Comme
souvent depuis que Barrio de Tango existe, je profite des longues
vacances de l'été austral pour préparer ce qui sera ma "rentrée"
de mars. L'année dernière, à la même époque, je mettais à
profit le temps offert par le ralentissement de l'actualité
argentine pour travailler aux épreuves de la version française
Tango Negro, qui porte sur les racines afro-américaines du tango,
une composante de la population argentine à laquelle José de San Martín
avait fait une vaste place dans son projet de libération
continentale, à l'inverse de ses homologues tant américains
qu'européens.
Une version militaire de l'Hymne au Général San Martín
très bien illustrée, avec les paroles
(et des images conventionnelles,
très bien illustrée, avec les paroles
(et des images conventionnelles,
éloignées de la réalité historique du personnage)
Pour
l'arrivée du printemps (septentrional), c'est un nouvel ouvrage sur
ce héros du Cône Bleu que je prépare chez mon éditeur de
toujours, les Editions du Jasmin, dont le patron n'hésite
pas à m'accompagner hors des sentiers battus, dans des mondes peu
connus en terre francophone et Dieu sait s'il faut du courage pour faire cela par les temps qui courent !
Après
une biographie intitulée San Martín à rebours des conquistadors
(voir mes articles dans ce blog et la présentation sur mon site Internet), j'ai voulu faire découvrir à mes lecteurs quelques uns
des documents historiques sur lesquels le premier livre a été bâti,
ces documents qui nous permettent, deux cents ans plus tard, d'entendre sa propre voix et de l'approcher, presque en chair et en os, grâce aux
témoignages de ceux qui l'ont côtoyé et dont il a su se faire
aimer. Mon cinquième ouvrage rassemblera donc quelque cent cinquante
textes, provenant d'auteurs aux nationalités variées, écrits en
espagnol (pour une majorité d'entre eux), en français et en
anglais, avec une fluidité littéraire qui m'a personnellement remplie d'admiration.
Bien entendu, j'ai
tenu à ce que les textes soient accessibles dans leur langue
d'origine avec une traduction en français en vis-à-vis. Cela tombe
bien : les Editions du Jasmin sont spécialisées dans les
libres bilingues et fortement ancrées dans les cultures du monde.
Himno al General San Martín dans une version lyrique
par le ténor Leonardo Pastore
(et toujours les mêmes images convenues)
Le
livre, de la même taille et du même format que Barrio de Tango,
recueil bilingue de tangos argentins, paraîtra d'ici quelques mois.
Sa sortie sera précédée d'une très prochaine souscription qui
proposera l'ouvrage à 20% de réduction sur le prix de vente en
librairie (conformément à la loi Lang).
Pour
cette première mise en bouche, voici, en illustration sonore, un
morceau de musique que tous les Argentins connaissent par cœur :
el himno al general San Martín, chanson patriotique s'il en est car
en Argentine, contrairement à ce qui se passe dans bon nombre de
pays blasés de notre vieille Europe, on ressent toujours le besoin de
conforter le sentiment et la fierté d'appartenance nationale à
travers le chant, qu'on entonne tous en chœur, à l'unisson, debout, aux jours
symboliques que sont les fêtes nationales et les grandes
commémorations. C'est pourquoi, pour nous, il n'est peut-être pas simple d'entrer dans cette manière de célébrer, qui nous ramène cent ans en arrière, à une époque belliqueuse de triste mémoire. Le ressenti argentin est tout autre : il s'agit de célébrer la naissance, accidentée comme toute naissance, de la Patrie sous de grandes figures tutélaires, réellement admirables...
Une très célèbre interprétation, 100% civile,
de l'Hymne au Général San Martín,
chantée par Pedro Aznar accompagné au piano por Lito Vitale
de l'Hymne au Général San Martín,
chantée par Pedro Aznar accompagné au piano por Lito Vitale
qui est aussi l'auteur de l'arrangement
En voici
le texte, qui date de 1950, une année que Juan Perón érigea
en Año del Libertador, pour marquer le centenaire de la mort de San
Martín à Boulogne-sur-Mer, en France. Ce chant est donc
contemporain du Monumento al Abuelo Eterno, qui fait face à
l'Instituto Nacional Sanmartiniano, sur plaza Grand-Bourg, à Palermo
(voir la journée que nous passerons autour de ce personnage pendant
le voyage Le Roman national argentin, voyage culturel, solidaire ethumain, avec Human Trip). Son compositeur était un musicien né en
Italie et qui immigra en Argentine, où il fit une brillante
carrière, jusqu'à diriger le teatro Colón, l'Opéra de Buenos
Aires.
Yerga el Ande su cumbre más alta,
dé la mar el metal de su voz
y entre cielos y nieves eternas
se alza el trono del Libertador
Suenen claras trompetas de gloria
y levanten un himno triunfal,
que la luz de la historia
agiganta
la figura del Gran Capitán.
Que
l'Ande dresse son plus haut sommet
que
la mer fasse retentir sa voix
et
entre cieux et neiges éternelles
que
s'élève le trône du Libertador (1)
Sonnent les claires trompettes de la gloire
et élèvent un hymne triomphant
car la lumière de l'histoire
magnifie la figure du Grand Capitaine.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
De las tierras del Plata a Mendoza,
de Santiago a la Lima gentil
fue sembrando en la ruta laureles
a su paso triunfal, San Martín.
San Martín, el señor en la guerra,
por secreto designio de Dios,
grande fue cuando el sol lo alumbraba
y más grande en la puesta del sol.
Des terres du Río de la Plata à
Mendoza
de Santiago à Lima l'Impie (2)
San Martín des lauriers sur sa route
sema, sous ses pas triomphants.
San Martín, le maître de la guerre,
par un secret dessein de Dieu
fut grand quand le soleil l'illuminait
et plus grand encore au coucher du
soleil (3)
(Traduction Denise Anne Clavilier)
¡Padre augusto del pueblo argentino,
héroe magno de la libertad!
A tu sombra la patria se agranda
en virtud, en trabajo y en paz.
¡San Martín! ¡San Martín! Que tu
nombre
honra y prez de los pueblos del sur
aseguren por siempre los rumbos
de
la patria que alumbra tu luz.
Auguste
père du peuple argentin,
grand
héros de la liberté !
Dans
ton ombre la patrie croît
en
vertu, en travail et en paix (4)
San
Martín ! San Martín ! Qu'ils assurent
pour
toujours ton nom
honneur
et gloire des peuples du Sud
les
chemins de la patrie qu'éclaire ta lumière.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
(1)
Souvent en Argentine, on interprète ce trône comme celui d'un roi,
ce qui gêne, à juste titre, de nombreux patriotes républicains. Il
est beaucoup plus probable que le terme s'enracine ici dans la
tradition psalmique (que l'on connaissait alors surtout dans le texte
latin, donc incompréhensible) et que Segundo Argañaraz aura cherché
par ce biais à sacraliser San Martín. Dans les psaumes, le trône
est toujours une allégorie de Dieu, qui permet d'éviter de
prononcer un nom imprononçable dans la tradition hébraïque.
(2)
Dans les années 1810, lorsque San Martín préparait l'expédition
libératrice du Pérou, Lima avait la réputation, pas vraiment
surfaite, d'être une ville dépravée. C'était alors la seule place
forte demeurée envers et contre tous fidèle à l'Ancien Régime.
Cernée dix ans durant par la révolution, il y régnait une profonde
décadence éthique et politique comme c'est toujours le cas
lorsqu'un système s'effondre. Stigmatiser ainsi Lima en 1950 était
bigrement archaïsant et, de surcroît, assez peu aimable pour les voisins.
(3)
Allusion au soleil qui est à la fois le symbole du Pérou et celui
de la Révolution de 1810 en Argentine et au crépuscule de la vie du
général, lorsqu'il avait renoncé au pouvoir et s'était retiré
dans une petite sous-préfecture alors parfaitement obscure, sur la
côte sud de la Manche. Boulogne-sur-Mer a depuis pris sa revanche,
devenant le premier port de pêche français et s'enorgueillissant
d'un bon nombre d'atouts culturels, comme Nausicaa ou le
Musée-Château (avec une collection d'objets inuits unique en
France).
(4)
Si seulement les gouvernements militaires factieux argentins
n'avaient pas passé leur temps à faire mentir cette strophe en
s'appropriant l'image du général au point de l'atrophier et de lui
dénier son humanisme profond.