Patio du Museo Mitre, avec la statue du maître de maison |
Nous
poursuivons notre parcours culturel dans la capitale argentine avec
l'agence de voyage équitable Human Trip, qui commercialise et opère
depuis la France (Aix-en-Provence) ce séjour de deux semaines que
j'ai conçu et que j'accompagnerai sur place, du 24 avril au 8 mai
2014, pour 2 740 € par personne (tout compris, à part
quelques repas laissés libres), dans un bel hôtel du centre-ville
(quartier de Monserrat).
Ces
deux jours, au milieu du voyage, s'organiseront autour d'une journée
libre (le 1er
mai, férié comme presque partout ailleurs dans le monde) et d'une
nouvelle journée thématique axée sur l'immigration massive entre
1880 et 1930 et les déclinaisons idéologiques et politiques que cet
afflux de population pan-européenne, multilingue et pauvre a
suscitées dans ce pays neuf en pleine construction.
Le
jeudi 1er
mai sera donc une journée de liberté puisque de nombreuses
activités sont proposées dans Buenos Aires ce jour-là :
certains musées sont ouverts, de nombreux restaurants aussi et même
des commerces (mais évitez tout de même les magasins à
touristes, c'est cher et la plupart des souvenirs sont made in China). Par ailleurs, à Palermo,
à partir du 24 avril, se tiendra la quarantième Feria del Libro, le
Salon du Livre de Buenos Aires, la plus grosse manifestation de ce
type en Amérique du Sud, avec ses nombreux stands d'éditeurs et
d'institutions (dont la Ville de Buenos Aires et le Secrétariat
d'Etat national à la Culture), ses conférences, ses projections,
ses rencontres avec des auteurs venus de tout le pays et bien au-delà
présenter et signer leurs derniers ouvrages, le tout pendant deux
grosses semaines d'activités incessantes.
On
s'y rend facilement en métro, le centre des expositions se trouvant
à deux pas de Plaza Italia, bien reconnaissable avec son monument à
Garibaldi.
Des
activités communes pourront être proposées au groupe en fonction
des desiderata exprimés et des disponibilités du jour.
Arrivée du jour à l'hôtel des Immigrés à la fin du XIXe siècle |
Le
lendemain, nous aborderons donc cette période charnière de la
construction nationale de l'Argentine qu'a été l'ouverture des
frontières en grand et qui vit la capitale aussitôt débordée par
l'afflux d'immigrants. A la même époque, en effet, après le
baby-boom consécutif aux guerres napoléoniennes et
l'amélioration rapide des conditions de vie grâce à la révolution
industrielle, l'Europe souffrait d'un excédent démographique qui se
déversait en flot continu dans les ports de New-York, de Sydney et
de Buenos Aires... Et c'est donc à cette époque-clé que le tango a
commencé à prendre sa forme définitive, comme j'aurai l'occasion
de vous l'exposer dans ma prochaine conférence, mardi 7 janvier à
20h, à la Maison de l'Argentine à Paris (Cité Internationale
Universitaire).
Ce
2 mai s'organisera donc autour de deux pôles complémentaires :
d'un
côté, le port, tel qu'il est aujourd'hui (et il a bien changé) et la Grande Immigration,
de l'autre ce qu'on appelle
traditionnellement la "république conservatrice", c'est-à-dire
gouvernée par les patriciens portègnes (1), une droite anglophile,
favorable au grand commerce et au libre-échange, tout droit
descendue de Bernardino Rivadavia, fondateur de ce grand courant de
l'époque révolutionnaire et que nous aurons rencontré à travers
nos parcours autour de la Révolution de Mai et du Général San Martín.
La Douane Taylor (Aduana Taylor) au fond, en 1888, et les lavandières travaillant sur la rive du Ríp de la Plata |
Après
le petit-déjeuner, que le Monserrat Apart Hotel propose sous forme
d'un buffet libre-service, je vous dresserai une esquisse de cette
époque mouvementée dans la salle de conférence de l'hôtel puis
nous prendrons la direction du Vieux Port, l'actuel quartier,
hyper-chic, de Puerto Madero, issue de la réhabilitation de luxe des
vieux quais où toute cette population s'est déversée pendant cinq
décennies avec une seule interruption, celle de la Grande Guerre.
C'est là qu'est arrivée un jour une Française de Toulouse, nommée
Berthe Gardes, son petit garçon de deux ans dans les bras, un bébé
qui allait devenir le plus grand chanteur de tango de tous les temps.
Il s'appellera Carlos Gardel, vous l'aviez deviné.
Cette
partie du port est désormais réservée à la navigation de
plaisance. Les vacances en pleine cité urbaine : on se croirait
sur la côte d'Azur ou la Costa Blanca. Le musée de l'immigration,
que nous visiterons s'il est ouvert, occupe le bâtiment d'un ancien
centre d'accueil fort peu accueillant, où s'entassaient les
immigrants que n'attendaient ni amis ni famille (ce n'était pas le cas
de Berthe Gardes, à qui ses amis sur place épargnèrent la
promiscuité épouvantable de cet avant-goût de purgatoire). Le long
des quais, de nos jours, sont amarrés deux splendides navires à voile et à moteur transformés en musées nationaux : l'ancien navire-école
de la marine argentine, la frégate ARA Sarmiento, désarmée lorsque
la Libertad a été mise en service (voir mon article sur le rapatriement il y a un an de ce somptueux trois-mâts de la Marine
argentine) et un navire d'exploration antarctique, lui aussi désarmé,
la corvette ARA Uruguay (2).
Pour
le déjeuner, deux solutions s'offriront à nous : pique-niquer
devant ce cocktail de gratte-ciels et d'eau qui composent un paysage
improbable et peu bruyant, typiquement portègne, dont la classe
possédante a fait disparaître toute trace de souffrance et
d'humiliation sociale en transformant docks et grues en décor
d'industrie élégante, ou déjeuner, un peu à la française, dans
l'un des restaurants huppés du coin. Deux façons d'aborder cette
ville profondément contrastée...
Dans
l'après-midi, retour à Monserrat : nous visiterons le musée
Mitre, dans la rue San Martín.
Un musée national établi au
domicile de Bartolomé Mitre (1821-1906), grand intellectuel de la
droite, inspirateur de la pensée dominante argentine, historien qui
fixa l'interprétation officielle de la Révolution de Mai et les
biographies des grands héros que furent San Martín, Belgrano et
Pueyrredón, patron de presse (il a fondé le quotidien La Nación, toujours
dirigé par l'un de ses descendants), officier unitaire portègne,
Gouverneur de la Province de Buenos Aires (1860-1862) et même
Président de la Nation (1862-1868).
Ce personnage ambigu et
fondamental, nous l'aurons déjà découvert le premier jour, en
visitant le musée national du Bicentenaire, sous la Casa Rosada.
Mitre aujourd'hui : sur le billet de 2 pesos
Au revers, la façade du musée Mitre, rue San Martín
Véritable
bête noire de la gauche argentine actuellement à la barre, l'homme
était pourtant un intellectuel brillant, un érudit, propriétaire
d'une bibliothèque qui fait encore autorité à juste titre (et
qu'on peut consulter tous les mercredis, à condition de prendre
rendez-vous), étonnant auteur d'un dictionnaire bilingue
pampa-espagnol (3) et si on lui reproche aujourd'hui ses écrits
manipulatoires pleins de partis-pris (4), il se comporta la plupart du temps comme les historiens de son siècle, tous plus politiciens
et militants que chercheurs scientifiques comme nous l'entendons
aujourd'hui. En fait, après un début du XIXème siècle où l'on
avait vu quelques esprits encore sous l'influence des philosophes des
lumières tenter de se tenir à bonne distance de leur sujet d'étude (5), dans la seconde moitié du siècle on ne voyait dans
l'histoire qu'un outil de gouvernance comme le sont aujourd'hui les
promesses électorales qui n'existaient guère dans cette république
reposant sur le suffrage ultra-censitaire et surtout oral (6).
Le
musée est une maison typiquement patricienne à visiter pour
elle-même. Elles sont peu nombreuses à Buenos Aires, où,
heureusement pour nous, les demeures de Sarmiento (dans le quartier
de Belgrano) et celle-ci ont été préservées.
Côté
muséographique : l'exposition permanente se compose de deux
collections distinctes, l'une sur la vie et l'œuvre
politique et militaire du prócer (comme on appelle en Argentine les
grands personnages historiques), l'autre est constituée de documents
historiques rassemblés par Mitre lui-même, parmi les archives et
les souvenirs de Belgrano, San Martín et Pueyrredón, qui lui ont
été cédées par les familles respectives des trois héros
(próceres eux aussi) et qu'il a longtemps considérés comme des
curiosités participant de son patrimoine privé alors qu'il les
avait obtenus en usant de son mandat officiel de président du pays !
(7)
Juan Vattuone au Torquato Tasso (retrouvez-le dans l'écran de veille que je vous propose cette année) |
Pour
la soirée, nous irons écouter de la musique, dans un bistrot ou un
centre culturel de quartier, comme le font les Argentins, qui y
dînent avant le spectacle, à la bonne franquette et à des prix
très abordables... Nous irons écouter ce que l'affiche nous
proposera ce soir-là. Le droit au spectacle est inclus dans le prix
du voyage, le repas reste libre.
*
* *
Pendant
tout le voyage, nous séjournerons au Monserrat Apart Hotel, qui
propose des chambres équipées d'une kitchenette, où il est donc
permis de prendre un repas léger. Ce mode d'hébergement permet
d'équilibrer le budget et le régime alimentaire de chacun (c'est
nettement moins cher et beaucoup plus sain que de prendre tous ses
repas au restaurant car cela évite les commissions léonines des
intermédiaires en tout genre. Et Dieu sait s'ils sont gourmands !)
Vous
pouvez consulter le site Internet de cet hôtel, les informations
reflètent la réalité de l'établissement.
Le
Monserrat Apart Hotel dispose aussi d'une page Facebook.
Le
programme complet du séjour est disponible en format imprimable sur
mon site Internet et en lecture en ligne sur le site de l'agence
Human Trip, qui est à votre disposition pour répondre à toutes vos
questions (conditions de vente, modalités de paiement et
d'inscription et toutes les autres questions techniques).
Ce
séjour comporte plusieurs soirées libres, notamment à l'intention
des danseurs de tango qui souhaitent profiter des milongas portègnes.
*
* *
Grâce
à son correspondant sur place, Human Trip peut vous proposer des
extensions vers d'autres destinations, tant en Argentine que dans les
pays limitrophes, à l'intérieur des dates prévues (vous pouvez
sauter des étapes de notre séjour si vous le souhaitez), soit avant
l'arrivée du groupe, le 25 avril, soit après son départ le 7 mai.
L'agence
est à votre service
pour vous construire un programme sur mesure.
pour vous construire un programme sur mesure.
* *
*
Pour
en savoir plus sur les éléments de ces deux jours :
Visitez
le site Internet de la Feria del Libro (quelques points du programme
commencent à être annoncés)
Connectez-vous
à la page Facebook de la manifestation
Visitez
le site Internet du Museo Mitre
Connectez-vous
à la page Facebook de ARA Fragata Sarmiento
Pour
en savoir plus sur les quartiers concernés par ces deux journées,
cliquez sur leur nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to
search, ci-dessus.
Pour
accéder à l'ensemble des articles concernant ce voyage, cliquez sur
le mot-clé Human Trip.
(1)
Cette époque est dominée par la politique unitariste, qui suivit la
phase fédérale, avec l'impérialisme portègne de Rosas de 1835 à
1852 (voir mon article sur la journée à Palermo) suivi du
fédéralisme de l'intérieur, sous l'impulsion du général Justo José Urquiza
de 1852 à 1861. Général Urquiza que Mitre contribua à chasser
définitivement du pouvoir à la bataille de Pavón (17 septembre
1861) : lassé par les soulèvements trop fréquents des
partisans de l'unitarisme portègne, Urquiza préféra lui laisser la
victoire pour éviter un massacre fratricide. Tant et si bien que
Mitre est un général qui n'a jamais connu de vraies victoires, ce
qui n'a pas empêché qu'il soit présenté aux écoliers argentins
comme un immense héros militaire (qu'il n'a jamais été).
(2)
Le sigle ARA précède les noms des bâtiments militaires. C'est
l'abréviation de Armada de la República Argentina (Marine de la
République argentine).
(3)
La langue pampa est celle que parlaient les Amérindiens de la
Province de Buenos Aires. De la part de Mitre, on s'attend à tout,
sauf à cet intérêt pour un phénomène culturel aborigène tant sa
politique fut hostile aux premiers habitants du Nouveau Monde,
considérés pendant son mandat et longtemps après comme des
sauvages sans aucun droit et bientôt comme des sous-hommes à
exterminer (1870).
(4)
Certains de ses contemporains eux-mêmes les avaient déjà dénoncés,
notamment Carlos Guido Spano, considéré comme un grand poète de
son temps. Il était le fils de Tomás Guido, compagnon politique et
militaire de San Martín, et Mitre avait fait passer par pertes et
profits le vieux révolutionnaire, qui avait travaillé aux côtés
de Pueyrredón puis de San Martín, en Argentine, au Chili et au
Pérou. Guido mourut en 1866 et Mitre, alors chef d'Etat, eût
l'indécence de ne pas lui rendre hommage et s'abstint même de
visiter la famille endeuillée, ce qui constituait un affront
délibéré. Tout ça parce que Guido, comme San Martín, s'était
abstenu de participer à la guerre civile entre fédéraux et
unitaires, de son déclenchement en 1820 jusqu'à sa mort, alors que
le conflit persistait. Inutile de vous préciser que les accusations
portées par Carlos Guido Spano contre Mitre et ses adeptes,
notamment dans la Revista de Buenos Aires, sont saignantes...
(5)
J'en montrerai quelques exemples dans mon prochain livre qui
approfondira la figure de José de San Martín.
(6)
On parlait alors de voto cantado (vote chanté). On votait à haute
voix, à main levée ou avec bulletin mais sans isoloir. Ainsi donc,
dans le petit cercle des électeurs où tout le monde connaissait
tout le monde, chacun savait ce que les autres votaient tant et si
bien que le scrutin relevait souvent d'une entente préalable au sein
d'un groupuscule dominant, tantôt à travers des discussions en loge
maçonnique, tantôt au cours d'un déjeuner dominical d'après-messe
présidé par le Nonce apostolique ou l'évêque du lieu, deux
techniques impeccables qui permettaient de dégager facilement des
majorités on ne peut plus confortables... A la même époque, en
France, les collèges électoraux du Second Empire se chauffaient peu
ou prou du même bois.
(7)
Mitre est un exemple de la pratique ordinaire de la corruption et du
népotisme dans cette belle société unitaire de Buenos Aires qui
monta à des niveaux inouïs à l'époque suivante connue sous le nom
de Generación del Ochenta (1880-1916).