenne, comme le présentent les journaux qui appuient la majorité (Clarín, La Nación, La Prensa) tandis que Página/12, dans l'opposition, préfère mettre en valeur le prix du gaz, qui augmente de 40%. Página/12, qui ne manque (presque) jamais d'humour, a déstructuré sa une pour l'occasion !

Clarín a choisi de faire son gros titre sur la baisse de la pauvreté
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Puisque les prix sont fixés avec une marge d'adaptation pour les provinces, la montée des prix dans le Gran Buenos Aires serait, d'après les calculs de Página/12, de 110% sur les douze derniers mois et de plus de 1000% (mille pour cent) pour les deux ans du présent gouvernement. Cette inflation des tarifs est due à la disparition des subventions très importantes établies par la majorité précédente, qui entraînaient de leur côté une surconsommation et un gâchis stupéfiants pour des Européens : la lumière allumée dans des pièces vides, des illuminations publicitaires gigantesques avec la pollution lumineuse qu'elles impliquent, la bouilloire mise et remise sur le feu toute la journée au lieu d'utiliser une bouteille thermos une fois pour toutes, la fuite d'eau permanente dans la salle de bain ou dans les toilettes sans même qu'on songe à appeler le plombier, même dans une province sous stress hydrique comme Mendoza, et j'en passe.
Cette nouvelle arrive alors que l'Argentine entre dans le long week-end de Semaine Sainte, où beaucoup de gens se déplacent dans tous le pays pour des grandes réunions familiales ou des vacances dépaysantes. C'est l'un des ministres qui a pris en charge la communication sur le sujet.

Collaborateur debout : L'Indec me dit "La pauvreté a baissé". Cela s'arrose !
Macri (assis) : Qu'on dise à Aranguren [le ministre de l'économie qui s'est coltiné l'annonce sur les énergies]
d'augmenter un truc.
Traduction © Denise Anne Clavilier
Dessin de Paz et Rudy à la une de Página/12 ce matin

En même temps que paraît cette nouvelle vague d'augmentation qui n'a rien d'un poisson d'avril, le Président Mauricio Macri, qui sur ce point a pris pour lui toute la lumière, se réjouit d'une baisse considérable de la pauvreté dans le pays (1), selon les chiffres publiés par l'INDEC (2) : elle ne constituerait plus que 25,7 % du total de la population, au cours du second semestre 2017 (contre plus de 30% il y a environ 6 mois). Des chiffres que Página/12 conteste et que personnellement, j'ai un peu de mal à croire dans le contexte actuel (je m'en ferai une meilleure idée sur place, au mois d'août).

Même choix à la rédaction de La Nación
avec les bouchons des départs en week-end pour la photo
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Depuis hier, Página/12 privilégie les articles qui démontrent la baisse de l'emploi dans tout le pays, la crise de la grande coopérative laitière SanCor, qui va sans doute passer sous la coupe d'un groupe capitaliste, le plan de dégraissage de la fonction publique que le journal estime déguisée sous un plan de départs volontaires, l'ouverture des frontières à l'importation de pommes de terre alors que les producteurs sont en train de ramasser leurs tubercules d'automnes et vont donc avoir des difficultés à écouler la production nationale...


La Prensa a choisi de montrer la brochette gouvernementale
qui a fait l'annonce hier, à Olivos, autour du président

Pour en savoir plus :
sur l'augmentation des tarifs des énergies
sur l'indice de pauvreté qui montrerait les bons résultats de la politique actuelle
sur le marché du travail et l'activité économique
lire l'article de Página/12 sur une manifestation des salariés du secteur coopératif qui disent leur défiance envers le président (dont la politique est très hostile au modèle coopératif, qui porte pourtant en Argentine la plupart des projets alternatifs qui remettent au travail les populations les plus fragiles et les plus éloignées du marché de l'emploi diplômé)
lire l'article de Página/12 sur la destruction de l'emploi dans les entreprises industrielles argentines (du fait de la politique néolibérale de l'actuelle majorité)
lire l'article de La Nación sur les manifestations contre la baisse ou l'abandon de plusieurs dispositifs sociaux
lire l'article de La Nación sur le dynamisme du secteur automobile en Argentine (qui n'existe qu'avec des investissements étrangers et des marques européennes, japonaises et étasuniennes) et du secteur de la construction
sur la nouvelle bavure de la gendarmerie contre un jeune, blessé par balle à l'épaule par derrière, pour ne pas avoir obtempéré à un ordre d'arrêter son véhicule pour une vérification de papiers (Página/12 a mis l'incident en une, dans une manchette)
lire l'article de La Prensa

Ajouts du 30 mars 2018 :
lire cet article de La Nación où un professeur de la UCA nuance les affirmations tonitruantes du gouvernement, en révélant que les personnes qui sont sorties de la pauvreté appartenaient en fait au bas des classes moyennes
lire cet article de Clarín dans lequel l'archevêque de Córdoba, Mgr Ñáñez, rabat quelque peu le caquet triomphaliste du président



(1) Les enquêtes récentes de l'observatoire de la pauvreté de la UCA, Université Catholique Argentine, disaient l'inverse.
(2) Institut national de statistiques et de recensement, placé sous l'autorité directe du gouvernement. Il n'y a que fort peu d'autonomie en Argentine dans ce type d'institution technique financée sur les deniers publics. En Argentine et en Amérique du Sud en général, on confond encore l'Etat et la majorité. La majorité s'approprie les moyens de l'Etat et en fait des moyens partisans.