Avant-hier, le 11 avril
2016, le ministre du Système fédéral des médias publics et des
contenus publics, Hernán Lombardi, a présidé d'un ton bonhomme et
cordial la présentation de la nouvelle programmation de la chaîne
de télévision publique, TVP (ex-Canal 7), à la presse debout dans
le studio au pied de l'estrade et au public, puisque c'était
retransmis en direct par les ondes, le câble et sur le streaming du
site Internet de la chaîne.
Les quatre hommes qui
constituent les autorités constituées, le ministre, son secrétaire
d'Etat aux médias, le président de RTA et le directeur exécutif de
TVP, en tenue décontractée, chemise ouverte et sans cravate, ont
pris l'un après l'autre la parole, sans note, sans prompteur, en
parlant simplement, sans retour polémique sur le passé et avec ce
qui ressemblait bien à du parler vrai (et si ce n'en est pas, c'est
bien imité). La grille veut refléter la diversité du pays, sur le
plan idéologique et politique, sur le plan géographique et même
sur le plan climatique. Elle se fera pas à pas, sur les quatre ans
du mandat présidentiel, avec les moyens de la maison à plus de 90%,
c'est-à-dire, ont-ils tous insisté, avec l'argent des Argentins,
avec l'argent des impôts de tous. Cela signifie une production
encore austère et économe, d'où le refus opposé à plusieurs
propositions de qualité qui ne pouvaient pas trouver place dans le
budget donné pour cette année. L'objectif est d'ouvrir
progressivement l'antenne à de plus en plus de choses, avec des
moyens accrus au fur et à mesure que les finances du pays se
stabiliseront.
Une soirée très festive (capture d'écran) |
Sur un ton très juste,
politiquement et historiquement, Hernán Lombardi a rappelé
l'exemple d'unité nationale donné par le Congrès Constituant de
Tucumán, composé de gens aux opinions très variées et parfois
même antagonistes, pour certaines d'entre elles, qui surent se
mettre d'accord pour se tourner vers l'avenir, un avenir de liberté
et d'indépendance. Or le bicentenaire de l'Indépendance le 9
juillet prochain et les Jeux Olympiques de Rio en août constitueront
précisément les deux temps forts de cette antenne nouvelle
mouture...
Un montage vidéo a été
projeté pour présenter les nouvelles émissions, sans oublier les
anciennes qui sont maintenues (et il y en a, et des bonnes). Et parmi
ces émissions maintenues, il y a celle de Madres de Plaza de Mayo,
l'association présidée par une femme qui traite le président élu
d'ennemi et refuse d'échanger un mot avec lui ou avec ses
représentants. Il y a aussi celle de l'historien revisionista Felipe Pigna, qui a conservé aussi son émission de radio à Radio Nacional. Il en va de même aussi de l'émission farcesque (sans jeu de mot) et truculente intitulée Cocineros argentinos, pour diffuser les recettes argentines et étrangères... La facture du montage rappelle clairement celle des
bandes annonces de la BBC, de RTVE ou de France Télévision, les
modèles dont Hernán Lombardi disait en décembre vouloir s'inspirer.
Il semblerait que le pari soit tenu. Toutefois la soirée s'est
bel et bien déroulée dans un style purement argentin, à la bonne
franquette, dans une pagaille joyeuse et rigolarde, très éloignée
de nos standards européens plus formels et cérémonieux.
Un coup d'œil sur le site
Internet de la maison permet de confirmer le caractère diversifié
de cette programmation qui ravit les commentateurs de Télam et La
Nación et fait grincer des dents à Página/12, dont la une figure
pourtant dans la partie du montage consacrée à la nouvelle
direction de l'information (il y aura tous les jours une revue de
presse dans l'un des bulletins d'info de la journée, comme cela se
pratique en effet dans la plupart des médias publics démocratiques).
La photo finale de tous les animateurs, producteurs délégués et présentateurs de JT Capture d'écran |
La nouvelle grille
commencera à prendre effet lundi 18 avril et certaines émissions
n'apparaîtront qu'au mois de mai. Autrement dit, avec un retard
d'environ deux mois sur les promesses de décembre quand Hernán
Lombardi nous annonçait une nouvelle télévision pour la rentrée
de mars. Vu la profondeur des changements engagés, avec une partie
de la population qui n'y était ni préparée ni favorable
Malgré tout cela, la
CIDH, la Cour Inter-Américaine des Droits de l'Homme, a audité en
fin de semaine dernière le Gouvernement argentin, dont la décision
d'abroger la Ley de Medios, la loi votée sous Cristina Kirchner,
pour empêcher la constitution de positions hégémoniques dans le
paysage médiatique national, fait craindre au tribunal international
un affaiblissement de la liberté d'expression et du pluralisme dans
la presse en Argentine. Et cette fois-ci, c'est Página/12 qui biche
en se sentant soutenu par l'organisme de justice tandis que La Nación
soupire.
Pour aller plus loin :
sur la nouvelle grille à
la télévision publique
regarder toute la fête de
présentation du 11 avril en début de soirée sur le site Internet de TV Pública ou sur son canal Youtube (38 minutes)
lire la dépêche de Télam
Sur l'audience de la CIDH
sur l'abrogation de la Ley de Medios
lire la dépêche de Télam.
Ajout du 18 avril 2016 :
lire l'article de La Nación sur le nouveau visage du JT national argentin
Ajout du 18 avril 2016 :
lire l'article de La Nación sur le nouveau visage du JT national argentin