samedi 21 novembre 2015

La presse argentine continue la campagne jusqu'à la dernière minute [Actu]

En gros titre :
"La rigueur pendant une récession produit des catastrophes sociales"
En haut, en manchette : "La véritable campagne de la peur"
(la droite traite de campagne de la peur les arguments de Scioli et son équipe)

Malgré le silence politique qui s'impose aux candidats et à leurs équipes de campagne pendant les deux journées de réflexion électorale (veda electoral) qui précèdent le scrutin, la presse a trouvé matière à continuer à alimenter la campagne ce matin. Je n'avais encore jamais vu les journaux argentins prendre aussi ouvertement parti un samedi de week-end électoral... Sans doute les enquêtes d'opinion, dont la presse n'a que peu fait état tout au long de ces quatre semaines de campagne, montrent-elles des résultats très incertains pour qu'on ait aujourd'hui une telle bagarre dans les gros titres, sur les unes et dans les pages intérieures ! Il est vrai aussi que c'est la première fois de son histoire que l'Argentine connaît un second tour d'élection présidentielle et il faut croire que c'est un choc pour beaucoup de gens, habitués qu'ils sont à des majorités très nettes qui se dégagent vite.

Ainsi donc ce matin, Página/12 publie une interview du Prix Nobel d'Economie Joseph Stiglitz, l'un des tenants des théories hétérodoxes (1). Dans cet article, le spécialiste nord-américain critique le modèle néolibéral dominant mis en œuvre par Mauricio Macri, dans la ville autonome de Buenos Aires, et vanté par lui tout au long de sa campagne électorale depuis plus d'un an, malgré un récent revirement après que les PASO aient donné un avantage important à Daniel Scioli (2) le 9 août dernier (voir mon article du 10 août 2015).

En gros titre, sous l'image de Bamako :
"Macri a choisi son premier ministre et Scioli continue sa campagne"

Clarín publie quant à lui deux articles : l'un est un rapide portrait du directeur de campagne de Mauricio Macri, l'autre décrit une manœuvre plus que désagréable attribuée à l'Ambassadeur d'Argentine en France peut-être pour se faire bien voir du gouvernement sortant, dont elle est une chaude partisane (3). Quant à La Nación, la rédaction présente les bilans comparés des deux candidats à la tête de leur exécutif local pendant leurs deux mandats consécutifs.

Pour aller plus loin :
lire l'interview de Joseph Stiglitz, très intéressante indépendamment même du contexte électoral argentin
lire l'article de Clarín sur Marcos Peña, directeur de campagne de Macri
lire l'article de Clarín sur ce qui se serait passé ces jours-ci dans l'Ambassade à Paris
lire l'article de La Nación sur les bilans comparés des deux candidats.
Seule La Prensa respectait ce matin une belle réserve.



(1) Le quotidien n'indique pas la date de l'interview mais seulement sa modalité : tout s'est passé par téléphone et par mail avec l'entremise d'un jeune étudiant-chercheur argentin qui travaille à l'Université de Columbia, comme Stilglitz lui-même. Le journaliste ajoute toutefois que les deux économistes sont attendus en Argentine en décembre prochain, où ils animeront un colloque sur les dettes souveraines, les crises macro-économiques et les politiques industrielles, des sujets qui sont l'un des points les plus aigus de l'opposition entre les deux candidats, Scioli et Macri.
(2) Comme la plupart des gens et comme Macri lui-même qui s'est mis à faire des tas de promesses de justice sociale et de redistribution économique, Scioli a dû croire que les jeux étaient faits.Peut-être a-t-il baissé la garde. Toujours est-il qu'il s'est fait rattraper par l'électorat qui a voté beaucoup plus que prévu pour Mauricio Macri, à la plus grande surprise de tous les observateurs et des acteurs eux-mêmes. Probablement a-t-il commis une erreur en publiant la composition de son futur gouvernement quelques jours avant le premier tour ! C'était une formidable provocation pour l'opposition, de droite comme de gauche (car la gauche ne semble pas avoir su s'unir ni avant ni après ce premier scrutin).
(3) Cette ambassadrice, nommée à Paris il y a environ un an, est inscrite sur l'actuelle liste des promotions diplomatiques déposée sur le bureau du Congrès dans le cadre des nominations in extremis que le gouvernement sortant multiplie depuis une semaine. Elle passerait ainsi du rang de ministra à celui d'embajadora, le top de la hiérarchie, qui lui serait définitivement acquis, même si elle devait cesser de représenter effectivement son pays à l'étranger. Elle aurait ainsi bloqué l'accès au site Internet de Clarín sur le réseau Internet de l'Ambassade et se verrait gravement contestée par le personnel subalterne qui ne supporterait pas l'arrogance qu'elle manifeste à son égard. Il est vrai que son positionnement partisan se note à vue d'œil et que la frénésie de nominations dont fait preuve ce gouvernement à trois semaines de la fin du mandat est d'une insigne maladresse. Il ne ferait pas autrement s'il voulait accréditer les nombreuses accusations de corruption et de concussion dont collectivement il fait l'objet de la part de ses adversaires de tous les courants (pas seulement de la part de l'équipe de Macri).