Quarante
jours après la découverte du corps du procureur Alberto Nisman dans
une mare de sang derrière la porte de sa salle de bain et une
semaine après l'ouverture d'une procédure pénale contre la
présidente Cristina Kirchner, plusieurs de ses ministres et un bon
nombre de hauts responsables ministériels, le juge d'instruction Daniel Rafecas vient de clore la phase de première instance avec une ordonnance de
non-lieu dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle fait beaucoup
de bruit dans la presse argentine et qu'elle soulève la colère
d'une des instances représentatives juives, ouvertement alignée sur
l'opposition de droite.
Les
quotidiens consacrent tous des pages et des pages à l'annonce
judiciaire, qui pourrait d'ailleurs avoir des suites puisque le
procureur a la faculté de faire appel de cette ordonnance. Il avait
d'ailleurs refusé de comparaître lundi devant le groupe majoritaire
au Congrès qui voulait lui demander d'expliquer sa position. Il
avait avancé pour cela des motifs d'ordre procédural :
l'instruction devait être couverte par le secret. Les parlementaires
avaient trouvé cela curieux : alors que les procureurs et tant
d'autres magistrats avec eux parlent à tort et à travers des
éléments de l'enquête sur la mort violente de leur collègue
Alberto Nisman, quand il s'agit du chef de l'Etat et que le pays est
en campagne électorale, il faudrait l'inculper à neuf mois de la
fin du mandat et en garder secrètes les raisons...
La
presse se partage donc en deux ce matin (pour ne pas changer) :
en faveur de la Présidente, Página/12 et contre elle, à des degrés
divers de violence et de bonne ou mauvaise foi, La Nación, Clarín
et La Prensa.
Página/12
ajoute au dossier l'analyse d'un document préparatoire dans lequel
on voit qu'au mois de décembre, soit un mois avant sa mort, Nisman
soutenait la politique gouvernementale vis-à-vis de l'Iran
jusqu'auprès de l'ONU. Il est pour le moins étrange qu'il ait viré
de bord à 180° en quelques semaines à peine, en publiant un
réquisitoire contre cette même politique et ses acteurs, avant de
demander un revolver à une personne de son entourage et d'être
découvert tué par arme à feu le 18 janvier.
Toujours
aussi revanchard et acrimonieux, Clarín préfère mettre en avant
une autre procédure contre la présidente, qui n'a pour le moment
abouti à aucune mise en accusation, une affaire de fausses factures
et de détournement de pots-de-vin dans un hôtel que Cristina
Kirchner possède en Patagonie (dès avant la mort de Néstor
Kirchner, le couple présidentiel avait en effet investi partie de
ses avoirs dans le tourisme dans la Province de Santa Cruz).
Un autre fait politique retient l'attention aujourd'hui : un mini-remaniement ministériel pour libérer deux ministres de leurs responsabilités afin qu'ils puissent se consacrer à leur campagne électorale dans leur province respective.
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Página/12 sur les documents préparés par Nisman
lire
l'article de Clarín sur le non-lieu
lire
le billet d'opinion que Clarín consacre au scandale supposé Hotesur
lire
l'article principal de La Prensa.
Ajout du 28.02.2015 :
Le juge d'instruction a donné une interview à Reuters, où il explique sa décision, fait remarquer que le gouvernement argentin a fait toutes les démarches qui lui incombaient pour que la justice suive son cours en Argentine sur l'attentat contre l'AMIA et qu'il n'a exercé aucune pression sur son travail, qu'il a pu effectuer dans la sérénité. Página/12 reprend le contenu de cet entretien dans son article de une ce matin.
Ajout du 8.03.2015 :
L'Ambassade d'Argentine en France (comme sans doute de nombreuses autres ambassades argentines partout dans le monde, sinon toutes sans exception) a publié sur son site Internet l'intégralité de l'ordonnance de non lieu (pour désigner cet écrit en termes juridiques français), en pdf téléchargeable. Le texte est en espagnol, sans traduction. Une seule traduction est disponible : en anglais.
Ajout du 28.02.2015 :
Le juge d'instruction a donné une interview à Reuters, où il explique sa décision, fait remarquer que le gouvernement argentin a fait toutes les démarches qui lui incombaient pour que la justice suive son cours en Argentine sur l'attentat contre l'AMIA et qu'il n'a exercé aucune pression sur son travail, qu'il a pu effectuer dans la sérénité. Página/12 reprend le contenu de cet entretien dans son article de une ce matin.
Ajout du 8.03.2015 :
L'Ambassade d'Argentine en France (comme sans doute de nombreuses autres ambassades argentines partout dans le monde, sinon toutes sans exception) a publié sur son site Internet l'intégralité de l'ordonnance de non lieu (pour désigner cet écrit en termes juridiques français), en pdf téléchargeable. Le texte est en espagnol, sans traduction. Une seule traduction est disponible : en anglais.