dimanche 14 août 2011

Cours exceptionnel des Copes père et fille hier à Tango Porteño [à l'affiche]


Le tango à Buenos Aires, c'est aussi ça. Le tango spectaculaire davantage à l'usage des touristes que du Portègne lambda, et en l'occurrence il s'agit pour le somptueux et immense cena-show qu'estTango Porteño de faire de la retape auprès des danseurs et futurs concurrents, venus d'un peu partout dans le monde dans la capitale argentine, pour participer au tout prochain Mundial de Tango. Bien entendu, pour eux, qui souvent ne connaissent du tango que la danse et ne s'intéressent qu'à la danse, quelle offre alléchante qu'un cours avec ces deux-là ! Et cet objectif est très clairement détectable dans le choix du costume, assez tape-à-l'oeil et difficile à porter en ville, surtout l'hiver, qu'exhibe Johana Copes (sur une affiche qu'un problème technique chez l'éditeur du blog, Blogger, m'empêche de publier aujourd'hui).

Juan Carlos Copes, on ne le présente plus : à 80 ans, il danse toujours, en général dans un autre cena-show de la ville, la Esquina Carlos Gardel, qui fut autrefois, il y a bien longtemps, un simple bistrot de quartier ouvrier où Gardel se produisait contre un repas gratuit... On peut dire de Copes qu'il a inventé le tango de scène, un style dont la portée politique est des plus ambigües. D'une part, on lui doit que des danseurs aient pu survivre économiquement à la mise en cage du tango après la chute de Perón en 1955, lorsque les gouvernements successifs, à la solde des Etats-Unis, ont voulu réduire le genre à une simple attraction touristique. Le tango de scène a en effet parfaitement trouvé sa place dans cette étape du tango, qui fut aussi celle de sa décadence ou plutôt de sa mise sous le boisseau. D'autre part, c'est ce tango de scène qui, dans l'esprit de beaucoup de gens, y compris en Argentine, a réduit le tango à une simple danse de couple et à un spectacle fort peu culturel au demeurant, de type revue, avec longues jambes en bas résille et types machistes revêtus d'invraisemblables costumes d'une autre époque avec galure incliné sur l'oeil pour se donner un air de voyou, ce qu'à la rentrée, Tanguera va une nouvelle fois mettre à l'honneur, bien peu mérité, au théâtre du Châtelet à Paris, au cours de leur habituelle tournée d'automne européenne...

Hier donc, et seuls des impératifs d'organisation de mon temps et le décalage horaire expliquent que je n'en parle qu'aujourd'hui, le père et la fille ont donné deux cours, sans aucune précision sur le niveau de technique requis, l'un sur la technique femme, l'autre sur des notions de tango-salón, dont ils ne sont pourtant pas les représentants les plus emblématiques. Le tout dans cet établissement où les Portègnes ne mettent jamais un orteil, Tango Porteño, à deux pas de l'Obélisque, un ancien cinéma des années 30, tout en style arts déco (si on aime, c'est pas mal dans le genre), qui a été sauvé de la destruction par l'installation de ce business qui vous fait dîner d'une cuisine internationale, donc peu typique, et vous offre (à prix excessif) un spectacle tout en paillettes et sans queue ni tête, où se commettent néanmoins de très bons artistes. Il y a trois ans, s'y produisait entre autres une chanteuse qui chantait Malena a capella d'une manière splendide...

Mais Malena, il vaut mieux la rencontrer en chair et en os, ou plutôt celle qui a inspiré le poète Homero Manzi pour l'écriture de cette letra magnifique (1), et pour ça, rendez-vous demain soir, lundi 15 août 2011, à la Academia Nacional del Tango. Dont les Copes père et fille sont d'ailleurs membres...

(1) La version bilingue, espagnol-français, de Malena figure bien entendu dans mon recueil Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, publié en mai 2010 aux Editions du Jasmin, p. 42, et que je présenterai le 17 août prochain à l'Alliance Française.