Quelle envie de pleurer, s'exclame Página/12 à la une de ses pages culturelles en citant José María Contursi ( En esta tarde gris) |
Uno et Cafetín de Buenos
Aires, sur des textes de Enrique Santos Discépolo, En esta tarde
gris et Gricel sur des letras de José María Contursi (1), Taquito
militar, milonga joyeuse, voyouse et légère comme une plume, dont les premières
notes vous donneront une irrésistible envie de danser (2), tels sont
quelques uns des classiques du répertoire que l'on doit à ce
compositeur et pianiste qui voulait donner à la musique populaire
une ampleur symphonique, grâce à ses arrangements et ses
orchestrations, le premier et le seul musicien avant Astor Piazzolla qui ait eu cette audace : le Maestro Mariano Mores était né à Buenos Aires le
18 février 1918, il venait d'avoir 98 ans. Il est décédé très
tôt hier matin dans la capitale argentine et toute la nuit, il a été veillé,
suprême honneur pour un musicien populaire, dans le prestigieux
Teatro Colón, l'Opéra de Buenos Aires.
Enfant prodige, il avait
composé ses premiers morceaux à l'âge de 14 ans. Plus tard, il
prit pour nom de scène le patronyme de son épouse, Mirna Mores. Il
a joué dans l'orchestre de Francisco Canaro avant de fonder le sien
propre et de faire une carrière brillante et éclectique qui lui a
valu bien des critiques de tous côtés. Au cinéma, il a joué les
jeunes premiers et il est même monté sur les planches comme
comédien. L'heure venue, la télévision s'est régalée, en noir et
blanc et en couleurs... L'homme avait côtoyé Juan Domingo Perón dont il était
un ami personnel, comme Enrique Santos Discépolo, dont il avait mis
en musique de véritables chefs d'œuvre.
Sur le plan personnel, il
lui a fallu surmonter l'immense chagrin que lui avait causé la mort
de son fils Nito. Il lui restait sa fille et les deux petits-enfants
qu'elle lui avait donnés. Sa petite-fille est une figure de la
jet-set télévisuelle, une vedette peu discrète du petit écran
très présente dans les colonnes mondaines des journaux et des
magazines. Son petit-fils, Gabriel Mores, est chanteur.
Le journal de Córdoba, La Voz del Interior, met aussi Mores en manchette et Cristina en vedette |
Mariano Mores avait
arrêté sa carrière scénique en 2011.
Dès que la nouvelle a été
connue hier, les sites des journaux se sont couverts d'hommage et ce
matin, tous les journaux lui ont trouvé une place sur leur unes, les
titres nationaux comme les quotidiens provinciaux. C'est une
véritable mémoire du tango et de la musique populaire surtout
urbaine qui s'en va...
Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarín
(qui date d'hier)
lire l'article de La Prensa (qui n'a pas enrichi non plus la nécrologie publiée hier)
lire la dépêche de Télam
hier.
Pour écouter sa musique,
il faut se reporter à l'encyclopédie tanguera en ligne Todo Tango,
qui lui a consacré, au fil des années, un grand dossier avec
interviews, articles divers, partitions, enregistrements audio et
vidéo. Todo Tango a d'ailleurs réagi avec célérité en modifiant
dès hier cette fiche pour y ajouter la date du décès : 13
avril 2016.
(1) En esta tarde gris,
auquel Página/12 emprunte son gros titre, fait partie des letras que
j'ai présentées et traduites dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, que j'ai publié en 2010 aux Editions du Jasmin.
(2) Taquito Militar :
on pourrait traduire par "Claquement de talon". Il s'agit en fait d'une
mode au début du XXe siècle : les hommes des
faubourgs chaussaient volontiers des bottes de la cavalerie
militaire, avec leur petit talon caractéristique (comme les bottes
de cow-boy de western), qu'il faisait claquer dans les rues pour
effaroucher le bourgeois en roulant des mécaniques...