Juntos por el Cambio, la droite de gouvernement qui entend reprendre la politique menée par Mauricio Macri pendant le précédent mandat, a emporté les élections législatives nationales qui renouvelaient partiellement le Congrès : au tiers pour le sénat à travers un scrutin organisé à l’échelle provinciale (seules certaines provinces votaient) et à la moitié pour la chambre des députés à travers un scrutin à l’échelle nationale, le pays tout entier étant alors divisé en districts définis par la démographie locale (en France, ce sont des circonscriptions).
"Le gouvernement a perdu de 8,3 points et perd le quorum au Sénat", dit le gros titre sur une photo de la soirée électorale à droite hier soir Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Avec ce scrutin, les libéraux
viennent de faire perdre le quorum au premier bloc du Sénat,
constitué par les élus de Frente de Todos (majorité
gouvernementale) : ce bloc, même avec tous ses élus présents
dans l’hémicycle, ne constituera plus à lui tout seul le quorum
nécessaire à l’adoption des lois. C’est donc une assez lourde
défaite pour Frente de Todos (les péronistes de gauche) qui va
obliger Cristina Kirchner, présidente du Sénat et vice-présidente
de la République, à négocier avec la demi-douzaine d’élus des
partis locaux (qui existent dans diverses provinces) pour
reconstituer la gouvernabilité de la Haute Assemblée et pouvoir
faire voter les lois stratégiques pour la politique développée par
l’exécutif, élu il y a deux ans.
Autre coup dur pour l’actuelle majorité : elle a perdu la province de La Pampa, qui était l’un de ses bastions depuis 1985, c’est-à-dire depuis le retour de la démocratie et de la constitution, à deux ans près.
Du côté des députés, la liste
d’extrême-droite trumpo-bolsonarienne menée par Javier Milei
obtient 4 sièges. C’est un tournant dans l’histoire de la
démocratie en Argentine où, jusqu’à ce que Trump parvienne
au pouvoir à Washington, l’électorat avait
su tenir à l’écart ces postures violentes, vulgaires et
irrationnelles. La grande majorité des Argentins a été en effet
vaccinée contre le phénomène par un demi-siècle de putschs
militaires de 1930 à 1983 qui ont semé la mort et la désolation
dans la Nation.
Malgré tout, la majorité
gouvernementale fait de bien meilleurs scores que ce que laissaient
espérer les résultats des primaires à la mi-septembre. Elle reste
le premier bloc au Sénat et à la Chambre (avec 117 sièges de
députés contre 116 pour les libéraux de Juntos por el Cambio).
Elle a donc refait une partie de son retard. Dans la chambre basse,
Frente de Todos va devoir négocier s’il veut conserver la
présidence, aujourd’hui tenue par Sergio Massa, ancien Premier
ministre de Cristina Kirchner et ancien maire (plutôt efficace) de
Tigre, jolie ville résidentielle à une quarantaine de kilomètres
au nord-ouest de Buenos Aires.
Le nouveau Congrès prendra ses fonctions le 10 décembre prochain.
Pour la seconde fois, ces résultats sont obtenus avec une assez forte abstention, d’environ 30 % (dans un pays où le vote est obligatoire). Lors des primaires, en septembre, l’abstention était supérieure d’à peu près 4 points. On voit donc ici encore combien la pandémie a fragilisé nos démocraties représentatives à cause des mécontentements provoqués d’abord par les opérations d’intoxication de l’opinion publique à travers les réseaux sociaux, ensuite par des faits bien réels : les confinements successifs et les baisses de revenus qu’ils ont entraînées ainsi que les difficultés logistiques que tous les gouvernements ont rencontrées, et celui de l’Argentine ne fait pas exception à la règle, pour vacciner toute la population en assez peu de temps pour freiner la contagion. Et au milieu de l’opération laborieuse, les variants sont venus tout compliquer.
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