Le ministre du Travail a été nommé :
il s'agit d'un député PRO, qui est aussi le fils d'un des anciens
dirigeants de la CGT. A ce titre, son père a occupé ce même poste
dans les années 1990, sous la présidence de Carlos Menem (de si affreuse mémoire). Cependant, le retard dans cette nomination est
due aux consultations conduites par l'équipe Macri avec les
syndicats, qui ne voulaient pas du premier candidat, trop lié au
patronat à leurs yeux. Avec la nomination de Jorge Triaca fils, les
syndicats s'estiment respectés. Quel progrès par rapport à la
prise de fonction de Mauricio Macri à Buenos Aires en 2007, quand
l'une de ses premières décisions avait été d'aller directement à
l'affrontement avec les syndicats du métro et des salariés de la
Ville ! La seule réaction franchement hostile semble venir d'un
dirigeant ingérable de la CGT, le patron des camionneurs, le
séditieux Hugo Moyano, qui n'avait pas hésité, il y a quelques
mois, à déserter les rangs péronistes pour se ranger sous la
bannière de Macri. Il fanfaronnait encore lundi matin. Peut-être
est-il tout simplement dépité, il a pu croire que le poste lui
reviendrait !
La reconduction du ministre de la
Recherche scientifique stupéfie toujours son monde et oblige les
différents acteurs politiques à prendre position. Cristina Kirchner
a ainsi confirmé publiquement et en personne ce qu'avait révélé
avant-hier son Premier ministre : elle a été consultée par
Lino Barañao lorsqu'il s'est vu proposer son maintien. Il ne voulait
pas accepter sans son accord. Elle le lui a donné et s'en est
publiquement félicité hier, tout en avertissant qu'elle y avait mis
deux conditions : que la politique de développement
scientifique et technologique soit maintenue et qu'elle bénéficie
des mêmes moyens budgétaires et humains. Par ailleurs, la
Présidente sortante a reçu les sénateurs kirchneristes et elle a
obtenu d'eux qu'ils cèdent la présidence de leur assemblée au PRO
pour la période de transition, avant même la prestation de serment
de Gabriela Michetti, la prochaine présidente du Sénat. L'actuel
vice-président est depuis quelques jours en très mauvaise posture
judiciaire : poursuivi depuis de nombreux mois pour des soupçons
de trafic d'influence et de corruption, il vient de se voir notifier
l'interdiction de sortir du pays, y compris pour les vacances d'été
après la fin du mandat.
Du côté de l'Education, la transition
s'annonce tout aussi pacifique : Alberto Sileoni a reçu son
successeur au Ministère et s'est dit rassuré sur le maintien de la
politique actuelle, l'éducation pour tous, une montée en niveau et
en équipement. Il estime même que Esteban Bullrich améliorera
encore les choses et continuera à développer le système éducatif
argentin.
Daniel Scioli lui-même, le candidat
malheureux à ce second tour présidentiel, a accordé une interview
apaisée à Clarín, considéré jusqu'à il y a quelques jours comme
l'ennemi juré du kirchnerisme (et il y avait en effet une hostilité
très marquée). Scioli appelle les péronistes à garder leur
sang-froid et à coopérer démocratiquement avec le nouveau
gouvernement, en montrant leur sens des responsabilités, et se dit
le premier à vouloir le faire. Et il le fait avec cette interview
donnée à ce quotidien-là !
Pour ma part, je dois reconnaître que je m'attendais de part et d'autre à une transition vociférante, très véhémente, car dans les deux camps on donnait jusqu'à présent volontiers de la voix et les arguments qu'ils se jetaient à la figure manquaient quelque peu de nuances. Pourtant il ne me semble pas aujourd'hui que ce à quoi l'on assiste relève de postures ni chez les uns ni chez les autres. S'ils sont si nombreux, du côté des
sortants comme du côté des entrants, à dire que les politiques qui
ont prouvé leur efficacité seront reconduites et à montrer
leur bonne volonté en évitant les habituels noms d'oiseaux, c'est
qu'une page est sans doute en train de se tourner en Argentine et qu'un progrès
considérable a été réalisé dans l'instauration de la démocratie de
ce pays, à l'abri des regards, sous la véhémence des querelles politiques quotidiennes.
Estela de Carlotto était hier au
Centro Cultural Kirchner pour la présentation de la biographie que
lui a consacrée le journaliste cordobais Javier Folco. Elle avait la
mine soucieuse et semblait préoccupée (ce résultat est celui qu'elle redoutait) mais elle a tenu à dire que
la démocratie surpassait tout et qu'elle respectait donc le suffrage
exprimé, tout en considérant qu'il ne fallait pas abaisser les
drapeaux, qu'il fallait continuer le combat et exiger que la justice
continue son œuvre.
Il y a toutefois eu des réactions
vraiment très désagréables et même, pourquoi ne pas le dire,
franchement anti-démocratiques dans les rangs de la gauche
péroniste :
- l'appel sectaire et déplorable de Hebe de Bonafini, la présidente de Madres de Plaza de Mayo, qui appelle à une manifestation contre Mauricio Macri pour le 10 décembre, le jour de sa prise de fonction. Bonafini déclare ouvertement qu'elle considère ce dernier comme un ennemi (enemigo) et qu'elle condamne (repudia) sa présence à la Casa Rosada ;
- une faction kirchnériste à Córdoba qui appelle au boycott de la Province pour les prochaines vacances d'été. Pourquoi ? Parce que la Province de Córdoba a voté à 73% pour Macri et aurait de ce fait insulté tout le reste du pays. On est en plein délire. Heureusement, ce type de réaction est rare et n'est pas représentatif des organismes qui animent la vie du pays : partis politiques, associations légales, syndicats, corps constitués...
Pour en savoir plus :
Sur le nouveau ministre du Travail :
lire l'article de Clarín
lire l'article de Clarín sur la fureur
de Hugo Moyano
Sur la transition :
lire l'article de Página/12 sur
l'accord de Cristina Kichner au maintien de son ministre, qui n'a
donc pas été débauché par Macri pour faire un coup politique,
comme Bernard Kouchner l'avait été par Nicolas Sarkozy
lire l'article de Clarín sur le même
sujet
lire l'article de La Prensa sur les
réactions positives de Alberto Sileoni (actuel ministre de
l'Education, très apprécié lui aussi pour ses compétences, malgré la mauvaise volonté de quelques lecteurs de Clarín qui n'engage que ceux qui l'expriment)
lire l'article de Página/12 sur le
cession de la présidence du Sénat au groupe PRO pour la durée de
la transition, alors que la Chambre des Députés continue sur sa
lancée et vote en pagaille des dizaines de textes qui étaient
déposés sur son bureau mais n'ont plus de raison d'être
lire l'interview de Daniel Scioli à
Clarín
lire l'article de La Nación sur les
prises de position conciliantes de Daniel Scioli
lire l'article de La Prensa sur le même
sujet, qui là encore surprend absolument tous les observateurs et
bien au-delà d'eux !
lire l'article de Página/12 sur les
positions expressément démocratiques exposées hier par Estela de
Carlotto
Sur quelques rares réactions anti-démocratiques :
lire l'article de Clarín sur l'appel à
manifester de Hebe de Bonafini, qui vient probablement de se
discréditer définitivement après plusieurs scandales de mauvaise
gestion financière à la limite de l'escroquerie
lire l'article de La Nación sur le
même sujet
lire l'article de La Nación sur l'odieux appel au boycott de la Province de Córdoba.