dimanche 6 décembre 2020

Trois jours de deuil national en Uruguay [Actu]

Une belle photo ! et si typiquement uruguayenne !
Tan oriental...

Aujourd’hui, l’Uruguay dit adieu à son premier président de gauche. La mort de Tabaré Vázquez, à 3h cette nuit (heure uruguayenne), n’est pas du tout une surprise : la famille avait annoncé il y a une dizaine de jours que sa santé s’était brutalement dégradée et que le cancer dont il souffrait avait méchamment métastasé. Le 15 novembre, il avait enregistré sa dernière interview, diffusée seulement il y a quelques jours, à travers laquelle tout le monde avait pu comprendre la gravité de la situation dont il était parfaitement conscient.

La très belle photo choisie par son fils, Alvaro Vázquez Delgado,
pour annoncer la mort de son père très tôt ce matin sur Twitter

Les quotidiens avaient déjà bouclé leurs éditions papier lorsque la nouvelle a été connue. Les unes ne reflètent donc pas cette actualité mais ni le dimanche ni la proximité de la solennité mariale de mardi n’empêchent les rédactions d’être actives sur la toile : tous les journaux uruguayens se sont remplis au fil des heures d’articles nécrologiques et de messages des personnalités et des chefs d’État qui affluent vers Montevideo. Les journaux argentins sont moins réactifs, y compris Página/12 pour laquelle Vázquez était une des grandes figures politiques du continent (tout le monde est en long week-end en Argentine).

Tabará Vázquez sur les gradins d'un stade.
Il venait d'une famille ouvrière et n'avait pas oublié ses racines populaires

Comme l’épidémie de covid-19 frappe fortement le pays, qui s’était tiré à moindre frais de la première vague, la famille a décidé de ne pas faire la moindre veillée. Un cortège réduit devait se former à 13h, sur le parvis de la mairie de Montevideo (dont Vázquez fut le maire), pour emporter le corps jusqu’à sa dernière demeure et les Uruguayens étaient invités à y assister au mieux sur le trottoir sans créer d'attroupement ou, faute d'habiter le long du parcours, de leur salon, à travers le direct que les chaînes de télévision ont retransmis. Le cortège s'est rendu au cimetière de La Teja où l’inhumation s'est tenu dans la plus stricte intimité, comme il convient dans les circonstances sanitaires présentes.

Demain, les journaux feront leur une sur le disparu, qui aura brisé le plafond de verre qui avait empêché depuis l’indépendance à une formation de gauche de prendre les rênes du pays. Tabaré Vázquez aura été président à deux reprises, de 2005 à 2010 puis en 2015 jusqu’à la fin février de cette année lorsqu’il a transmis le pouvoir au champion de la droite, Luis Lacalle Pou, qui a tenu à aller s’incliner devant le cercueil à midi.

Un message d'une famille d'origine grecque
"Bon voyage, président. Pour toujours, Tabaré"

Même élu à la tête du pays, il n’avait pas renoncé à exercer son métier de médecin, qu’il considérait comme une seule et même vocation avec l’engagement politique : s’occuper des gens. C’était un éminent oncologue qui s’était notamment formé à Gustave Roussy, à Paris. Souriant, affable, fraternel, calme et d’une honnêteté qui dénote dans le paysage politique sud-américain où la relation à l’argent est généralement assez malsaine, c’était aussi un fervent catholique qui avait tenu à confesser sa foi et à manifester ses convictions après le premier vote de dépénalisation de l’avortement par le parlement en Uruguay, ce qui obligea son successeur, Pepe Mujica, à relancer le débat quelques années plus tard, alors que l’idée avait fait son chemin.

Le cortège funéraire avec beaucoup de drapeaux du Frente Amplio
aux couleurs choisies par le héros révolutionnaire et indépendantiste Artigas
Sur cette photo, on ne voit pas de drapeau national

Tabaré Vázquez aurait eu quatre-vingts ans le 17 janvier prochain.

Avec beaucoup de dignité, le président en fonction a décrété un deuil national jusqu’à mardi prochain. Les deux communiqués successifs de ses services insistent sur le fait qu’il s’agit pour « tout le pays » d’honorer la mémoire d’un « président de tous les Uruguayens ». En Uruguay, à droite, il reste encore en effet une tentation de rejeter le défunt pour des raisons bêtement et bassement partisanes et idéologiques comme l’ont montré certains commentaires en ligne, assez hideux, à sa si digne dernière interview télévisée.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :
dans la presse uruguayenne
lire l’article principal de El País
lire l’article principal de La República (qui a annoncé le décès en publiant le communiqué officiel du Frente Amplio)
sur le site Internet de la Présidence uruguayenne
lire le communiqué sur les trois jours de deuil national
lire le communiqué sur les propos de Luis Lacalle Pou au sortir du domicile des Vázquez