C'est un disque qui est sorti il y a une dizaine dejours, produit par l'ONG La Casa de la Cultura de la Calle (maison de la culture de la rue), fondée et animée par Gastón Pauls : il a proposé à plusieurs artistes de rock argentin de mettre en musique des textes de berceuse que certains de ses protégés avaient écrites sur un projet qu'il leur avait proposé, écrire la berceuse qu'ils auraient aimé que leur maman leur chante s'ils avaient eu la chance d'avoir une mère pour s'occuper d'eux dans leur âge tendre.
La Casa de la Cultura de la Calle offre aux enfants vivants en foyers, parce qu'ils sont orphelins ou abandonnés, et aux enfants qui vivent dans la rue toute une gamme d'activités culturelles qui ont un effet thérapeutique sur ces mineurs en grand danger social.
Ce sont donc des enfants de huit, neuf, dix et jusqu'à un post-adolescent de 22 ans (1) qui ont écrit des textes aussi peu neuneu que possible car ils ont tiré leur inspiration de leur expérience assez terrible de la vie.
Ces berceuses rock constituent le 3ème disque publié par La Casa de la Cultura de la Calle, après un Tango para los chicos et un Folklore para los chicos. Ce Canciones de cuna est distribué dans les supermarchés Discos, au prix très raisonnable de 14,90 $. Les recettes du CD permettront d'investir dans de nouvelles activités au bénéficier des enfants défavorisés.
C'est la crème du rock argentin qui a répondu présent pour l'opération : Luis Alberto Spinetta, Ricardo Mollo, Fito Páez, Pedro Aznar, Germán Daffunchio, Fernando Cabrera, Hilda Lizarazu, Kevin Johansen, Lisandro Aristimuño, Damien Rice, Luka Bloom, Miguel Cantilo, Hugo Fattoruso, Vítor Ramil ainsi que Litto Nebbia et Gonzalo Aloras, qui avaient chanté ensemble à Paris en septembre 2009, dans un concert partagé sur lequel je vous avais fait un Retour sur images puisque j'en avais assuré l'organisation (voir mon article du 28 septembre 2009).
Tous ces artistes ont choisi parmi les textes qui leur ont été présentés celui qui leur parlait le plus et chaque compositeur a enregistré son morceau dans le studio d'enregistrement prêté pour l'occasion par Spinetta.
Gastón Pauls, émerveillé par l'enthousiasme manifesté par les artistes, envisage désormais un deuxième album avec les artistes qui avaient répondu oui mais dont l'agenda n'a pas permis à la fin qu'ils participent vraiment à cette opération.
Une audition du disque a été organisée pour les enfants et les chanteurs qui étaient disponibles ce jour-là. Página/12 raconte qu'on ne sait pas très bien qui des minots ou des musiciens étaient les plus émus de se retrouver les uns en face des autres.
Le 20 mars dernier, ce disque a eu les honneurs de la une des pages culturelles de Página/12 et Luis Alberto Spinetta, l'un des plus prestigieux artistes de rock en Argentine, s'est fendu d'un billet éditorial pour expliquer de manière fort militante le pourquoi de sa participation. Un billet, intitulé Un niño debe ser uno mismo (un enfant, c'est comme soi-même), que je vous traduis ci-dessous :
En el mundo en que vivimos, desde el momento en que un niño carece del abrazo y el arrullo de su madre, somos todos parte de un episodio trágico en el que sufrimos nuestro propio abandono. Es una escena muda. Aunque hayamos tenido una madre hermosa y protectora, nos rehusamos a pensar que el mundo debe ser así, y reaccionamos como para intentar rehacer los lazos que son el origen del crecer. Ser abandonado por la madre es ser devuelto al mundo de otra manera, la del silencio.
Una canción de cuna es un encuentro entre la piel y el aire. Es el toque de un ángel en medio de la locura de las horas, que nos presenta la paz como el cauce fundamental de la propia conciencia y la sensibilidad.
De ahí en más, cantar una canción de cuna es un acto materno, nos pone en la piel del que ampara y es amparado y se desvive en hacerlo. El niño debe ser uno mismo.
Y también desde esa misma imagen de preciosos latidos compartidos, uno puede volar un poquito y pensar que también estamos arrullando al mundo.
Gracias por hacerme participar de esto.
Luis Alberto Spinetta, dans Página/12
Dans le monde dans lequel nous vivons, à partir du moment où un enfant n'est pas serré dans les bras ni bercé par sa mère, nous faisons tous partie d'un épisode tragique dans lequel nous subissons la souffrance de notre propre abandon. C'est une scène muette. Quand bien même nous aurions eu une mère belle et protectrice, nous refusons de penser que le monde doit être comme ça et nous réagissons pour essayer de retisser les liens qui sont à l'origine de toute croissance. Etre abandonné par sa mère, c'est être retourné au monde d'une autre manière, celle du silence.
Une berceuse est une rencontre entre la peau et l'air. C'est le toucher d'un ange au milieu de la folie du temps, qui nous présente la paix comme le lit fondamental de notre propre conscience et de notre sensibilité.
De plus, chanter une berceuse est un acte maternel, il nous met dans la peau de celui qui protège et qui est protégé et qui se met en quatre pour cela. L'enfant, ce doit être soi-même.
Et à partir de cette même image de beaux battements de coeur partagés, chacun de nous peut voler une petit peu et penser que nous aussi nous berçons le monde.
Merci de m'avoir fait participer à ça.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Pour aller plus loin :
lire la présentation de l'ONG par Página/12
Pour connaître certains de ces artistes, aller retrouver leur page Myspace parmi mes amis de ma propre page Myspace (Fito Paéz et Litto Nebbia en font partie).
En ce qui concerne Litto Nebbia, j'ai souvent écrit sur lui dans ces colonnes. Vous pouvez accéder à l'ensemble de ces articles en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessous.
Pour lire tous les articles de Barrio de Tango relatifs au rock nacional comme le dénomment les Argentins, cliquez sur le mot-clé rock dans le bloc Pour chercher.
(1) Depuis peu, la majorité en Argentine est passée de 21 ans à 18 ans.