La
Conférence épiscopale argentine vient de recevoir la présidente de
l'ONG Familiares de Desaparecidos y Detenidos por razones políticas,
plus communément connue comme Familiares (Parents de Disparus et
Détenus pour raisons politiques). Son secrétaire général,
Monseigneur Carlos Malfa, lui a expliqué, en cette difficile
campagne de second tour, que l'appel à la réconciliation nationale
lancé, à plusieurs reprises, par l'Eglise catholique à toute la
société argentine depuis plusieurs années ne cachait aucune
invitation à laisser les crimes de la Dictature impunis.
La page intégrale de Página/12 Cliquez sur l'image pour lire le contenu En bas à droite, un article sur l'identification des soldats tombés aux Malouines |
Déjà
alors qu'il était archevêque de Buenos Aires, le cardinal Jorge
Bergoglio répétait sans cesse cette nécessité qu'il y avait à la
fois d'une réconciliation de tous les citoyens et d'une justice
humaine qui passe et qui fasse aussi la lumière sur les actes commis
sous le gouvernement de fait de 1976-1983. Peine perdue ! Le
message n'est toujours pas compris par la grande majorité des
Argentins. C'est en effet la grande confusion conceptuelle qui règne
aujourd'hui dans le pays et qui entraîne une chaîne de malentendus
depuis des années dans les trois camps, ceux qui ont soutenu la
Dictature (sans avoir pour autant commis des crimes) et qui veulent
réactiver l'amnistie ou se voiler les yeux devant ces atrocités,
ceux qui se sont accommodés du régime sans le combattre et qui
trouvent que les ONG empêchent la réconciliation d'advenir par
l'incessant rappel des griefs des uns contre les autres (1), voire
par la réouverture incessante des plaies les plus purulentes, et
ceux enfin qui ont combattu la dictature, souvent au risque de leur
vie, qu'ils aient pris les armes ou non, et qui exigent que justice
soit faite, comme elle a été faite dans la plupart des démocraties
européennes après l'Occupation nazie. En Europe, l'Eglise rencontre
la même difficulté à faire comprendre à l'opinion publique que
pardon et oubli ne sont pas des synonymes, bien au contraire. On ne
pardonne pas ce que l'on oublie puisque précisemment on l'oublie.
“Nunca
se debe confundir la reconciliación con impunidad”
[…] “La
reconciliación es un tema importantísimo para la fe cristiana, pero
nunca se debe confundir la reconciliación con la impunidad”
[…] “La
Conferencia Episcopal Argentina está trabajando en el ordenamiento
de los archivos. Y en el tema derechos humanos ya se está
colaborando con la justicia desde hace años”
Mon.
Carlos Malfa, cité dans Página/12
Il
ne faut jamais confondre la réconciliation et l'impunité. […] La
réconciliation est un sujet très important pour la foi chrétienne
mais la réconciliation ne doit jamais être confondue avec
l'impunité. […] La Conférence épiscopale argentine travaille
actuellement à la mise en ordre des archives (2). Et au sujet des
droits de l'homme, voici déjà des années qu'elle collabore avec la
Justice.
(Traduction
© Denise Anne Clavilier)
Ante
un pedido de explicaciones de Madres y Abuelas de Plaza de Mayo, de
Familiares y del CELS, el presidente del Episcopado, José María
Arancedo, aclaró que “la reconciliación no es borrón y cuenta
nueva, y menos impunidad”. “Es necesario el empeño en la
búsqueda de la verdad, el reconocimiento de cuanto sea deplorable y
la reparacion en justicia de los daños causados. También debemos
reconocer que el perdón y la reconciliación son dones de un Dios
que nos ha hecho hermanos”, escribió.
Página/12
A la demande
d'explications de Madres et Abuelas de Plaza de Mayo, de Familiares
et du CELS, le président de l'Episcopat (3), José María Arancedo
(4) a expliqué que la réconciliation ce n'est pas on efface tout et
on recommence comme si de rien était, et encore moins l'impunité.
L'effort de la recherche de la vérité, la reconnaissance de tout ce
qu'il y a à déplorer et la réparation en justice des torts causés
sont un besoin. Nous devons aussi reconnaître que le pardon et la
réconciliation sont des grâces d'un Dieu qui a fait de nous des
frères, a-t-il écrit.
(Traduction
© Denise Anne Clavilier)
Après
avoir doctement cité tout cela, le journaliste retombe à pieds
joints dans les sempiternelles âneries de sa rédaction (5) sur la
demande de réconciliation qui, en 1982, cachait une volonté
d'impunité (6), c'est-à-dire exactement le contraire de tout ce
qu'il vient d'exposer.
Incorrigible !
Pour
aller plus loin :
lire
la dépêche de l'AICA (l'agence de presse de l'Eglise catholique
argentine) sur les déclarations de Monseigneur Arancedo intitulée "Un affrontement électoral n'est pas une guerre" (Una contienda
electoral no es una guerra). Ce n'est encore acquis que pour peu
d'Argentins, comme j'ai pu en faire plusieurs fois l'expérience tant
à Buenos Aires qu'à Mendoza.
(1) Il ne faut pas
oublier que les partisans de la Dictature et que la droite en général
reprochent aux ONG et aux militants justicialistes d'avoir été
pendant ces années sombres des guerrilleros, ce qui est loin d'être
toujours vrai. Les militants politiques opposés à la Dictature et
au coup d'Etat militaire et parmi eux en particulier les péronistes,
qui forment le gros du bataillon des disparus, n'ont pas tous
pratiqué la lutte armée ni ne l'ont préconisée. C'est en
particulier le cas des deux associations phares fondées dans les
premiers mois de la Dictature que sont Madres de Plaza de Mayo et
Abuelas de Plaza de Mayo : toutes ces femmes courageuses n'ont
eu recours qu'à la non violence et au droit, national et
international, en invoquant la constitution du pays et les traités
internationaux signés par l'Argentine lorsqu'elle a adhéré à
l'ONU.
(2)
Très tôt après son élection, le Pape François a demandé
publiquement que l'Eglise argentine recherche dans ses archives tous
les éléments pouvant aider à la recherche des disparus et mettent
ses informations à la disposition des enquêteurs, de la Justice et
des ONG de familles de victimes. Il ne faisait alors que reprendre
publiquement une décision que la CEA avait prise quelques mois avant
la renonciation de Benoît XVI.
(3)
Erreur fréquente et fatigante chez les journalistes, de plus en plus
incultes en matière de religion (toutes les religions) et incapables d'écouter ce qu'on leur explique, vu qu'ils se croient détenteurs de tout le savoir du monde : le
rédacteur, resté ici anonyme, confond la CEA avec une structure
hiérarchique et croit que son président est le supérieur
hiérarchique des autres évêques du pays. Une conférence
épiscopale est une instance de partage et de communion spirituelle.
Les évêques gouvernants n'ont qu'un seul supérieur hiérarchique,
le Pape, uniquement lui, dans le monde entier. Les évêques
auxiliaires répondent, quant à eux, à l'évêque qui a en charge le
gouvernement du diocèse. Ils appartiennent de plein droit à la
conférence épiscopale de leur pays ou de leur région.
(4) L'archevêque de Santa Fe (province
homonyme)
(5)
Les autres journaux ne sont pas beaucoup plus précis ni plus justes
sur le sujet.
(6) Cette demande s'adressait tout
autant aux membres de la Junte et à leurs subordonnés, priés
d'arrêter les persécutions et les violations des droits de l'Homme.