Página/12 se paye la tête du président "Un fantôme parcourt l'Europe", dit le gros titre Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Depuis hier, on
ne compte plus les
Argentins qui ont honte de leur président. Hier,
en effet, celui-ci a
délivré
son premier discours à l’étranger, au Forum de Davos, devant une
assistance, relativement clairsemée, eu égard à la nouveauté
pittoresque que représente le bonhomme.
Javier Mileí avait choisi ce somptuaire paradis helvétique pour donner au monde la preuve éclatante de trois de ses pires défauts : la paresse, l’irrationalité et l’arrogance.
La paresse parce qu’il n’a
pas écrit ni même fait écrire un discours original pour ce premier
événement international auquel il avait l’honneur de participer.
Il s’est contenté de répéter mot pour mot une conférence d’une
quinzaine de minutes qu’il avait donnée en août 2018 à San
Nicolás, vieille ville de villégiature patricienne fondée sous le
régime colonial, où, tous les hivers, se tient une rencontre
culturelle autour d’un conférencier invité. Cette année-là,
Javier Mileí était
encore cet économiste de
pacotille qui faisait le pitre sur les plateaux télé en balançant
des théories délirantes et libertaires pour
plaider en faveur d’un
capitalisme sauvage, libéré de toutes règles.
L’irrationalité parce que le discours était constitué d’une suite sans queue ni tête de propos outranciers, prophétisant le déclin de l’Occident condamné par le développement des théories communistes, climatiques et féministes qui rongeraient l’ensemble de nos démocraties ainsi que l’univers du business. Ces catalinaires anachroniques, aussi confuses que furieuses, ont provoqué quelques rires dans la salle où se trouvait une partie de l’élite des décideurs économiques et des dirigeants politiques du monde entier.
Quant à l’arrogance, elle est
assez évidente : quand on est président depuis un mois d’un
pays connu pour ses sempiternelles catastrophes économiques et que
l’on n’a derrière soi
que deux ans d’expérience politique, on s’abstient
de donner ainsi une leçon
à tous les grands patrons et à
des chefs d’État et de
gouvernement blanchis sous le harnais.
"Mileí a porté à Davos son discours libertaire et le FMI l'a assuré de son soutien à son plan de rigueur", dit le second titre sous la photo Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Mileí n’a pu rencontrer que peu de ses homologues, dont il semble qu’un certain nombre ait délibérément fui sa compagnie, parmi lesquels les journalistes argentins citent le président du gouvernement espagnol (un socialiste dont la politique était délibérément visée par le discours incendiaire du frappadingue austral) et le président de la République française, lui qui autrefois ne ménageait aucun effort pour pouvoir rencontrer Alberto Fernández.
Le nouveau président argentin, flanqué comme toujours de son omniprésente frangine, a toutefois rencontré le ministre des Affaires étrangères britannique auquel il assure avoir parlé des Malouines alors que son interlocuteur le nie, ainsi que la reine Máxima des Pays-Bas, qui est argentine de naissance et qui tient à Davos son rôle de représentante de l’ONU pour l’encouragement aux politiques de redistribution des richesses, un rôle qu’elle assume tous les ans dans ce rendez-vous mondano-économique des Alpes suisses. L’un des diplomates qui accompagnaient la reine s’est confié à Luisa Corradini, la correspondante à Paris de La Nación et son envoyée spéciale à Davos :
« Ahora estoy empezando a comprender, reflexionó un diplomático holandés con circunspección. El enemigo del presidente Milei no es el comunismo, que tal vez sería perfectamente comprensible. Somos todos aquellos que defendemos algún modo de regulación de las brutalidades del mercado. Todos, moderados o no, deberíamos ir al infierno con los ‘nazis, los fascistas y la extrema izquierda’… ¡Nunca escuché nada igual! Será interesante saber si tiene razón » (La Nación, 18 janvier 2024)
« Bon, je commence à comprendre, a déclaré un diplomate hollandais avec prudence. L’ennemi du président Mileí, ce n’est pas le communisme, ce qui serait peut-être parfaitement compréhensible. [Son ennemi], c’est nous, tous ceux qui défendent quelque moyen que ce soit de réguler les brutalités du marché. Nous tous, modérés ou non, qui devrions nous retrouver en enfer avec les « nazis, les fascistes et l’extrême-droite »… Je n’ai jamais rien entendu de pareil ! On aimerait bien voir s’il a raison » Traduction © Denise Anne Clavilier
"Mileí a surpris à Davos avec son avertissement violent sur "l'avancée du socialisme", dit le gros titre Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Ce discours qui dénonçait pêle-mêle tout et n’importe quoi, assaisonné de grandes affirmations péremptoires sur la place de leader économique mondial dont aurait joui l’Argentine avant que la gauche arrive au pouvoir (en 1916) – un mensonge historique que Mileí assène à tous les coins de phrase, à la manière de Trump et de Poutine – a déclenché des critiques féroces de presque tout le spectre politique argentin. Même Pablo Avelluto, l’ancien ministre de la Culture de Mauricio Macri, lui-même repenti du macrisme qui a renié son anti-kirchneriste qu’il traite maintenant de fanatisme idéologique, s’est fendu d’un tweet cinglant !
Mileí n’ayant ni le charisme vénéneux de Trump ni son apparence de réussite économique à la tête d’un empire capitaliste, il est possible qu’il ne se relève pas des rigolades qu’il aura provoquées dans le monde pourtant si réservé de la diplomatie des pays dits développés.
Pour
aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’entrefilet de La Pensa
lire l’article de Clarín
sur les réactions en Argentine
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación