El 11 de noviembre, estuve nombrada Miembro correspondiente en Francia de la Academia sanmartiniana, del Instituto Nacional Sanmartiniano.
Abajo publico la carta que me mandaron desde Buenos Aires para agradecerme el trabajo que estoy haciendo acá en la región francohablante de Europa
Mis libros publicados hasta junio del 2015 Mes livres déjà parus (jusqu'à ce jour) |
Bien qu'avertie depuis le 11 novembre
dernier de l'honneur que me faisait l'Académie sanmartinienne
(Academia Sanmartiniana) en me nommant correspondante
(miembro correspondiente) en France, hier soir, j'ai été surprise
en lisant la notification officielle qui vient de me parvenir. Je
m'attendais à un document administratif avec une touche de
solennité, et je tombe sur une épître laudative qu'avec fierté et
sans fausse modestie, j'ai donc décidé de reproduire et de traduire
ici :
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"Au nom de l'Académie de l'Institut
national Sanmartinien, qui se consacre à cultiver le souvenir du
Père de la Patrie, nous avons le plaisir de nous adresser à vous
pour vous informer qu'au cours de sa réunion du 11 courant, il a été
accordé par décision unanime de vous désigner comme Membre
correspondant en France.
Ce vote récompense le travail de
diffusion de la vie du général (1) San Martín que vous avez
réalisé dans votre pays natal conjointement à une importante
contribution à la culture argentine grâce aux différentes
activités que vous menez pour associer fraternellement nos deux pays
dans l'histoire et la culture populaire (2).
Pour cette raison, nous vous prions de
bien vouloir accepter les félicitations du corps académique et
l'assurance de notre plus grande estime et de [toute] notre
considération." (3)
(Traduction Denise Anne Clavilier)
La lettre est signée par l'historienne
Emilia Menotti, pour le corps académique, et le président de
l'Institut, Eduardo García Caffi, pour ce dernier, qui agit en
autorité de tutelle de l'Académie.
Bandeau utilisé par l'INS pour sa page Facebook |
C'est en effet sous l'égide et dans
les locaux de l'INS (Instituto Nacional Sanmartiniano) que l'Académie
sanmartinienne rassemble, par cooptation, des historiens et des
historiographes qui s'emploient à faire connaître San Martín, à
enrichir la recherche historique sur sa vie, son œuvre et son époque
(4) et à fédérer, voire à susciter, toutes les initiatives, de
toute nature, destinées à célébrer sa mémoire partout dans le
pays et même au-delà ainsi qu'à sensibiliser le public argentin à
cet épisode fondateur de l'histoire nationale.
L'INS a été fondé le 5 avril 1933
comme institut privé consacré au souvenir patriotique du général
par un historien argentin formé à la Sorbonne, José Pacifico Otero
(1874-1937). La Bibliothèque Nationale de France conserve d'ailleurs
plusieurs de ses ouvrages écrits dans un français impeccable et
édités ici dont certains sont déjà consultables en ligne sur
Gallica : sa thèse de 1917 (en pleine guerre mondiale, on a du
mal à y croire) ainsi que le premier tome d'une somme en quatre
volumes, L'Argentine devant l'histoire (1922).
Quelques années après sa fondation,
l'Institut s'est installé dans une jolie maison à Palermo, dans la
très chic zone des ambassades, dans un petit coin de la ville qui
est un micro-Paris des beaux quartiers absolument exquis (mais c'est
le seul endroit de Buenos Aires qui ressemble vraiment à une ville
française). Cette maison est une reproduction, à l'échelle 1,30,
de la maison de campagne que San Martín avait achetée en 1835 dans
le paisible petit village d'Evry-sur-Seine, à sept lieues de Paris,
desservi dès le 20 septembre 1840 par la ligne de chemin de fer
Paris-Orléans (embranchement de Corbeil) (5).
Face à la maison reconstituée, un
groupe sculpté intitulé El Abuelo inmortal (le grand-père
immortel), dont je vous ai déjà parlé à propos du voyage culturel
à Buenos Aires que je vous propose avec mon partenaire, Human Trip
(voir aussi à ce propos mon article du 14 décembre 2013). Le
monument, inauguré en 1950, pour le centenaire de la mort du
général, représente le Padre de la Patria, dans son vieil âge, en
compagnie de ses deux petites-filles qu'il aimait tendrement. Une
première tentative de l'art officiel pour humaniser un personnage
jusque-là figé dans le bronze martial de statues équestres qui
l'installaient très haut, tout à fait hors de portée du commun,
dans une pose symbolique sans rapport avec l'homme de chair et d'os
qu'il avait été et que José P. Otero et Ricardo Rojas (1882-1957),
chacun pour sa génération, avaient été les premiers à restituer.
Ce qu'on appelle en Argentine sacar a San Martín del bronce ("dégager
San Martín du bronze").
Depuis son passage sous l'autorité du
gouvernement national, l'Institut a souvent été dirigé par des
généraux, parfois par des historiens civils, comme le Dr. Enrique
Mario Mayochi. Depuis trois ans, il a à sa tête un musicien (un
ancien batteur de rock, si, si, je vous assure !) qui a derrière
lui un long parcours dans le secteur culturel, dont un passage très
apprécié à la tête de Radio Nacional (où il a laissé un très
bon souvenir), Eduardo Emanuel García Caffi. En ces jours où des
modifications risquent d'intervenir bientôt dans les organigrammes
des principales institutions culturelles, je ne voulais pas manquer à
le saluer : comme j'y ai fait allusion dans un article d'hier,
il a le mérite d'ouvrir les portes de l'INS au grand public, de
proposer des conférences accessibles à tous et des expositions,
alors que cet institut était longtemps resté le domaine en quelque
sorte privé des académiciens et des salariés qui y travaillent au
quotidien, fonctionnant aux yeux du public comme une maison
d'éditions qui a publié intégralement, en une quarantaine de
petits cahiers, toute la documentation écrite qui nous est parvenue
sur ce personnage clé de l'histoire argentine.
Eduardo García Caffi n'a pas encore eu
le temps de casser complètement l'image désuète et vieillotte qui
colle encore aux ardoises de cette maison et lui vaut de solides
inimitiés de la part des historiens revisionistas qui se sont, en
grande partie contre lui, rassemblés dans l'Instituto Nacional de
Revisionismo Histórico Manuel Dorrego, autour de Pacho O'Donnell
(qui s'en est retiré depuis devant l'irruption du pluralisme dans
ses murs). J'espère que le nouveau ministre de la culture lui
proposera de rester en fonction (quitte à ce qu'il refuse, puisque
c'est un militant kirchneriste convaincu) : il faut que cette
maison continue à rendre San Martín à tous les Argentins et en
particulier aux civils qui l'admirent fort mais le connaissent très
mal, or c'est là un travail délicat et difficile à réaliser, qui
demande une expérience très complète des animations publiques et
une bonne qualité de relation descendante et ascendante avec les
salariés (au peu que j'ai pu voir, il me semble bien que c'est le
cas).
Autour de l'INS gravitent des
Associations culturelles sanmartiniennes locales. On en compte dans
toutes les provinces. Chacune des villes grandes et moyennes de ce
vaste pays a la sienne. Les unes font du très bon travail, innovent
et proposent des tas de choses intéressantes, c'est le cas de celles qui m'ont
accueillie à Mendoza, à San Martín-Los Barriales ou à San
Rafael.... D'autres sont plus plan plan, car, comme toujours dans le
monde associatif, tout dépend de la personnalité des présidents et
des motivations des adhérents, selon qu'elles sont militantes ou
simplement mondaines. A l'étranger aussi il existe quelques unes de
ces associations, certaines dynamiques, d'autres invisibles (comme à
Toulouse, autour de Carlos Gardel, on voit de tout).
A ce vaste réseau, animé en général
par des historiens amateurs (parfois plus rigoureux que de nombreux
professionnels), s'ajoutent les Instituts du Chili et du Pérou, les
deux autres pays libérés par San Martín, respectivement en 1817 (à
la bataille de Chacabuco, confirmée par la victoire de Maypú, le 5
avril 1818) et en 1821. Depuis Buenos Aires, l'INS tâche enfin de
rayonner à travers ses correspondants étrangers, sans qu'à ce
propos on puisse encore parler de réseau (mais ça viendra bien un
jour) (6). Pour la francophonie, l'INS et l'Académie sanmartinienne
comptent désormais deux correspondants, la plus récente qui signe
ces lignes en France, le plus ancien qui vit et travaille en Belgique
dans la Cité Ardente : le professeur Philippe Raxhon, de
l'Université de Liège, un spécialiste de l'histoire de cette ville
(7) qui a aussi publié plusieurs articles très intéressants sur
San Martín dans différentes revues savantes, en français et en
espagnol, et dirigé une anthologie unilingue de correspondance et
autres écrits de San Martín (présentés dans une admirable
traduction qui restitue le français du début du XIXème
siècle) (8).
Mi próxima charla el sábado que viene (28/11/15) Affiche pour ma prochaine conférence sur San Martín ce samedi 28 novembre 2015 Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Samedi prochain, le 28 novembre 2015, à
11h, j'inaugurerai donc mon titre de membre correspondant de
l'Académie sanmartinienne avec une conférence sur San Martín, à
la mairie de Gretz-Armainvilliers (77), qui a été annoncée dans le
programme du Souvenir napoléonien (délégation de Paris et
d'Ile-de-France).
Que soit ici remercié le Dr Miguel
Angel Di Marcó que j'ai connu à Mendoza, au congrès d'histoire en
septembre 2014, et avec qui j'ai partagé une conférence, à trois,
avec Fabiana Mastrangelo, cette année, à Buenos Aires, organisée
par Pina Poggi, la très dynamique présidente de l'Asociación
Cultural Sanmartiniana de San Martín, dans la Province de Buenos
Aires (dans la banlieue ouest de la capitale argentine). C'est lui
qui a pris l'initiative de présenter ma candidature et m'a fait
l'honneur de la défendre.
Posant avec le Dr De Marcó (gauche), Fabiana Mastrangelo et Pina Poggi à Buenos Aires le 25 août 2015 Con el Dr. De Marcó, Fabiana Mastrangelo y Pina Poggi en Buenos Aires, el 25 de agosto del 2015 |
Pour en savoir plus :
consulter le site Internet de el Instituto Nacional Sanmartiniano
et connectez-vous sur sa page Facebook.
(1) Autre grande surprise : c'est
la première fois dans un document argentin que je vois écrit
général San Martín avec une minuscule au grade !
(2) En Argentine, le mot Folklore a une
acception beaucoup plus forte et surtout nettement moins passéiste
qu'en Europe (d'où ma traduction en culture populaire). Et quand je
parle de passéisme, c'est parce qu'en Europe, ce terme désigne des
systèmes culturels, simples ou complexes, d'arts et de traditions
populaires, plus ou moins anciens, qui tous ont précédé (souvent
de très peu) la constitution de nos Etats-Nations qui agglomèrent
depuis le début du XIXème siècle diverses entités
régionales pour former des ensembles territorialement et
culturellement plus larges (appelés désormais à leur tour à se
fondre dans une Europe politique encore très lointaine, voire
utopique). Il se trouve donc qu'aujourd'hui une partie de la
population voudrait que ces idiosyncrasies anciennes et
infra-nationales perdurent au-delà de ces inéluctables et
successives modernisations de nos différents pays. C'est précisément
l'intérêt porté à ces réalités culturelles promises au déclin
à la fin du XIXème siècle qui a fait apparaître le
substantif folklore en France en 1885. En Argentine, le folklore ne
relève pas ainsi d'un passé révolu prêt à sombrer dans l'oubli
et que des passionnés retiennent dans le présent avec quelquefois
(mais pas toujours) succès et authenticité. C'est une réalité en
cours de création que le folklore argentin, l'un des processus
d'élaboration d'un pays encore enfant avec ses deux cents ans d'âge
(et un peu plus si l'on inclut la période coloniale, que de nombreux
Argentins refusent de prendre en compte). Dans la lettre, le mot
désigne donc toutes les formes de culture populaire, conformément à
la pratique universitaire argentine. Il faut être soi-même
folklorista ou tanguero pour pratiquer la distinction sémantique (à
laquelle je tiens beaucoup) entre tango (culture populaire citadine)
et folclore (culture populaire rurale). A l'Université Nationale des
Arts (UNA), à Buenos Aires, il n'existe qu'une seule unité de
recherche et d'enseignement pour les deux, la Area Folklore-Tango. A
l'Ecole de musique populaire de Avellaneda, en revanche, les deux
cursus sont séparés. Et à côté de la Academia Nacional del Tango
à laquelle j'ai aussi l'honneur d'appartenir, fondée en 1990, il
existe depuis peu une Academia Nacional de Folklore (décret de
fondation daté du 28 mars 2014 et promulgué le 18 juin). Cette
académie dispose d'un site Internet et d'une page Facebook.
(3) En Espagnol, la rupture
grammaticale est permise à l'intérieur de la même phrase, même
dans la formule de politesse en bas d'une lettre. En français, non.
D'où ma traduction qui applique la syntaxe épistolaire française.
L'année dernière, Eduardo García Caffi m'a confié la traduction
de la biographie de San Martín proposée aux visiteurs à côté du
mausolée, dans une chapelle latérale de la cathédrale de Buenos
Aires. C'est un texte superbe rédigé par l'historien du corps des
réservistes du Régiment des Grenadiers à cheval, dans la plus
belle tradition rhétorique hispanique. Mais il a fallu que j'en
restructure plusieurs phrases pour que la version française tienne
debout. Et dire qu'à première vue, nous avons l'impression que
nos deux langues se reflètent l'une l'autre comme dans un miroir.
Que nenni !
(4) Parfois au prix de fortes
dissensions entre eux, de divergences d'opinion, d'analyse et de
sensibilité à fleur de peau.
(5) Pour ma série de conférences
d'août dernier à Buenos Aires puis à Mendoza, j'avais concocté un
petit montage de documents anciens, lithographies, estampes et
cartes, entremêlés de photos de matériel ferroviaire historique
exposé en 2003 sur les Champs-Elysées par la SNCF. L'idée m'était
venue d'abord pour les besoins de mon intervention au Colegio Don
José de San Martín à Florencio Varela, dans la banlieue sud de la
capitale, et j'avais ensuite composé une seconde version pour un
public adulte. Petits et grands ont regardé ça avec une émotion
très perceptible tant cette France de la Monarchie de Juillet que
San Martín a parcouru de long en large pendant son exil leur est un
pays mythique, enveloppé dans le mystère de l'éloignement dans le
temps et l'espace. Mais la maison de San Martín à Evry, dans le
quartier de Grand-Bourg, ne se visite pas, elle abrite depuis 1852 un
couvent de la congrégation Notre-Dame de Sion. Elle a été
entièrement réaménagée pour les besoins de la communauté qui lui
a ajouté une chapelle.
(6) La même question du maillage et de
la coopération entre pairs se pose aussi à la Academia Nacional del
Tango, où nous sommes en train de mettre sur pied des procédures
d'échanges et de partage ainsi que ce congrès du tango qui devrait
se tenir désormais tous les ans au mois d'août.
(7) Philippe Raxhon s'est vu récemment
confié en Belgique la direction scientifique du centenaire de la
Grande Guerre et celle du Bicentenaire de Waterloo.
(8) Un travail d'histoire linguistique
dont je me suis abstenue dans l'élaboration de San Martín par lui-même et par ses contemporains, paru aux Editions du Jasmin, comme la biographie, San Martín à rebours des conquistadors.