mercredi 13 avril 2016

Le nouveau visage de Televisión Pública Argentina, ex-Canal 7 [Actu]


Avant-hier, le 11 avril 2016, le ministre du Système fédéral des médias publics et des contenus publics, Hernán Lombardi, a présidé d'un ton bonhomme et cordial la présentation de la nouvelle programmation de la chaîne de télévision publique, TVP (ex-Canal 7), à la presse debout dans le studio au pied de l'estrade et au public, puisque c'était retransmis en direct par les ondes, le câble et sur le streaming du site Internet de la chaîne.

Les quatre hommes qui constituent les autorités constituées, le ministre, son secrétaire d'Etat aux médias, le président de RTA et le directeur exécutif de TVP, en tenue décontractée, chemise ouverte et sans cravate, ont pris l'un après l'autre la parole, sans note, sans prompteur, en parlant simplement, sans retour polémique sur le passé et avec ce qui ressemblait bien à du parler vrai (et si ce n'en est pas, c'est bien imité). La grille veut refléter la diversité du pays, sur le plan idéologique et politique, sur le plan géographique et même sur le plan climatique. Elle se fera pas à pas, sur les quatre ans du mandat présidentiel, avec les moyens de la maison à plus de 90%, c'est-à-dire, ont-ils tous insisté, avec l'argent des Argentins, avec l'argent des impôts de tous. Cela signifie une production encore austère et économe, d'où le refus opposé à plusieurs propositions de qualité qui ne pouvaient pas trouver place dans le budget donné pour cette année. L'objectif est d'ouvrir progressivement l'antenne à de plus en plus de choses, avec des moyens accrus au fur et à mesure que les finances du pays se stabiliseront.

Une soirée très festive (capture d'écran)

Sur un ton très juste, politiquement et historiquement, Hernán Lombardi a rappelé l'exemple d'unité nationale donné par le Congrès Constituant de Tucumán, composé de gens aux opinions très variées et parfois même antagonistes, pour certaines d'entre elles, qui surent se mettre d'accord pour se tourner vers l'avenir, un avenir de liberté et d'indépendance. Or le bicentenaire de l'Indépendance le 9 juillet prochain et les Jeux Olympiques de Rio en août constitueront précisément les deux temps forts de cette antenne nouvelle mouture...

Un montage vidéo a été projeté pour présenter les nouvelles émissions, sans oublier les anciennes qui sont maintenues (et il y en a, et des bonnes). Et parmi ces émissions maintenues, il y a celle de Madres de Plaza de Mayo, l'association présidée par une femme qui traite le président élu d'ennemi et refuse d'échanger un mot avec lui ou avec ses représentants. Il y a aussi celle de l'historien revisionista Felipe Pigna, qui a conservé aussi son émission de radio à Radio Nacional. Il en va de même aussi de l'émission farcesque (sans jeu de mot) et truculente intitulée Cocineros argentinos, pour diffuser les recettes argentines et étrangères... La facture du montage rappelle clairement celle des bandes annonces de la BBC, de RTVE ou de France Télévision, les modèles dont Hernán Lombardi disait en décembre vouloir s'inspirer. Il semblerait que le pari soit tenu. Toutefois la soirée s'est bel et bien déroulée dans un style purement argentin, à la bonne franquette, dans une pagaille joyeuse et rigolarde, très éloignée de nos standards européens plus formels et cérémonieux.

Un coup d'œil sur le site Internet de la maison permet de confirmer le caractère diversifié de cette programmation qui ravit les commentateurs de Télam et La Nación et fait grincer des dents à Página/12, dont la une figure pourtant dans la partie du montage consacrée à la nouvelle direction de l'information (il y aura tous les jours une revue de presse dans l'un des bulletins d'info de la journée, comme cela se pratique en effet dans la plupart des médias publics démocratiques).

La photo finale de tous les animateurs, producteurs délégués et présentateurs de JT
Capture d'écran

La nouvelle grille commencera à prendre effet lundi 18 avril et certaines émissions n'apparaîtront qu'au mois de mai. Autrement dit, avec un retard d'environ deux mois sur les promesses de décembre quand Hernán Lombardi nous annonçait une nouvelle télévision pour la rentrée de mars. Vu la profondeur des changements engagés, avec une partie de la population qui n'y était ni préparée ni favorable

Malgré tout cela, la CIDH, la Cour Inter-Américaine des Droits de l'Homme, a audité en fin de semaine dernière le Gouvernement argentin, dont la décision d'abroger la Ley de Medios, la loi votée sous Cristina Kirchner, pour empêcher la constitution de positions hégémoniques dans le paysage médiatique national, fait craindre au tribunal international un affaiblissement de la liberté d'expression et du pluralisme dans la presse en Argentine. Et cette fois-ci, c'est Página/12 qui biche en se sentant soutenu par l'organisme de justice tandis que La Nación soupire.

Pour aller plus loin :
sur la nouvelle grille à la télévision publique
regarder toute la fête de présentation du 11 avril en début de soirée sur le site Internet de TV Pública ou sur son canal Youtube (38 minutes)
Sur l'audience de la CIDH sur l'abrogation de la Ley de Medios
lire la dépêche de Télam.

Ajout du 18 avril 2016 :
lire l'article de La Nación sur le nouveau visage du JT national argentin