mercredi 4 novembre 2015

Des doutes dans le patronat industriel [Actu]

Hier, deux responsables patronaux du secteur industriel ont pris leurs distance avec le programme électoral du chef du Gouvernement portègne, l'ultra-libéral et homme d'affaires Mauricio Macri, pour le second tour de l'élection présidentielle, le dimanche 22 novembre, derrière l'actuel Gouverneur de la Province de Buenos Aires et ancien vice-président, le péroniste kirchneriste Daniel Scioli, qui approfondirait l'œuvre déjà accomplie par ses deux prédécesseurs, Néstor Kirchner et Cristina Fernández de Kirchner.

Página/12 titre ce matin : "Feu orange pour l'industrie"

Les deux mandataires patronaux, représentant l'un l'union industrielle et l'autre le secteur de la métallurgie (1), se sont exprimés sur des médias d'opposition comme Radio Mitre, Radio América et Ambito, le quotidien référent en matière économique en Argentine. Tous deux s'inquiètent de ne pas entendre le candidat néolibéral s'exprimer sur l'industrie et notamment les PME, le gros du tissu en Argentine, un pays dont la balance commerciale est tirée par l'agriculture et les services et où depuis douze ans, l'actuel gouvernement s'efforce d'encourager le secteur de la transformation. Les propos de ces deux responsables n'ont donc pas tout à fait le poids qu'ils auraient dans des pays plus industrialisés et dans leurs propos on entend clairement le peu d'attention que Macri leur porte, à l'inverse de son concurrent qui a déjà tenu avec le patronat industriel des réunions de consultation.

Bien que aucune autre voix autorisée du secteur n'ait publiquement renchéri sur ces propos, la presse généraliste s'en fait écho ce matin et indique une direction encore peu empruntée par un débat politique où la rivalité entre deux hommes très différents l'un de l'autre par leur culture et leur personnalité pèse pour le moment plus que l'exposé précis de programmes concrets et discriminants.

Ajoutons pour comprendre les enjeux qu'en Argentine, un industriel, quand bien même il aurait connu une vraie réussite entrepreneuriale, exerce un métier peu considéré car le prestige social reste là-bas attaché à la possession de terre agricole et de bétail, seule capable d'ouvrir les portes des cercles huppés (avec la possession de très vastes vignobles travaillant à l'exportation en haut de gamme).

Pour en savoir plus :
lire les déclarations d'hier de Juan Carlos Sacco, secrétaire général de l'Union Industrielle Argentine, dans Ambito Financiero
lire les déclarations d'hier de Gerardo Venutolo, président de l'Adimra (la fédération de la métallurgie argentine), dans Ambito Financiero
lire l'article de ce matin dans La Nación
lire l'article de La Prensa (ce matin aussi)
lire l'article de Página/12, le seul journal à mettre ces déclarations en une. C'est aussi le seul des quotidiens nationaux à soutenir la candidature de Daniel Scioli, dont le décompte définitif des voix du premier tour, le 25 octobre, fait apparaître une avance de trois points sur Mauricio Macri, soit un peu plus que le résultat annoncé le 26 au matin.
A lire également dans Ambito, l'analyse de l'économiste hétérodoxe Aldo Ferrer sur le choix entre deux modèles de pays, enjeu de ce second tour ainsi que le plaidoyer pro domo de Mauricio Macri, dont le projet d'abandonner l'actuel contrôle des changes est vertement critiqué par divers économistes qui y voient les prémices d'un nouvel affaiblissement de la monnaie nationale, non-convertible depuis la faillite du système à Noël 2001 après dix ans de politique néolibérale et de dérégulation tous azimuts.



(1) En Argentine, même si une partie des entreprises de capitaux nationaux fabriquent encore des produits moins valorisés, comme de l'électro-ménager "Industria Argentina", du matériel informatique de marques nationales non ou très peu exporté, des machines agricoles et de l'outillage de tout niveau, la métallurgie développe une activité de recherche et développement qui tend à la positionner comme secteur de pointe, avec l'aide des pouvoirs publics et des partenariats avec plusieurs universités. Elle investit désormais des applications ultra-techniques et innovante et de l'ingénierie à haute valeur ajoutée sur le marché mondial : transports maritimes et aériens, espace ou médecine. La République argentine a récemment fait lancer à Kourou deux satellites géostationnaires de communication entièrement conçus, développés et fabriqués sur le sol national d'où ils ont été acheminés vers le port spatial européen de Guyane pour leur mise en orbite puis en exploitation.