"Nous ne voulons pas de marche arrière dans le processus historique de mémoire, de vérité et de justice". |
Mercredi dernier, alors que la campagne
électorale se clôturait hier soir, pour laisser trois jours de
réflexion aux électeurs argentins, vendredi, samedi et dimanche, où
se tient le scrutin, toutes les associations qui militent pour les
droits de l'homme, à l'exception notable de Madres de Plaza de Mayo
(1) mais avec la participation de Madres de Plaza de Mayo Linea
Fundadora, ont émis un communiqué commun pour appeler à voter pour
Daniel Scioli, le seul des deux candidats qui leur paraît garantir
la poursuite du processus de démocratisation de l'Argentine, la
continuité des enquêtes judiciaires pour retrouver les disparus de
la Dictature et conduire au tribunal les criminels de ces sinistres
années, ainsi que le maintien d'une politique de redistribution
sociale de la richesse nationale. C'est Estela de Carlotto qui a lu
le message devant la presse rassemblée au siège de Abuelas, où
elle a l'habitude de se rendre à chaque fois qu'une identification a
pu être rendue publique.
Página/12 est le seul des quatre
grands quotidiens nationaux à avoir mis cette prise de position à
sa une d'hier matin. La Nación (2) s'est elle aussi fait écho de
cette déclaration sur son site Internet dès mercredi après-midi,
en publiant l'intégralité du communiqué presque sans aucun
commentaire (donc sans aucune manipulation de l'information).
Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 de jeudi
lire l'article de La Nación sur la
conférence de presse
lire l'interview de Feinmann dans El
País
lire l'article de Página/12 sur les
propos de Marcos Aguinis
lire l'interview de Aguinis dans El
País (où il se garde bien de répondre à plusieurs questions très politiques).
(1) L'association Madres de Plaza de
Mayo a depuis quelques années souffert quelques scandales
retentissants quant à la gestion de ses finances. Un fossé s'est
creusé entre elle et les autres associations, qui ne veulent pas
être éclaboussées par les soupçons légitimes nés de ces
irrégularités à répétition.
(2) La Nación se fait aussi l'écho
des déclarations d'un intellectuel ouvertement kirchneriste au
quotidien espagnol El País, José Pablo Feinmann, qui estime que le
pays s'est lassé de l'intelligence supérieure de Cristina Kirchner,
qui a cru bon ne s'entourer d'aucun conseiller et d'exercer le
pouvoir d'une façon très personnelle (une sorte d'hyper-présidence
pour parler comme en France). Elle aurait aussi péché en se
montrant incapable de susciter des cadres politiques à l'intérieur
du mouvement et prévoir sa propre succession, comme en France l'ont
fait François Mitterand ou Nicolas Sarkozy, laissant chacun à son tour le parti qui
l'avait porté au pouvoir dans un bien triste état. J'avoue partager
cette dernière analyse. Quant à se fatiguer de l'intelligence, il
se pourrait que ce soit vrai dans une Argentine qui reste très
machiste dans bien des pans de sa société. En réponse peut-être à
cet article, Página/12 reprend les propos tenus aussi, pour certains
d'entre eux au moins, dans El País par l'intellectuel Marcos Aguinis
qui soutient Macri, insulte Estela de Carlotto et Hebe de Bonafini
(la présidente de Madres) et prétend que dans certains pays
développés (paises serios), les gens ne connaissent pas le nom du
chef du Gouvernement (j'aimerais bien savoir à quels pays il peut
bien penser !). Il est intéressant de comparer les deux
articles, celui de El País (centre gauche espagnol) et Página/12
(gauche argentine).