mercredi 27 juin 2018

Les licenciements FMI commencent dans le secteur public [Actu]

Le personnel gréviste de Télam devant l'un des sièges de l'agence, rue Bolívar (Monserrat)
Il fait froid (pour la sensibilité portègne) et cela se voit aux vêtements
mais ils sont sortis pour bloquer la circulation dans cette rue de taille modeste
Rien à voir avec les 140 m de largeur de Avenida 9 de Julio dont je vous parlais hier.

Profitant de la victoire de l'équipe nationale à Saint-Pétersbourg, le ministère des Contenus et Média publics (Hernán Lombardi) vient de mettre en œuvre et accessoirement d'annoncer une mesure collective de licenciement au sein de l'agence de presse nationale Télam : 354 salariés viennent de perdre leur travail du jour au lendemain, avertis par un simple télégramme, comme d'habitude depuis que ce gouvernement a pris les commandes du pays.

Devant l'autre bâtiment de Télam.
Le personnel a installé une photo gigantesque de Lombardi, avec son visage le moins avenant
frappé du mot "videur" (au sens tueur, en vocabulaire social français)
Photo Infonews

Le télégramme standard et légal dit à l'intéressé qu'il cesse de faire partie des effectifs à partir de ce jour (día de la fecha), que son dernier salaire, ses indemnités et ses papiers de fin de contrat l'attendent à tel endroit. Et c'est tout.

Les explications relèvent d'une violence patronale, elle aussi hélas habituelle partout sur la planète : les salariés remerciés n'auraient pas eu le profil. Pourtant, ils travaillent pour Télam depuis plusieurs années.

De l'autre côté, toujours pour exercer cette violence qui sème la terreur parmi les salariés et les divisent, ceux qui échappent au licenciement ont reçu un mail qui leur dit : « Toi, tu fais partie de la nouvelle Télam. Nous avons confiance en toi pour construire une agence professionnelle, pluraliste, démocratique et fédérale, capable de produire des contenus informatifs fiables, de façon à ce que nous puissions fournir à l'industrie (sic) journalistique fondée sur le développement des nouvelles technologies.
Pour ces raisons, nous attendons que tu continues à livrer ta contribution pour que Télam trouve sa place non seulement sur le marché national mais aussi sur le marché international.
Le directoire de Télam ».
Le message ne contient ni formule d'appel (comme « cher journaliste » ou « cher collaborateur »ni formule de politesse finale).

Autre manifestation, aujourd'hui cette fois, sur Plaza de Mayo,
devant la grille qui sépare maintenant la place en deux
et protège la Casa Rosada d'une trop grande proximité des manifestants quels qu'ils soient
Les salariés brandissent la même photo du ministre "videur"
Photo Página/12

De surcroît, le communiqué officiel de l'agence s'intitule « Télam a un avenir », comme si se séparer de 354 personnes était une broutille. Une gifle magistrale lancée au visage des licenciés, juste pour le plaisir de les maltraiter en plus de les mettre à la porte. C'est odieux !

Et le stratagème a parfaitement bien marché. Seul Página/12 a relayé l'information, en deux articles, dont un éditorial. La Prensa se contente d'un très rapide entrefilet. Comme s'ils n'étaient pas concernés. Ils sont pourtant clients ! Clarín et La Nación n'avaient rien à dire sur le sujet, ce matin, lorsqu'ils ont bouclé leur édition papier.

Le ministre, Hernán Lombardi, s'est par ailleurs félicité du fait que les antennes provinciales de Radio Nacional, qui dépendent aussi de lui, n'aient plus de programmation propre ou en aient beaucoup moins et se contentent désormais de relayer localement les émissions produites à Buenos Aires, dans un seul bâtiment (les installations et les personnels de la rue Maipú ont déménagé rue Pacheco, alors qu'il y a quelques années encore des travaux importants avaient été effectués pour moderniser plusieurs studios de Maipú, notamment celui de RAE où j'ai enregistré de nombreuses interviews et qui n'a plus de programmation propre depuis la prise de fonction de l'équipe Macri).

Tout cela est lamentable de la part d'un gouvernement qui se vantait de remettre l'économie argentine en bon ordre. Résultat : tout se qui marchait a disparu et le pays retombe dans les griffes du FMI.

Une partie de l'agence s'est mise en grève aujourd'hui.

Pour en savoir plus :
lire l'article de La Nación (site Internet)
La Nación se contente dans sa version papier d'un article sur un sujet annexe : les aveux du Premier ministre qui annonce l'arrivée de mois de récession (ce n'est pas un scoop !)

Ajout du 28 juin 2018 :
lire l'article de Página/12 sur la réaction de la Commission de la liberté d'expression à la Chambre des Députés qui souhaite entendre Hernán Lombardi (les licenciés votent tous dans l'opposition - en général, c'est le motif de licenciement dans le secteur public depuis décembre 2015... Service public dans lequel il était difficile d'entrer sous le mandat précédent si on n'était pas kirchnériste ou allié de Cristina)

Ajouts du 3 juillet 2018 :
lire l'article de Página/12 sur la conférence de presse tenue par le personnel de Télam qui tâche de s'organiser, salariés licenciés et salariés maintenus en poste, pour garder du goût et du sens à leur travail et préserver l'agence de l'arbitraire gouvernemental
lire cet éditorial de La Prensa, peu aimable pour Télam mais très intéressant pour les chiffres qu'il donne (et qui montrent qu'il y avait d'autres solutions que le licenciement de plus d'un tiers des effectifs).