"Justice terrestre", titre Página/12 ce matin |
Monseigneur
Enrique Angelelli (18 juillet 1923 – 4 août 1976) était évêque
de La Rioja lorsqu'il fut tué dans un accident de voiture provoqué
par les sbires de la Dictature. Ordonné en 1949, dans son diocèse
d'origine, à Córdoba et déjà évêque lors du Concile Vatican II
auquel il participa, il occupait la cathèdre de la Rioja depuis huit
ans au moment de son assassinat.
Ce
prélat aux engagements sociaux marqués avait favorisé et soutenu
la syndicalisation des mineurs, des ouvriers agricoles, des
domestiques, il avait encouragé l'artisanat indépendant et les
coopératives de production de produits de première nécessité
locale (textiles, briques, agroalimentaire). C'était un théologien
qui s'était spécialisé dans la doctrine sociale de l'Eglise et
avait joint très tôt, dès les années 1950, le geste à la parole,
développant notamment dans ses deux diocèses successifs la JOC, le
mouvement de jeunesse catholique ouvrière qui était apparu peu
après la première guerre mondiale en Belgique, avant de se répandre
dans toute l'Europe et d'atteindre l'Amérique Latine après le
deuxième conflit.
Hier,
la justice de La Rioja a condamné deux responsables de la répression
sous la dernière dictature militaire à la prison à vie, un nouveau
verdict qui frappe les deux hommes déjà multi-condamnés pour des
faits similaires, qualifiés de crimes contre l'humanité par le code
pénal argentin.
Página/12
est le seul quotidien à en faire sa une, tandis que les autres
journaux titrent sur le Mundial (il est vrai aussi que l'Argentine
joue les quarts de finale cet après-midi contre les Diables Rouges)
mais tout de même... Certes Página/12 a toujours soutenu le
souvenir de ces prêtres engagés dans les droits de l'homme et les
droits sociaux mais jusqu'à présent, il s'en servait pour faire
pièce au cardinal Bergoglio. Cette fois-ci, rien de cette opposition
factice dans les pages du quotidien. Le tournant est consommé.
La
Nación de son côté, qui ne consacre pas la moindre ligne de sa
première page à cette affaire, appelle le Pape à la rescousse en
rappelant que le cardinal avait toujours soutenu la mémoire de
l'homme et avait eu avec lui des contacts étroits, spirituels et
pastoraux, pendant son mandat de provincial de la Compagnie de Jésus
en 1973, alors que Enrique Angelelli subissait déjà des
persécutions graves, avec tentatives d'homicide sur sa personne.
Dans la Rioja comme ailleurs en Argentine, on boit le mate |
Pour
aller plus loin :
lire
l'article principal de La Nación (par Mariano De Vieda, d'ordinaire
occupé aux faits religieux et signant ici un article étiqueté
droits de l'homme par la rédaction)
lire
l'article secondaire de La Nación sur les liens entre le Pape
François et l'évêque assassiné (ça fait toujours du bien par où ça passe).