La porte symbolique qui marque l'entrée de certains villages et même des provinces entières... au milieu de nulle part ! |
Dans la province de Córdoba, la
bourgade de Moisés Ville va être proposée au Patrimoine de
l'Humanité. Moisés Ville, 2400 habitants, est la première colonie
ashkénaze en Argentine. Elle a donné vie à la figure du Gaucho
judío (le gaucho juif), grâce au livre homonyme de Alberto
Gerchunoff, prototype de la littérature judéo-latino-américaine,
paru en 1909 (1), un ouvrage qui fut adapté au grand écran en 1975
et acheva de populariser cet archétype.
Le jour de la tradition, fêté à Moisés Ville |
Cette ville a en effet été fondée
par une communauté d'immigrants juifs, 136 familles venues des
régions de résidence imposée par le régime tsariste, en Ukraine.
Ces gens apportaient avec eux une utopie de développement social
grâce à la ruralité, cette ruralité dont les législations
européennes depuis le haut Moyen-Age avaient privé toutes les
communautés juives partout sur le Vieux Continent. En Amérique du
Sud, la ville constitue la première expérience (et l'une des toutes
premières au monde) du socialisme ashkénaze issu des théories des
années 1840-1850 avec leurs phalanstères et autres coopératives
qui connurent ensuite, en Palestine puis dans l'Etat d'Israël,
d'autres variantes, dont celle des emblématiques kibboutzim
aujourd'hui tous quasiment disparus. Moisés Ville a été fondée en
1889 et, même si les pratiquants forment une minorité dans le
village actuel, il n'en vit pas moins encore aujourd'hui au rythme du
calendrier liturgique juif, tout en respectant aussi les jours fériés
de l'immense majorité catholique du pays.
A Moisés Ville, qui n'est qu'un hameau
et non pas une municipalité à part entière (2) on compte trois
synagogues, dont la plus ancienne a été construite en 1890 (c'est
très vieux pour l'Argentine), plusieurs bibliothèques où l'on
trouve des ouvrages en hébreu, en russe et en yiddish, une belle
salle de théâtre, de 500 places (rien de moins), le Teatro Kadima
qui faisait partir du projet urbanistique des premiers colons, des
traditions culinaires qui ont adapté la cuisine cachère ukrainienne
et enfin, aussi, un musée qui est l'un des plus significatifs du
pays sur la judéïté et le judaïsme.
La Nación a choisi cette semaine de
Pessah (Pesaj en espagnol), la grande fête juive, celle de la
libération d'Egypte, pour raconter cette ville et ses atouts
touristiques dans l'ouest de Córboda, non loin de la Laguna Mar
Chiquita, belle et vaste zone marécageuse à la limite avec Santa
Fe.
Pour aller plus loin sur la question :
visiter le site Internet du musée de la ville
consulter la page Facebook de Moisés Ville
consulter la page Facebook de Moisés Ville par les élus.
Il y a quelques jours, La Nación avait parlé de la table de Pessah en gastronome.
Il y a quelques jours, La Nación avait parlé de la table de Pessah en gastronome.
(1) Grâce à La Nación qui publia ce
livre sous forme de feuilleton au cours de cette année qui précédait
le Centenaire de l'Argentine. Le livre appartient à cette veine
littéraire argentine qu'est l'écriture régionaliste.
(2) Administrativement et
politiquement, Moisés Ville dépend de la municipalité de San
Cristóbal et dispose sur place d'une délégation de la mairie qui
gère localement le hameau. Le territoire de cette municipalité
(departamento en argentin) présente la particularité de se trouver
à cheval sur deux provinces, Córdoba à l'ouest et Santa Fe à
l'est. San Cristóbal est sur le territoire santafesino et Moisés
Ville est en province de Córdoba. Comme il s'agit d'un hameau, son
nom ne figure pas sur les cartes officielles de l'IGN (institut
géographique national argentin).