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Página/12 se paye la tête du président "Un fantôme parcourt l'Europe", dit le gros titre Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Depuis hier, on
ne compte plus les
Argentins qui ont honte de leur président. Hier,
en effet, celui-ci a
délivré
son premier discours à l’étranger, au Forum de Davos, devant une
assistance, relativement clairsemée, eu égard à la nouveauté
pittoresque que représente le bonhomme.
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"J'ai écouté le discours du président à Davos Un message réactionnaire fondé sur des mensonges et des actes de foi qui appartiennent aux années 1930. Je dois être collectiviste, socialiste, communiste, gauchiste de merde ou tout ce que vous voulez; Mais le libéralisme est très éloigné de son délire fanatique. Traduction @ Denise Anne Clavilier Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Javier Mileí avait choisi ce
somptuaire paradis helvétique pour donner au monde la preuve
éclatante de trois de ses pires défauts : la paresse,
l’irrationalité et l’arrogance.
La paresse parce qu’il n’a
pas écrit ni même fait écrire un discours original pour ce premier
événement international auquel il avait l’honneur de participer.
Il s’est contenté de répéter mot pour mot une conférence d’une
quinzaine de minutes qu’il avait donnée en août 2018 à San
Nicolás, vieille ville de villégiature patricienne fondée sous le
régime colonial, où, tous les hivers, se tient une rencontre
culturelle autour d’un conférencier invité. Cette année-là,
Javier Mileí était
encore cet économiste de
pacotille qui faisait le pitre sur les plateaux télé en balançant
des théories délirantes et libertaires pour
plaider en faveur d’un
capitalisme sauvage, libéré de toutes règles.
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"Le socialisme, un danger global", dit le gros titre En-dessous, la manifestation en faveur de la libération de Kfir Bibas, enlevé en Israël avec ses parents et son frère aîné le 7 octobre dernier "Rendez-nous Kfir !" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
L’irrationalité parce que le
discours était constitué d’une suite sans queue ni tête de
propos outranciers, prophétisant
le déclin de l’Occident condamné par le développement des
théories communistes, climatiques et féministes qui rongeraient
l’ensemble de nos
démocraties ainsi que
l’univers du business. Ces
catalinaires anachroniques, aussi
confuses que furieuses,
ont provoqué quelques rires dans la
salle où se trouvait une
partie de l’élite des décideurs économiques et
des dirigeants politiques
du monde entier.
Quant à l’arrogance, elle est
assez évidente : quand on est président depuis un mois d’un
pays connu pour ses sempiternelles catastrophes économiques et que
l’on n’a derrière soi
que deux ans d’expérience politique, on s’abstient
de donner ainsi une leçon
à tous les grands patrons et à
des chefs d’État et de
gouvernement blanchis sous le harnais.
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"Mileí a porté à Davos son discours libertaire et le FMI l'a assuré de son soutien à son plan de rigueur", dit le second titre sous la photo Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Mileí n’a pu rencontrer que
peu de ses homologues, dont il semble qu’un certain
nombre ait délibérément fui sa compagnie, parmi lesquels les
journalistes argentins citent le président du gouvernement espagnol
(un socialiste dont la politique était délibérément visée par le
discours incendiaire du frappadingue austral) et le président de la
République française, lui qui autrefois
ne ménageait aucun effort pour
pouvoir rencontrer
Alberto Fernández.
Le nouveau président argentin,
flanqué comme toujours de son omniprésente frangine, a toutefois
rencontré le ministre des Affaires étrangères britannique auquel
il assure avoir parlé des Malouines alors que son interlocuteur le
nie, ainsi que la reine Máxima des Pays-Bas, qui est argentine de
naissance et qui tient à Davos son rôle de représentante de l’ONU
pour l’encouragement aux politiques de redistribution des
richesses, un rôle
qu’elle assume tous les ans dans ce rendez-vous mondano-économique
des Alpes suisses. L’un des diplomates qui accompagnaient la reine
s’est confié à Luisa Corradini, la correspondante à Paris de La
Nación et son envoyée
spéciale à Davos :
« Ahora
estoy empezando a comprender, reflexionó un diplomático holandés
con circunspección. El enemigo del presidente Milei no es el
comunismo, que tal vez sería perfectamente comprensible. Somos todos
aquellos que defendemos algún modo de regulación de las
brutalidades del mercado. Todos, moderados o no, deberíamos ir al
infierno con los ‘nazis, los fascistas y la extrema izquierda’…
¡Nunca escuché nada igual! Será interesante saber si tiene razón »
(La
Nación,
18 janvier 2024)
« Bon,
je commence à comprendre, a déclaré un diplomate hollandais avec
prudence. L’ennemi du président Mileí, ce n’est pas le
communisme, ce qui serait peut-être parfaitement compréhensible.
[Son ennemi], c’est nous, tous ceux qui défendent quelque
moyen que ce soit
de
réguler
les brutalités du marché. Nous
tous,
modérés ou non, qui devrions nous retrouver en enfer avec les
« nazis, les fascistes et l’extrême-droite »… Je
n’ai jamais rien entendu de pareil ! On aimerait bien voir
s’il a raison » Traduction © Denise Anne Clavilier
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"Mileí a surpris à Davos avec son avertissement violent sur "l'avancée du socialisme", dit le gros titre Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Ce
discours qui dénonçait
pêle-mêle tout et n’importe quoi, assaisonné
de
grandes affirmations péremptoires sur la place de leader économique
mondial
dont aurait joui l’Argentine avant que la gauche arrive au pouvoir
(en 1916) – un mensonge historique que Mileí assène à tous les
coins de phrase, à la manière de Trump et de Poutine – a
déclenché des critiques féroces de presque tout le spectre
politique argentin. Même Pablo Avelluto, l’ancien ministre de la
Culture de Mauricio Macri, lui-même
repenti
du macrisme qui
a renié son anti-kirchneriste qu’il traite maintenant de fanatisme
idéologique, s’est fendu d’un tweet cinglant !
Mileí
n’ayant ni le charisme vénéneux de Trump ni son apparence de
réussite économique à la tête d’un empire capitaliste, il est
possible qu’il ne se relève pas des rigolades qu’il aura
provoquées dans le monde pourtant si réservé de la diplomatie des
pays dits développés.
©
Denise Anne Clavilier
Pour
aller plus loin :