Javier Mileí avait complètement raté son débat d’entre-deux-tour contre Sergio Massa dimanche dernier. Les sondages publiés lui accordaient une légère avance dans la marge d’erreur.
Le scrutin une fois dépouillée,
il est élu avec près de 56 % des voix. Le président le mieux
élu en nombre de bulletins de ces quarante ans de démocratie.
Tout en haut sur fond bleu : "le sous-sol de la Patrie soulevé" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Il n’a pas de congrès à sa main. Il dispose de moins de quarante parlementaires répartis dans les deux chambres. Dans ce paysage tel quel, il ne pourra pas mettre en œuvre son programme.
Il est toutefois possible qu’il parvienne à un accord de gouvernement avec l’aile droite du défunt Juntos por el Cambio, de Mauricio Macri, les négociations ayant commencé immédiatement après le premier tour. Et puis il y aura dans la masse des élus qui viendront à la soupe, là où elle sera servie.
Pour la vie des Argentins, cette
expérience, la troisième en quarante ans, après les mandats
catastrophiques de Menem dans les années 1990 (qui a mené à la
faillite de 2001) et de Macri, qui n’a pris fin qu’il y a quatre
ans (quel manque de mémoire), risque d’être des plus amers. Il
est vrai qu’une bonne partie des électeurs de Mileí sont des
jeunes. En Argentine, on peut voter dès l’âge de 16 ans, quand on
ne connaît rien de la vie et des responsabilités qu’il faut
assumer mais qu’on adore dire des gros mots et provoquer les
adultes. Or Mileí a bel et bien seize ans d’âge mental.
"Mileí l'emporte dans un deuxième tour historique et Massa doit arrêter s'il quitte ou non le gouvernement", dit le gros titre Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Pour l’image internationale de l’Argentine, c’est sans doute une catastrophe pire que celles qu’ont connues les États-Unis avec Trump et le Brésil avec Bolsonaro car l’Argentine n’a les atouts ni de l’un ni de l’autre. Ses institutions démocratiques sont loin d’être aussi solides que celles des Etats-Unis, or ils ont eux-mêmes bien du mal à maintenir le cap démocratique et constitutionnel comme on peut le constater actuellement dans la campagne républicaine. De plus, l’Argentine ne bénéficie d’aucune notoriété dans l’opinion publique internationale hormis Messi et Maradona.
Du Brésil, on connaît et on
reconnaît facilement Lula et Dilma Roussef, deux figures politiques
très charismatiques à l’intérieur et à l’extérieur des
frontières de leur pays. On avait donc des personnalités
expérimentées à qui comparer Bolsonaro et la comparaison n’était
en sa faveur que dans une minorité d’extrême-droite un peu
partout dans le monde démocratique (dans le monde despotique, il est
difficile de mesurer une telle adhésion). De l’Argentine, nous ne
connaissons plus Raúl Alfonsín, le président du retour à la
démocratie en décembre 1983. Peut-être, nous reste-t-il chez un
tout petit nombre de personnes un vague souvenir de Carlos Menem,
bellâtre élu président qui passait déjà pour un escroc dans les
années 1990. L’Espagne mise à part, notre grand public et même
nos journalistes les plus célèbres ne sont pas fichus de
reconnaître Néstor Kirchner, ou Cristina, son épouse et successeuse
à la présidence, ni Mauricio Macri (pourtant élu en même temps
que Macron, cela devrait faciliter le travail mental) et encore moins
Alberto Fernández, le président sortant. En revanche, ce clown
violent et grossier va pouvoir s’imposer, précisément à cause de
ces traits de caractère, comme tête de proue ultra-visible pour représenter le pays.
Javier Mileí avec sa sœur avec laquelle il entretient une relation infantile et assez ambiguë Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Les clichés et les préjugés sur l’Argentine avaient déjà la vie dure et j’en sais quelque chose puisque je les combats sans solution de continuité depuis bientôt 15 ans. Maintenant, ils vont pouvoir danser la farandole pendant les quatre ans qui viennent au moins.
Les premiers noms de ministres ont été révélés. Ils correspondent à ceux qui avaient été distillés pendant la campagne. La prestation de serment du nouveau président aura lieu le 10 décembre, journée internationale des droits de l’Homme et quarantième anniversaire du retour de la démocratie en Argentine. Des célébrations festives avaient été prévues par l’actuel gouvernement. Il est possible qu’elles fassent flop.
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